Destinée à accueillir des formations orchestrales de tous types, la Philharmonie de Paris résonnera en 2012 de concerts symphoniques classiques aussi bien que de musiques actuelles amplifiées, de jazz et autres musiques du monde. Le tout pour 2 400 spectateurs et jusqu’à 120 musiciens et 240 choristes... D’où une large flexibilité requise, en termes d’acoustique et de scénographie. Jean Nouvel, l’architecte lauréat associé ici à Brigitte Métra, a imaginé « l’instrument d’une osmose entre le lieu et la musique », au travers d’« un seul espace généreux et atmosphérique »... Immergé au cœur de la musique, le spectateur le plus éloigné se situera à 32 mètres seulement du chef d’orchestre (contre 48 m à Pleyel, pour 1 900 places). Au plan formel, la salle se veut hybride entre une configuration en vignobles (comme la Philharmonie de Copenhague de... Jean Nouvel qui ouvrira en 2009) qui place l’auditeur au centre du dispositif scénique, et une salle « boîte à chaussures » (tel le palais des congrès de Lucerne, du même Jean Nouvel en 2000) réputée pour l’efficacité de ses « réflexions latérales précoces » indispensables pour la qualité du résultat sonore. « Et comme Jean ne se répète jamais » précise Brigitte Métra, il s’agira de tirer parti ici de ce que chaque modèle a de meilleur. « Il faut intégrer acoustique, scénographie et architecture. Toutes les surfaces de la salle jouent un rôle. Toutes sont supports de l’œil et de l’oreille. »
Des études sur les maquettes
Le traitement de l’acoustique interne est basé sur le « couplage/découplage entre volumes », à savoir le volume principal de la salle (orchestre et auditoire) et les volumes annexes (foyers, circulations, accès, etc.) dont on se sert pour faire varier les caractéristiques acoustiques (étroitement liées au volume excité). D’où trois régimes de fonctionnement : couplage avec absorbants déployés (pour la musique amplifiée), couplage sans absorbants (en configuration orchestrale, pour tirer parti de l’ampleur sonore tout en évitant la moindre saturation), découplage (pour les petites formations orchestrales). Les études acoustiques seront conduites sur maquettes informatiques et réelles. « Deux approches complémentaires », selon Richard Denayrou, l’un des acousticiens de la maîtrise d’ouvrage. La maquette réelle au 1/10, étanche et remplie d’azote, démontable et modifiable, permet de vraies campagnes de mesures mais bute sur les difficultés de caractérisation acoustique à cette échelle des microphones et des matériaux. La maquette numérique, évaluée à l’aide de logiciels dédiés tels que Catt-Acoustic ou Odeon, permet à faible coût d’affiner la géométrie des volumes et de concevoir la modénature des parois. Elle autorise aussi, grâce à la « restitution sonore binaurale de l’effet de salle et du régime tardif », une comparaison à l’oreille entre différentes configurations. Une fonctionnalité « à prendre avec des pincettes et à interpréter selon les limites du modèle de calcul propre à l’outil...» précise-t-il encore.
Quoi qu’il en soit, et de l’avis des protagonistes, avec 2 400 places en acoustique naturelle, « on touche aux limites d’une salle symphonique à l’heure actuelle ».