Tout est réglé d’avance, rien n’est laissé au hasard. Sur la chaussée extérieure du boulevard périphérique parisien, coupé à la circulation sur 9 km entre la porte Maillot et la porte de Brancion, l’utilitaire à benne de 3,5 t de Linea Paysage se positionne en marche arrière, au ras de la bordure de 70 cm de haut. Deux de ses jardiniers abaissent la ridelle arrière et installent deux rampes pour amener deux « tondeuses poussées » par dessus la séparation en béton, jusque sur la pelouse du talus paysager à faucher. Ce manège - débarquement/rembarquement - va se répéter devant chacune des onze parcelles à tondre.
Des obstacles invisibles.
Avec leur moteur Kawasaki bicylindre positionné très bas, les appareils peuvent évoluer sur les pentes les plus raides et se faufiler dans les passages les plus étroits. Ils coupent l’herbe sur 91 cm de large et disposent d’un réservoir de 17 l pour une autonomie suffisante. « Nous avons fait des tentatives avec de petites tondeuses autoportées, explique Olivier Deharbes, ingénieur travaux de Linea Paysage. Mais ces machines censées avoir des rendements énormes, se sont vite révélées difficiles à conduire sur les pentes. Les conducteurs avaient du mal à tenir sur leur siège ». L’anecdote est révélatrice du mode opératoire des interventions nocturnes. Les hommes de Linea Paysage se sont en effet adaptés à ces conditions particulières et à ce terrain difficile qu’ils arpentent, outils en main, à la lueur des lampadaires, depuis maintenant 4 ans. Sous un couvert d’arbres qui crée une ombre sur le talus, Aurélio De Souza Gonçalves, le chef de chantier, désigne d’un geste de la main la forme sombre d’un boîtier de réseau en fonte qui dépasse du sol de quelques cm. Un obstacle quasiment invisible dans l’herbe. « Une tondeuse, conduite par un jardinier inexpérimenté, y casserait une lame. Il faut donc connaître l’emplacement de tous ces pièges » précise-t-il.
Concentration extrême.
Les « jardiniers de la nuit » livrent une véritable course contre-la-montre entre 22 h et 5 h du matin, lorsque la chaussée doit être impérativement rendue à la circulation. 11 talus doivent être traités dont trois très pentus. Chaque minute, chaque geste comptent. Autour des arbres et lorsque la pente est trop raide, seules les débroussailleuses sont opérantes. « La nuit, les repères changent, précise Olivier Deharbes. Les jambes, les cuisses, le dos des débroussailleurs sont très sollicités. La fatigue est grande. Ils doivent bien connaître leur travail et rester très concentrés. Une chute pourrait vite arriver. Surtout lorsqu’il pleut comme ce soir » souligne-t-il.
Neuf personnes - compris l’encadrement - se déplacent d’une parcelle à l’autre à bord d’une flotte de 4 utilitaires de 3,5 t dont l’un est dédié à l’arrosage des arbres récemment plantés. « Pour des raisons de sécurité, les travaux ont lieu de nuit, en l’absence de circulation » explique Stéphane Foucher, agent de maîtrise travaux de la Direction des espaces verts de Paris et qui supervise les opérations en alternance avec son homologue Stéphane Bourgois.
Un vrai travail d’équipe.
« Une pierre pourrait gicler au passage des appareils et toucher un véhicule. On ne sait pas quelle conséquence cela pourrait avoir en pleine circulation ». Quant à Olivier Deharbes, il n’hésite pas à comparer les « nuits du Périph’» à des opérations « coup de poing » : « les équipes et les matériels sont surdimensionnés par rapport à des interventions classiques de jour. Entre les conducteurs de tondeuse et les débroussailleurs, les automatismes et la complémentarité doivent être parfaits pour aller vite, en toute sécurité, tout en assurant une qualité de travail jamais évidente dans un tel contexte… ».




