La compétition olympique est le temps de l’exploit et du dépassement de soi. Si la règle a valu aussi pour la création des ouvrages des Jeux de Paris 2024, une médaille particulière pourrait revenir à l’équipe de maîtrise d’œuvre réunissant les ingénieurs de SBP - Schlaich Bergermann & Partner et les architectes de l’agence Explorations pour la création d'un nouveau franchissement du canal Saint-Denis, la passerelle Lucie-Bréard inaugurée à Saint-Denis le 29 juin dernier.
La question de départ était classique : faciliter la liaison entre le secteur du Stade de France et le quartier Francs-Moisins/Bel-Air en créant une nouvelle passerelle par-dessus la voie navigable. En 2021, pour que le chantier soit terminé à temps pour les Jeux olympiques et paralympiques, l’établissement Plaine Commune lançait un appel d’offres que le groupement d’ingénieurs et d’architectes remportait sur note méthodologique.
Vingt ans à peine
A ceci près que sur le site préexistaient deux ouvrages : une fine passerelle piétonne en arc conçue par Marc Mimram et livrée en 1998 et un pont mobile installé en 2003 pour le trafic automobile. Les deux avaient été calibrés pour permettre le passage des embarcations sur le canal. Mais tandis que la première - toujours en place - présente des pentes raides qui excluent toute accessibilité universelle, le deuxième était en panne plus souvent qu’à son tour.
Sans doute contrits à l’idée d’envoyer à la casse ce pont mobile qui n’avait alors pas 20 ans et les 240 tonnes de son tablier en acier, «les ingénieurs de SBP ont estimé possible, au contraire, de le réemployer», raconte Yves Pagès, cofondateur d’Explorations Architecture, agence qui a également réalisé une passerelle en structure bois au-dessus de l’autoroute A1 dans le cadre du programme de construction olympique. Restait à convaincre Plaine Commune… qui a donné son accord.
«Nous avons rénové le tablier et son système statique a été modifié pour le faire passer d’un ouvrage en porte-à-faux à un élément reposant sur deux appuis. Le plus compliqué a été de démolir son énorme contrepoids en béton», se souvient encore l’architecte. En 2023, cette grande travée était finalement ripée et hissée à six mètres de hauteur, toujours pour des questions de navigabilité du canal.

©Sernavision/Razel-Bec - Le ripage du tablier du pont mobile a eu lieu en 2023.
Outre un immense gain écologique, conserver cet élément large de 11 m assure un confort rare aux usagers. «Une passerelle totalement neuve aurait eu un tablier large de 5 m, tout au plus», estime Pierre Vasseur, architecte chez Explorations. Pour l’heure, le sol du franchissement est simplement recouvert de résine et laissé libre pour faciliter les flux pendant le déroulement des Jeux. A terme, du mobilier en bois y sera installé.
Place publique
Devenue quasiment une place publique surélevée, l’ancien pont devait encore être doté d’accès. De chaque côté des 52 m du tablier, sont venus s’arrimer un escalier et une rampe, respectivement de 3 m et 3, 50 m. L’espace au sol disponible de chaque côté du pont étant restreint, les deux rampes longues de 120 m s’enroulent comme des serpentins. Si l’assemblage d’un élément d’allure costaude avec des structures d’accès plus graciles aboutit à une certaine étrangeté formelle, la nouvelle passerelle est partout ourlée du même garde-corps à la régularité fine. Elle s’habille enfin d’un rouge sombre élégant.

© Explorations Architecture - Axonométrie de principe du projet.
Fiche technique
Maîtrise d’ouvrage : Plaine Commune.
Groupement de maîtrise d’œuvre : SBP - Schlaich Bergermann & Partner (BET structure, mandataire), Explorations Architecture (architecte), August (paysagiste).
Groupement d’entreprises : Razel-Bec (génie-civil, mandataire), Eiffage Métal (charpente métallique).
Calendrier : octobre 2021 : groupement de maîtrise d’œuvre lauréat de l’offre ; 2023 : ripage du tablier ; 29 juin 2024 : inauguration.
Coût des travaux : 8,5 M€ HT.