Historiquement, l'essentiel de votre activité repose sur le résidentiel. L'année 2024 a-t-elle été meilleure que 2023 sur ce marché ?
Nous avons enregistré 4 800 réservations et 1,1 Md€ HT de ventes actées, en hausse respectivement de 14 % et 8 % sur un an. La vente en bloc, notamment aux bailleurs sociaux, qui a représenté près de 50 % en volume, et celle au détail de logements étudiants ont été les principaux moteurs de cette dynamique retrouvée. En résidentiel géré, nous avons également vendu en bloc une résidence seniors, ce qui n'était pas arrivé depuis 2022. C'est un bon signe après le retrait massif des investisseurs institutionnels sur ce segment de marché.
Comment vous êtes-vous adaptés à l'absence de cette clientèle ?
Jusqu'en 2022, les ventes en bloc de résidences gérées pouvaient représenter 15 % de notre chiffre d'affaires résidentiel, une part qui est tombée à 3 % en 2024. Ces deux dernières années, la hausse des taux d'intérêt et des coûts de construction a fortement limité le nombre d'opérations susceptibles d'être vendues en bloc dans des conditions satisfaisantes pour les deux parties. Nous avons donc opéré un rééquilibrage de notre production pour mieux nous adresser à d'autres acheteurs en bloc : les bailleurs sociaux.
Comment vous y prenez-vous ?
Nous cherchons à répondre à deux de leurs préoccupations, à savoir la maîtrise des charges de leurs locataires et le vieillissement de ces derniers. Pour déployer cette offre, baptisée In'Clusive et lancée fin 2023, nous nous appuyons sur une équipe de sept référents qui les accompagnent sur l'ensemble du territoire.
Cette méthode illustre l'évolution de l'entreprise, qui privilégie désormais le mode de travail en réseau. Selon la complexité des projets, nos collaborateurs peuvent systématiquement compter sur l'appui d'experts internes. Nous comptons, par exemple, un référent pollution pour la transformation de friches industrielles, ce qui nous permet de nous positionner sur celles-ci en tiers demandeur. Evidemment, nous misons aussi sur la réhabilitation avec l'appui de collaborateurs experts.
Vous visez zéro artificialisation nette dès 2030, avec vingt ans d'avance sur un objectif national que le Sénat veut assouplir. Cette ambition est-elle toujours d'actualité ?
Aujourd'hui, l'urgence à réduire l'artificialisation des sols est peut-être moins forte chez certains élus, mais aucun maire n'est contre la recréation de la ville sur la ville, le traitement des verrues, la redynamisation des friches…
Nous maintenons donc cet engagement. Le recyclage urbain est bien plus vertueux que la construction d'un immeuble neuf sur un espace vert. Il nous permet non seulement de réduire notre empreinte carbone, mais aussi d'améliorer l'acceptabilité des projets auprès des collectivités et des habitants, tout en répondant à la quête de sens de nos collaborateurs..
Concernant l'immobilier non résidentiel, comment Vinci Immobilier se porte-t-il ?
La crise y est plus profonde que dans le logement. Cependant, nous nous maintenons sur le segment de l'hôtellerie, qui reste porteur. La vingtaine de collaborateurs qui s'y consacrent connaissent bien les différentes gammes, ainsi que les investisseurs et exploitants. Ils sont capables de trouver le bon produit hôtelier en fonction des attentes spécifiques de chaque territoire.
Nous comptons cinq opérations en cours, dont trois en régions. Nous prévoyons d'en lancer trois autres cette année, à Toulouse (Haute-Garonne), Maubeuge (Nord) et Meaux (Seine-et-Marne).
Et qu'en est-il du bureau, qui pesait environ un tiers de votre chiffre d'affaires global avant la pandémie de Covid ?
Nous venons de livrer à Paris (XVIIIe) l'immeuble Wow, issu de la reconversion de l'ancien site des Grands Magasins Dufayel, construits à la fin du XIXe siècle. Nous continuons à développer des bureaux en régions, où des projets, commercialisés à au moins 80 %, seront lancés cette année. En englobant les hôtels, les ventes et contrats signés sur le marché non résidentiel, très cyclique, ont généré un chiffre d'affaires de près de 100 M€ HT, en baisse significative par rapport à 2023 [- 67 %, NDLR].
Vous avez été le premier promoteur national à annoncer un plan social, en janvier 2024. Où en êtes-vous ?
La décision a été prise très tôt à regret, car nous avions la conviction que les volumes de réservations de logements seraient plus faibles durablement, et que le bureau ne repartirait pas dans des volumes aussi importants qu'avant la crise. Au total, un peu plus de 120 collaborateurs nous ont quittés à l'été 2024. A date, la promotion chez Vinci Immobilier [qui est également présent en Pologne, NDLR] mobilise 550 salariés en France.
Qu'en est-il de votre filiale de promotion Urbat, qui opère principalement sur l'arc méditerranéen et en Auvergne-Rhône-Alpes ?
Une procédure d'information et consultation, similaire à celle initiée chez Vinci Immobilier, est en cours en vue de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi précédé d'un plan de départs volontaires. Environ 35 postes sont concernés, soit un tiers des effectifs actuels.
La dynamique est différente pour ce qui est de votre activité d'exploitant…
Depuis fin 2023, nous avons recruté près d'une centaine de personnes pour gérer nos 40 résidences seniors Ovelia, nos 17 résidences étudiantes Student Factory et notre premier site de coliving Bikube à Lyon (Rhône). Sur ce segment de marché, deux autres ouvertures suivront à Montpellier (Hérault) et à Suresnes (Hauts-de-Seine), respectivement en 2025 et 2026.
« Aujourd'hui, l'enjeu majeur consiste à raccourcir le délai de montage des nouvelles opérations. »
Quelles leçons tirez-vous de la crise qui secoue la profession depuis plus de deux ans ?
En 2023 et 2024, les promoteurs ont dû abandonner de nombreuses opérations devenues non viables économiquement, en raison de la hausse des taux d'intérêt subie par leurs clients.
Aujourd'hui, l'enjeu majeur consiste à raccourcir le délai de montage des nouvelles opérations, afin de réalimenter nos portefeuilles fonciers et de retrouver un équilibre économique. Cela passe par le soutien de l'Etat en termes de réglementation, pour faciliter l'instruction des permis notamment.
De notre côté, nous devons améliorer l'acceptabilité de nos programmes, en démontrant par exemple qu'ils contribuent à la mixité sociale et à l'apport des aménités attendues.
Que faut-il pour que le rebond du marché ait vraiment lieu ?
L'élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) a redonné du pouvoir d'achat aux primo-accédants. La baisse des taux d'intérêt devrait contribuer à faciliter le retour des secundo-accédants qui ne peuvent bénéficier du PTZ.
En parallèle, il faut redonner envie aux investisseurs particuliers, qui représentaient, sur le segment Pinel, environ 15 % de nos réservations au détail. Avec la disparition du dispositif cette année, leur poids a fortement diminué. Il est crucial que la ministre du Logement Valérie Létard porte le chantier du statut du bailleur privé jusqu'à son terme.
Enfin, le gouvernement doit donner de la visibilité aux acteurs de l'immobilier, en prolongeant les dispositifs qui marchent comme le PTZ et le Denormandie, dont l'arrêt est prévu fin décembre 2026.