D'éternels joggeurs évoluent autour du lac des Sapins, à Cublize (Rhône), des enfants de centres aérés et des campeurs sur ses abords profitent de leurs vacances, tandis qu'habitants de la région et touristes viennent nager dans sa piscine écologique, faire de la voile ou du cheval. « Ce site est un grand parc public rural que tout le monde peut parcourir de manière très libre », raconte Pierre Janin, qui dirige Fabriques Architectures Paysages. Etablie au sein de la ferme familiale de Vernand (Loire) et à Lyon, l'agence travaille depuis cinq ans sur les contours du lac artificiel de Cublize. Elle y a notamment construit un centre équestre tout en bois. Dans ce secteur du Beaujolais vert, les paysages font alterner élevages de bovins et plantations de douglas. « La filière liée à la sylviculture est relativement bien constituée, avec ses scieries et ses charpentiers », précise l'architecte.

En juillet 2019, après seulement quatre mois de chantier, Fabriques Architectures Paysages a livré au syndicat mixte du lac des Sapins l'extension de sa base de voile et d'aviron construite dans les années 1980-1990 et peu lisible. « Notre réflexion tourne autour de l'économie de moyens et de la compacité. Nous cherchons à limiter au maximum la consommation d'espaces verts », explique Pierre Janin. Ici, le jeu avec la pente a permis de minimiser la gestion des abords : « Nous avons fait entrer au chausse-pied un édifice de 32 mètres de long et 7 m de large, en l'inscrivant dans un espace délaissé entre les bâtiments existants et un talus, en le considérant comme un élément de soutènement. »

Sur le devant, une cour fonctionnelle destinée aux allées et venues des bateaux, à leur entretien et leur nettoyage, a été dégagée. Un parvis qui participe à mettre en relation avec le site l'entrée de la base, qui sert aussi à la location de vélos. Dans son prolongement, des gradins situés face à l'eau et au ponton d'accès offrent aux familles un endroit où s'asseoir pour regarder les enfants faire de l'optimiste et les parents de l'aviron. Pierre Janin a proposé ces gradins en cours de chantier, car le lac comporte peu d'espaces en belvédère. Or, à cet endroit, les promeneurs peuvent profiter pleinement du panorama.

Un mode de construction agricole. « La base de voile relève du registre de la stabulation. » L'architecte a misé sur la frugalité des matériaux - principalement du douglas local, dont l'approvisionnement s'effectue à une trentaine de kilomètres - et un mode de construction agricole : une charpente traditionnelle, une couche de polycarbonate et des bacs acier. Une peau en bois brut de sciage revêt le tout, en façade comme en couverture, afin de limiter les risques de surchauffe et d'atténuer le bruit de la pluie à l'intérieur des locaux.

Une partie ajourée permet de filtrer la lumière naturelle. « J'avais en tête la poétique de la vieille grange qui se transforme en lanterne lorsqu'elle est allumée le soir et que la lueur passe à travers les lames », reprend l'architecte. L'espace entre les claires-voies augmente progressivement du bas vers le haut pour que les interstices ne servent pas d'échelles aux ados. Afin d'accuser son allure de volume épuré à l'échelle du paysage, Pierre Janin en a effacé toutes les aspérités et les débords, en encastrant dans l'épaisseur des façades les rails du portail coulissant, les gouttières et les descentes d'eau pluviale. Le plan local d'urbanisme exigeant une toiture rouge, l'architecte est parvenu à faire accepter le douglas recouvert d'un saturateur qui rehausse sa teinte naturelle. « L'abstraction était nécessaire car le bâtiment est long. Je voulais le transformer en boîte très sobre, juste posée en rive de lac. »
