Le groupe Monnoyeur a connu de nombreuses évolutions ces dernières années. Comment s’organise-t-il aujourd’hui ?
Philippe Monnoyeur : Un premier bloc regroupe nos activités de concessions et de services liés à la marque Caterpillar au sein de Bergerat Monnoyeur, mais également à notre filiale Ipso qui assure la distribution de matériels John Deere dans le secteur agricole en Europe centrale. Cet ensemble génère un peu plus de 2 Mds€ de chiffre d’affaires [1,5 Md€ pour la distribution des machines Caterpillar et 500M€ pour ceux de John Deere, NDLR]. Il faut également ajouter à cela les activités d’Aprolis, leader européen de la location de matériels de manutention. Plus récemment nous avons structuré un pôle qui englobe nos services dits « spécialisés ». Il comprend Chronoflex [expert des flexibles hydrauliques racheté il y a deux ans, NDLR] et GCS qui intervient sur les pneus de génie civil. Ces savoir-faire viennent soutenir les activités précédemment évoquées. Enfin, avec Arkance, récemment renforcée par le rachat de VinZero, nous sommes devenus le premier distributeur mondial de logiciels Autodesk. Toutes ces composantes constituent le groupe Monnoyeur dont le chiffre d’affaires est d’environ 3,2 Mds€.
Voilà 117 ans que votre groupe existe. Son déploiement sur les marchés de la location et du numérique notamment ont-ils fait évoluer la nature de sa promesse ?
P.M. : Elle reste inchangée depuis notre naissance. Nous formons un groupe de services qui fournit des moyens pour améliorer la productivité de ses clients finaux. Nos développements dans les secteurs de la distribution, des services, de la location ou encore de l’édition de logiciels poursuivent tous le même objectif : densifier nos expertises pour mieux accompagner les professionnels dans les transformations qu’ils traversent.
Quels sont les enjeux nouveaux auxquels vos clients font face ?
P.M. : Tous sont soumis aux grandes mutations de notre temps, parmi lesquelles la digitalisation des opérations, la transition énergétique et la montée en puissance d’une économie fondée davantage sur l’usage plutôt que sur la propriété. Ce sont ces mouvements de fonds qui dictent nos investissements, tout en continuant de nous appuyer sur la force de nos métiers historiques.
Le monde de la construction attendait un acteur de taille critique qui maîtrise les logiciels, mais aussi et surtout leur cœur de métier pour apporter de la valeur ajoutée.
— Philippe Monnoyeur, P-DG du groupe Monnoyeur
Vous avez évoqué la montée en puissance d’une économie d’usage. S’agit-il, selon vous, d’un phénomène durable ?
P.M. : C’est une tendance de fond. Elle se traduit d’ailleurs partout dans le monde par une hausse du taux de pénétration de la location. Un certain nombre de facteurs y contribuent, au premier rang desquels des taux d’intérêt plus élevés et une transition énergétique qui pousse à privilégier les Opex plutôt que les Capex pour une meilleure valorisation d’un actif. Le croisement de ces différents éléments crée un environnement de marché favorable à des actionnaires et opérateurs de long terme tels que nous. Aujourd’hui, la location tire notre croissance et accélère la montée en compétence de nos activités de services.
Comment se traduit cette dynamique dans les activités de Bergerat Monnoyeur ?
Jean-Marie Basset : Il y a une dizaine d’année, la location constituait encore pour nous une activité marginale. Aujourd’hui, sur 10 machines que nous livrons, 3 sont dévolues à la location courte ou longue durée. Nous avons une flotte de matériels de près de 500 machines de plus de 20 tonnes sur la courte durée, dont 100 en Belgique. Avec 10 agences, nous disposons désormais d’un maillage complet du territoire. Nous allons néanmoins l’étoffer en certains points pour accompagner de grands projets locaux ou régionaux tels que le Canal Seine-Nord Europe et les grands chantiers qui naîtront de l’ambition industrielle de Dunkerque.
Cet accent sur la location change-t-il les équilibres entre vos activités de distribution, de location et de vente de matériels d’occasion ?
J-M.B. : Pas fondamentalement car l’occasion a également beaucoup progressé du fait du manque de machines sur le marché ces dernières années, mais aussi grâce à notre stratégie de développement dans la location qui lui fournit un gisement de matériels. En réalité, la location et l’occasion se nourrissent mutuellement. Et pour mettre en musique ce cercle vertueux, nous nous sommes appliqués à former nos vendeurs afin qu’ils sachent porter la multiplicité de nos offres.
Quels sont les besoins exprimés des acteurs du BTP en matière de solutions numériques ?
P.M. : Le monde de la construction attendait un acteur de taille critique qui maîtrise les logiciels, mais aussi et surtout leur cœur de métier pour apporter de la valeur ajoutée. C’est la mission d’Arkance. Nous nous sommes développés en ce sens à l’échelle de l’Europe d’abord, avant de prendre une dimension mondiale avec le rachat de VinZero. Le point d’entrée dans le digital doit toujours rester la compréhension du métier de vos clients.
Comment se mettent en place les solutions numériques au sein de Bergerat Monnoyeur ?
J-M.B. : L’utilisation des technologies autour et dans la machine Caterpillar constitue un axe fondamental du développement de Bergerat Monnoyeur. Nous avons digitalisé nos process et notre relation client jusque dans la location et l’après-vente. Cela nous permet d’intervenir au bon moment et d’organiser une maintenance prédictive. Aujourd’hui, à chaque appel, nous disposons des données nécessaires pour intervenir, soit à distance, soit en envoyant le mécanicien pour une réparation immédiate sans passer par un premier rendez-vous de diagnostic. C’est un vrai bond en avant en termes de réactivité et d’efficacité, encore amplifié par l’intelligence artificielle qui nous permet d’optimiser le dispatch des mécaniciens pour sélectionner le bon expert, au bon moment.
Nous avons digitalisé nos process et notre relation client jusque dans la location et l’après-vente
— Jean-Marie Basset, directeur général de Bergerat Monnoyeur
Tous les clients sont-ils suffisamment matures pour s’approprier ce type de services ?
J-M.B. : Toutes nos machines sont vendues maintenant contractuellement avec un accès à l'ensemble de nos outils et services que permettent la connectivité des engins : rétrofit, mise à jour, maintien et maintenance des boitiers, rapport mensuel par machines, envoi proactif des lots de filtres, accès à l'environnement digital, rapport gestion de flotte. Ensuite, nous accompagnons tous nos clients, grands groupes ou PME dans l'utilisation de ces outils et services, chaque jour dans nos interactions avec eux, mais aussi par la formation aux outils, webinaires, tutoriels en ligne... Prenez l’exemple de notre solution Vision Link. C’est un outil qui permet de gérer toute une flotte d'engins, indifféremment des matériels Caterpillar ou d’autres marques. L'outil rend le client autonome dans la construction de ses rapports de flotte, par chantier, gamme de machines... avec des données d'utilisation, consommation de carburant et émissions de CO2. Le client dispose d'un support en ligne fait de tutoriels et de webinaires pour se former mais tous nos vendeurs et inspecteurs après-vente sont en support pour l'accompagner dans l’usage de cet outil pour faire en sorte qu’il en exploite toutes les possibilités.
En quoi ces applications traduisent-elles les ambitions digitale du groupe Monnoyeur ?
P.M. : Elles s’inscrivent dans une vision globale : faire converger le soft et le hard. Créer une continuité entre l’amont et l’aval de la chaîne de valeur de la construction. Le guidage des machines ou encore le pesage embarqué ont constitué une première marche. La prochaine sera de mettre en place un continuum numérique entre le bureau d’études, le chantier et les matériels. Nous avons 20 ans de croissance devant nous pour y parvenir complètement et ainsi embarquer toutes les parties prenantes du BTP.