Le sujet intéresse les entreprises ; elles ont été 356 à répondre à cette enquête menée à l’été 2024. Elles sont 76 % à estimer que la place des femmes dans le BTP s’est améliorée (parmi lesquels 72 % des femmes et 82 % d’hommes) ; 23 % trouvent que cela n’a pas changé et 1 % évoquent même une dégradation. La part des femmes représentait en 2023 14,2 % dans le bâtiment et 10,4 % dans les travaux publics, contre 13,8 % et 10,1 % en 2022 ou 12,8 % et 8,9 % en 2016. Une progression lente, mais une progression tout de même. Les femmes sont surtout présentes dans les métiers du second œuvre, comme l’attestent ces chiffres issus des chiffres du réseau des Cerc en 2022 : peintre (7,9 %), solière moquettiste ou carreleuse (2,5 %). Ce chiffre tombe à 0,7 % chez les plâtriers, ouvriers VRD ou couvreurs et 0,5 % dans la maçonnerie ou parmi les chauffagistes. Les travaux publics comptent 1 % d’ouvrières.
Pénibilité et environnement de travail
Parmi les freins à cette mixité, la moitié des entreprises interrogées ont cité la rareté des candidates lors des recrutements ; 18 % d’entre elles ont reconnu des freins psychologiques et préjugés à l’égard des femmes ; puis viennent les conditions de travail difficiles sur les chantiers (11 %) ; l’environnement de travail peu adapté aux femmes (8 %) ; les attitudes sexistes au sein de l’entreprise ou provenant de l’extérieur (7 % pour la totalité des réponses, mais 20 % si l’on considère uniquement le point de vue des femmes parmi les personnes interrogées) ; la difficulté d’intégration des femmes dans les équipes (3 %) et l’incompatibilité entre vie familiale et vie professionnelle (2 %).
Certains de ces freins peuvent être levés comme la pénibilité « qui peut être limitée par des outils », estime Thierry Grolier, président de la Fédération des Scop de Nouvelle-Aquitaine, lors de la table ronde organisée le jour de la signature du contrat régional de filière. Par ailleurs, une diversité de métiers existe au sein du secteur et tous ne sont pas pénibles. L’environnement de travail avec une meilleure inclusion des femmes est également rendu possible grâce à la présence de sanitaires et vestiaires dédiés sur les chantiers ou l’acquisition d’EPI conçus pour des femmes, produits référencés par certains fournisseurs. Quant aux attitudes sexistes, elles relèvent plus d’une problématique sociétale générale… Pour Sonia Kholodivker, cheffe d’une entreprise de menuiserie à Agen, le premier frein peut aussi, voire surtout, être l’environnement proche. La famille peut en effet vouloir pousser les filles vers d’autres formations.
D’ailleurs, « il est fréquent que les femmes viennent au BTP dans un deuxième temps, après une première carrière professionnelle, constate Nathalie Coquerel, déléguée régionale Emploi Formation à la FFB Nouvelle-Aquitaine, les femmes dans le bâtiment arrivent par passion. » Et au final, elles contournent les problèmes liés au recrutement en créant leur propre société : une étude de la FFB en 2022 révèle que plus d’une entreprise sur deux est dirigée ou codirigée par une femme.
Informer dès le plus jeune âge pour créer des modèles
Cette absence de mixité dans le secteur s’observe dès la formation : si les femmes sont 28,1 % dans les formations liées à l’aménagement et aux finitions (chiffres du réseau des Cerc en 2022-2023) ou 19,7 % en peinture, elles ne sont plus que 1,7 % dans l’électricité ou 0,8 % dans la construction de routes. Mais, là aussi, elles se font une (petite) place. Christian Jover, directeur du BTP-CFA d’Agen, observe une hausse de la part des femmes dans ses formations de 2,5 % à 5,4 % en deux ans. Encore fragile, mais prometteur. Et il salue leurs qualités : elles sont sensibles à l’écoconstruction, créatives et se positionnent sur les postes de conductrices de travaux.
L’exemple reste le meilleur moyen d’essaimer, alors les fédérations multiplient les rencontres : assises du TP à Bordeaux, visites de chantier, intervention dans les collèges… Lisa, apprentie au CFA d’Agen en montage d’installation thermique et électricité était d’ailleurs fière de témoigner qu’à l’issue d’une de ces interventions dans un collège, une élève a intégré le CFA pour une formation de chauffagiste.
* Les cosignataires du CRF sont la préfecture de la région Nouvelle-Aquitaine, la région Académique, France Travail, la Fédération française du bâtiment (FFB), la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), la Scop BTP, la Fédération régionale des travaux publics (FRTP) et la Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC).