Focus

Norvège : ouverture dans les transports

Après avoir longtemps fait preuve de protectionnisme, le royaume scandinave s’ouvre progressivement aux entreprises étrangères dans le domaine des infrastructures routières et ferroviaires. Les besoins et les moyens dégagés sont considérables.

Image d'illustration de l'article
Le Projet Ringeriken, au nord d'Oslo

Au fil des ans, la Norvège investit toujours davantage dans les projets d’infrastructures de transport. Le dernier « plan national » en date, qui couvre la période 2018-2029, illustre cette volonté politique. Présenté l’an dernier par le gouvernement et adopté au Parlement, ce document prévoit une enveloppe totale de 1 064 milliards de couronnes (environ 110 milliards d’euros), étalée sur douze années. Soit une hausse de 57% par rapport au précédent plan  (2014-2023). Sur ce montant à venir, dont plus d’un huitième sera financé par des péages routiers, 55 milliards d’euros seront dédiés au réseau routier (+ 27%) et 35 milliards aux infrastructures ferroviaires (+ 45%). Sur le papier, ce pays de 5,3 millions d’habitants a les moyens d’une telle politique. Classé 13ème producteur mondial de pétrole et 7ème de gaz, il a atteint un niveau de prospérité qui le place régulièrement parmi les nations les plus privilégiées. La réalité est un peu plus nuancée. Quasiment toutes les recettes provenant de l’extraction des hydrocarbures offshore sont collectées dans un fonds (dit "pétrolier"), dont les gérants ont interdiction d’investir dans le royaume. Seuls environ 3% de cette cagnotte équivalant à plus de 835 milliards d’euros (!) est prélevés chaque année pour combler le déficit budgétaire. La manne pétrolière ne bénéficie donc pas directement aux infrastructures norvégiennes.

Image d'illustration de l'article
La Norvège La Norvège

•  5,3 millions d’habitants (17,3/km²)

•  PIB : 344,3 milliards d’€ (+2,5% en 2018, prévision du ministère des Finances)

•  Marché du BTP en 2017 : 9,23 mds d’€ (dont 1 pour les routes et le rail)

Il n’en reste pas moins que les infrastructures de transport sont une des priorités du gouvernement actuel, une coalition de droite élue en 2013 et reconduite pour quatre ans depuis l’automne dernier. Cette équipe est plus proche des entreprises privées que celle (de centre-gauche) qui l’avait précédée. Le ministre des Transports et des Communications, Ketil Solvik-Olsen, prône une plus grande concurrence dans les secteurs dont il est responsable. D’où une ouverture progressive aux entreprises étrangères qui, longtemps, n’étaient pas les bienvenues sauf certaines cousines scandinaves. « L’ouverture s’est faite en liaison avec la récente crise pétrolière et la chute du prix du baril » en-dessous de 50 dollars, à partir de l’été 2015, note Magali Voisin-Ratelle, directrice de Business France Norvège. Le pays a alors vu le spectre de l’ère post-hydrocarbures se dessiner concrètement, même si le baril s’est un peu renchéri depuis. « La Norvège a pris conscience qu’elle ne pourrait pas rester auto-suffisante ad vitam aeternam et qu’il lui faudrait pouvoir diversifier son économie pour ne plus dépendre de la rente du pétrole et du gaz. Une diversification qui passe aussi par une ouverture à l’international pour pouvoir l’accompagner et l’optimiser », ajoute la responsable française. C’est donc une aubaine pour les groupes étrangers susceptibles de répondre à la demande locale. On ne s’en est visiblement pas encore aperçu du côté des "routières" françaises. « Pourtant, cela vaudrait la peine de regarder. Les projets sont assez nombreux, avec des problématiques propres à la Norvège et son territoire accidenté qui exigent des expertises assez pointues », plaide Magali Voisin-Ratelle. Une allusion, notamment, au vaste projet de route E39 sans ferries, qui inclura la construction de ponts et de tunnels destinés à rouler au-dessus ou sous l’eau des nombreux fjords de l’ouest. « Il y a sans doute un manque de connaissances en France lié au fait qu’il n’y a pas eu ici de projets routiers de cette ampleur depuis un bon moment », reprend-elle. Cela dit, Bouygues et Vinci ont fait part de leur intérêt à Statens Vegvesen, l’agence publique en charge des routes, notamment pour un pont de 9 km à la sortie de Bergen (ouest).

Colas Rail positionné

En revanche, dans le secteur ferroviaire, des groupes français se sont déjà clairement positionnés (Alstom, Thales pour de la signalisation, Colas Rail) en vue de contrats importants. « Nous sommes en phase de préparation pour produire une première offre cet automne et une série d’autres dans les années à venir », indique la filiale de la routière de Bouygues SA. Les besoins sont en effet là, ainsi que le rappelait le ministre des Transports en présentant le plan 2018-2029 : « Nous allons entamer la période de construction ferroviaire la plus ambitieuse depuis celle de la ligne du Nordland », achevée en 1962 et qui fait plus de 700 km dans ce pays en forme de banane, très étiré du nord au sud. À Bane NOR, la société publique en charge des infrastructures ferroviaires, on confirme. « Nous nous attendons à ce que la pleine capacité des entrepreneurs déjà établis dans le secteur soit assez vite remplie. Les compagnies européennes ne sont donc pas seulement les bienvenues dans la quête de contrats pour les mégaprojets prévus par Bane NOR, mais elles seront sans doute nécessaires au succès de l’ensemble », estime Henning Scheel, son directeur pour les contrats et les relations avec les fournisseurs. « Bane NOR aura probablement besoin de plus de capacités et de compétences dans tous les domaines de la construction de voies ferrées. Cela inclut des entreprises principales pour la construction d’infrastructures comme les tunnels et les ponts, des entrepreneurs dans tous les domaines des techniques ferroviaires et des consultants en ingénierie », ajoute-t-il. Le travail ne manquera pas : doublement des voies sur de nombreux tronçons partant de la capitale Oslo (notamment pour l’InterCity), remplacement du système de signalisation actuel par le système ERTMS  (projet étalé sur 15 ans), électrification de tronçons, creusement de tunnels (dont un de 23 km sur la ligne Ringeriken ferroviaire et routière, au nord d’Oslo), améliorations de voies ferrées, extension et rehaussement de quais de gare, ainsi qu’une nouvelle ligne de métro à Oslo. « Bane NOR et l’État norvégien ont en commun le but de réduire les coûts dans les investissements ferroviaires. Pour y parvenir, nous dépendons d’une compétition saine entre entrepreneurs », insiste Henning Scheel. Bane NOR présentera ses mégaprojets aux fournisseurs intéressés le 19 avril à Oslo. Quant à Business France Norvège, elle organisera, les 12 et 13 mars à Oslo, des rencontres d’affaires avec des donneurs d’ordres du transport ferroviaire et routier.

2 QUESTIONS A : 

Didier Lapalus est le directeur chargé des appels d’offres chez Alstom Norvège.

« Ils sont obligés d’acheter à l’étranger » 

Il vend des systèmes de signalisation ferroviaire pour l’ensemble du royaume.

Comment voyez-vous le marché norvégien dans votre secteur ?

Il est très ouvert, parce que les Norvégiens n’ont pas une industrie ferroviaire propre, donc ils sont obligés d’aller acheter à l’étranger. Mais il faut avoir fait ses preuves. Ce qui est très important pour les Norvégiens, outre l’aspect prix, c’est d’être convaincus qu’on va vraiment pouvoir leur fournir la fonctionnalité voulue au moment voulu.

Qu’est-ce qui vous surprend dans leur manière de travailler ?

C’est la rigueur avec laquelle ils tiennent les réunions. Ils tiennent informés de la même manière tous les prestataires qui, une fois sélectionnés, les rencontrent en tête à tête. E, dans le processus d’appel d’offres, il n’y a pas vraiment de négociations. Tout le travail d’influence est impérativement à faire en amont. Par la suite, ils changent très peu de choses et cherchent surtout à clarifier certains points.

Les points d’entrée

• Business France : Magali Voisin-Ratelle, directrice (E-mail : magali.voisin-ratelle@businessfrance.fr) ; Victor Brynning, infrastructures et transports (E-mail : victor.brynning@businessfrance.fr). • Chambre de commerce franco-norvégienne : Ludovic Caubet, directeur (E-mail : caubet@ccfn.no) ; Luc Bodet, chef de projet (E-mail : bodet@ccfn.no). • Bane NOR (rail) : Morten Sigvardsen, chef des relations avec les fournisseurs (E-mail : morten.sigvardsen@banenor.no) • Staten Vegvesen  (route) : Jan Egil Eilertsen, chef pour les appels d’offres  de PPP (E-mail : jan.eilertsen@vegvesen.no) • Majors locaux  du BTP (par ordre de chiffre d’affaires) : Veidekke, Skansa Norge, AF Group • Acteurs français dans le BTP : Colas, Thales, Alstom.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires