Interview

« Nous devons travailler dans la dentelle avec une énorme caisse à outil », Vincent Bougamont, directeur de la Fabrique des quartiers

Comment réhabiliter les quartiers anciens dégradés, opération couteuse et compliquée ? Alors que l’actionnariat de la Fabrique des quartiers, aménageur spécialisé dans la revitalisation des quartiers anciens vient de s’agrandir, Vincent Bougamont, son directeur explique au Moniteur les spécificités de ce travail de dentelle et les différents outils originaux déployés par la société publique locale d’aménagement pour le mener à bien.

Réservé aux abonnés
Vincent Bougamont
Vincent Bougamont, directeur de la Fabrique de la Cité.

Quelle est la spécificité de la société publique locale d’aménagement (SPLA) la Fabrique des quartiers ?

La SPLA été créée en en octobre 2010, il y a presque 13 ans, pour revitaliser les quartiers anciens dégradés, c'est-à-dire des maisons anciennes en habitat privé, le plus souvent situées dans des quartiers en politique de la ville. C’est un habitat spécifique du passé industriel du nord de la France pour lequel nous devons travailler dans la dentelle avec une énorme caisse à outil, qui n’est pas celle utilisée habituellement par les aménageurs. Il nous faut par exemple être capable de dire aux propriétaires : "vous faites des travaux ou bien on vous exproprie". Il nous faut aussi pouvoir démolir en cas d’insalubrité. Nous faisons aussi un gros travail de relogement. Nous cherchons également les propriétaires, débloquons des situations d’indivision, remettons du commerce,  ….. Nous allons aussi débuter un travail sur les copropriétés dégradées. Nous œuvrons donc à petite échelle à débloquer des situations complexes et laborieuse.

Quels sont vos premiers gros projets à se concrétiser ?

Au bout de 13 ans, le programme fondateur Lille quartiers anciens (ANRU) se termine avec la réalisation de six micro-projets de renouvellement urbain : 356 logements neufs, 250 réhabilités et 202 accompagnements au relogement. Par ailleurs, le PMRQAD (programme métropolitain de requalification des quartiers anciens dégradés NDLR) démarré en 2011 et qui concerne cinq sites répartis sur six communes (281 logements à construire, 179 réhabilitations et 204 accompagnements au relogement) devrait être achevé d’ici trois ans. Mais les prix des travaux ont augmenté de 20 % depuis le Covid-19 et la situation des populations de cet habitat ancien s’est encore dégradée. Désormais nous travaillons sur le nouveau plan national de renouvellement urbain quartiers anciens de Lille. (NPNRU LQA).

Qu’est-ce qui diffère avec cette deuxième génération ?

Elle intègre des nouvelles contraintes, comme la construction bas carbone. Nous travaillons aussi beaucoup plus sur l’urbanisme transitoire qu’il y a 10 ans, avec par exemple un travail très innovant sur la place Jacques Febvrier à Lille ou bien sur des vitrines de commerces animées à Tourcoing. Le NPNRU LQA comprend ainsi 226 immeubles à acquérir, 167 à réhabiliter, 59 à démolir, 167 à réhabiliter, 45 copropriétés à diagnostiquer, mais aussi 66 cellules d’activités à activer, et 33 Rez-de-chaussée en activation transitoire. Dans ce cadre nous sommes par exemple lauréats du programme France 2030, démonstrateur de la ville durable pour le secteur « Iena-Mexico », un ilot de 3,5 ha d’habitat ancien à transformer en un quartier à santé positive et bas carbone.

Vous avez des coûts de production supérieurs aux programmes neufs classiques ?

En effet, nous avons un cout de production en moyenne d’environ 2300 euros du m² contre 1850 HT pour le neuf. Pour améliorer l’équation économique nous vendons désormais beaucoup en démembrement. Le bâti est cédé à un investisseur tandis que l’usufruit locatif social est réservé à un bailleur pour 15 ans. Cette vente différée nous permet de gagner un peu plus. Nous intervenons aussi désormais sur des secteurs plus resserrés et lançons les rénovations sans attendre d’avoir un preneur. Une fois les travaux réalisés, les promoteurs achètent ces programmes pour atteindre leur 5 % en acquis amélioré. Nous temporisons aussi désormais les reventes d’immeubles avec commerces afin de garder la main sur les les loyers de ces derniers afin qu’ils n’augmentent pas. Tout cela implique pour nous de nouvelles compétences.

Vous travaillez aussi sur le NPNRU de Roubaix ?

En effet, l’habitat ancien dégradé constitue l’un des coeurs de cible du programme. La Métropole européenne de Lille nous a ainsi confié en 2022 une concession d’aménagement d’une durée de 15 ans sur trois secteurs ( Alma, Épeule, Pile). Elle comprend 325 immeubles à acquérir, 392 à gérer transitoirement 369 accompagnements au relogement et 87 à réhabiliter. 238 à démolir 70 à construire et 27 locaux d’activité à créer et enfin 15 000 m² d’espaces publics a requalifier.

Vous travaillez toujours sur le programme logements vacants ?

Oui et nous sommes les seuls à faire ce type de travail. Entre 2016 et 2019, 2400 biens identifiés en situation de blocage sur 24 communes ont été diagnostiqués par nos soins. 1800 ont pu être remobilisés, mais il en reste toujours 600 en situation de blocage. Depuis 2020 la concession vise leur déblocage par des procédures adaptées : bien sans maitre, état d’abandon manifeste, succession vacante, … ou par acquisition, voire expropriation. Ensuite nous lançons la réhabilitation sous notre maitrise d’ouvrage afin de produire des logements sociaux de qualité.

D’autres programmes en vue?

En effet, plusieurs autres programmes sont en cours de montage. Un pour améliorer l’habitat et l’activité commerciale dans le centre-ville de Tourcoing, un autre pour traiter à Lille les petites copropriétés dégradées dans les quartiers de Moulins et Wazemmes, ou encore un autre pour résorber l’habitat insalubre, il concerne 811 immeubles répartis sur 37 sites et huit communes. Enfin nous travaillons sur le projet de plateforme de réemploi de matériaux de construction sur le site de l’ancien secours populaire de Roubaix. Par ailleurs, notre actionnariat vient de s’élargir avec l’arrivée des communes d’Armentières, Faches-Thumesnil, Halluin, Loos, Lys-lez-Lannoy qui ont rejoint les actionnaires historiques que sont Lille, Roubaix, Tourcoing et la Métropole Européenne de Lille.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires