Doté d’une couche protectrice d’oxyde qui le protège de la corrosion et lui confère une couleur rouille caractéristique, l’acier autopatinable séduit à nouveau les experts. De quoi faire de cette couleur la plus répandue en matière de construction de ponts métalliques ?
Limiter l’entretien
Ce matériau formé à partir de différents alliages comme le cuivre (Cu), le chrome (Cr), le Nickel molybdène (Ni Mo) ou le Phosphore (P) est de plus en plus prisé, en particulier parce qu’il permet de limiter les opérations de maintenance.
« La plupart des ponts métalliques actuels, conçus il y a plusieurs décennies, doivent être repeints. Ces opérations, lourdes, sont souvent compliquées. Le recours à de l’acier autopatinable, qui ne nécessite pas d’être peint, limite ce problème », a observé Damien Champenoy, adjoint au chef de la division ouvrages d’art du Cerema, lors d’un colloque organisé le 28 novembre 2019 par le réseau ConstruirAcier, qui regroupe les industriels de la filière métal.
Repenser la conception
Les experts préconisent donc de plus en plus son utilisation, bien que ce métal soit sensible aux milieux humides. A la fin des années 90, des signes de corrosions ont en effet été observés sur certains ouvrages, ce qui a conduit à son délaissement pendant plusieurs décennies. « Après études, nous avons constaté que les endroits les plus exposés étaient ceux où se situaient les joints et les appareils d’appuis », précise Damien Champenoy.
L’astuce pour éviter ces dégradations serait donc de concevoir des ponts dits « intégraux » ou « semi-intégraux », qui limitent le recours à ces équipements. Daniel Bitar, directeur du département des études du Centre technique industriel de la construction métallique (CTICM), a abondé dans le sens de cette analyse. « L'acier autopatinable, tout comme les autres aciers, est également facilement recyclable et il est très peu émetteur de rejets polluants, ce qui est une qualité à l'heure où le monde de la construction cherche des alternatives intéressantes sur le plan environnemental », estime ce dernier.
Avis partagés
Le recours à cette solution séduisante sur le plan de l'entretien n'est toutefois pas exempt de défauts. « Avec des ponts intégraux , le risque de fissuration de la chaussée est plus important qu'avec un pont équipé d'appareils d'appuis et de joints. Malgré tout, il me semble que ce risque est moindre et moins coûteux pour le maître d'ouvrage que celui de la dégradation des autres équipements », reconnait Damien Champenoy.
Philippe Zarka, directeur du développement de la filière peinture anticorrosion, met quant à lui en garde contre une pensée unilatérale « qui se contenterait de remplacer le gris [du béton, NDLR] par le rouge [de l'acier autopatinable, NDLR] », rappelant que l'utilisation de la peinture permet « d'augmenter l’efficacité et la durée de vie des ouvrages » et qu'elle facilite également, du fait de la facilité de contrôle visuel, le contrôle de ces derniers.
Voire plus petit
D’autres tendances sont par ailleurs ressorties des échanges de la journée. En particulier, l’acier demeure en effet encore peu utilisé pour la construction d’ouvrages avec des petites portées (inférieures à 50 mètres). Sur ce type de construction, ce matériau entre souvent en concurrence avec les solutions béton, qui s’avèrent plus avantageuses financièrement que les alternatives métalliques.
La donne pourrait toutefois changer ces prochaines années. « Il subsiste une zone « de flou », pour les portées situées entre 30 et 50 m, où aucune solution ne prévaut encore sur l’autre. Je demeure convaincu que sur ce rayon d’intervention, les solutions acier peuvent tirer leur épingle du jeu », a fait remarquer Damien Champenoy.