POINT DE VUE France Poulain, architecte et urbaniste de l’Etat Maîtriser le camping sur parcelles privées

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Outre les opérations d’aménagement conduisant à une progression de l’urbanisation sur le territoire français, on assiste depuis une quarantaine d’années à la lente sédimentation d’une nouvelle pratique d’occupation des sols : le camping-caravaning sur parcelles privées. Issue de l’implantation de caravanes, de mobile homes et de cabanons sur des parcelles privées en dehors de toute forme organisée, cette pratique est de plus en plus à prendre en compte lors de la gestion et de la maîtrise des territoires, notamment de par son caractère fortement infractionnel. En effet, comment peut-on gérer plus de 230 000 parcelles à 70 % en infraction, dont 120 000 uniquement sur le littoral ? Existe-t-il des solutions véritablement opérationnelles ou est-on condamné à laisser faire ?

Les besoins de résidencesecondaire. Avec l’apparition de l’automobile et l’augmentation de la mobilité pour tous, le besoin d’espace s’est concrétisé. Les urbains ont recherché les lieux et les habitats les plus compatibles avec leurs souhaits de multirésidentialisation et leurs moyens financiers. La caravane, puis le mobile home ont ainsi répondu aux attentes de plusieurs millions de Français. Plusieurs centaines de milliers d’entre eux les ont implantés sur des parcelles privées souvent sans aucune autorisation et en dehors des cadres législatifs. Le camping sur parcelles privées a ainsi accueilli les besoins de résidence secondaire de nombreuses familles tout en leur permettant de disposer d’un espace vert, de pouvoir jouir d’une certaine tranquillité en famille et de réaliser toutes les activités de plein air désirées. Ces campeurs-résidents ont parallèlement développé une forme d’occupation des sols facilement identifiable car souvent proche de celle visible pour les pavillons, avec toutefois une plus grande appropriation des habitats et des espaces. De fait, les campeurs se sentent pleinement le droit de disposer de leurs parcelles, le revendiquent et le défendent alors que leur maintien sur place est lié au bon vouloir des acteurs publics.

La pratique du camping-caravaning sur parcelles privées est largement en infraction : plus de 70 % des implantations peuvent être verbalisées. Ce fort taux d’infraction s’explique à la fois parce que les autorités n’ont ni imaginé, ni anticipé le fait que les Français puissent s’engouffrer dans ce nouveau type d’habitat quasi inexistant avant les années 1950 et à la fois parce que les campeurs sur parcelles privées ont plus que largement dépassé les cadres juridiques, tant leurs besoins avaient trouvé là un extraordinaire terrain d’épanouissement. Aussi, face à un tel mouvement sociétal d’occupation de l’espace, il apparaît aujourd’hui clairement que la solution visant à résorber les infractions existantes n’est pas de nature répressive, même si elle doit trouver place dans l’arsenal réglementaire français.

La plupart des opérations visant à maîtriser le camping-caravaning sur parcelles privées cherche avant tout à traiter l’illégalité sans prendre en considération le fait que le principal problème est humain. Ajoutons que la recherche de solutions uniquement répressives et réglementaires se heurte à deux difficultés ; d’une part, l’évolution de la réglementation française qui est de plus en plus impactée par la législation européenne, notamment en matière de protection de l’environnement, et d’autre part, la tolérance dont le camping fait l’objet qui conduit à un laisser-faire plus important encore. Cette tolérance est liée au fait que le camping est considéré comme une activité de plein air, mobile, réversible et de faible conséquence sur l’environnement et le territoire, ce qui n’est plus le cas pour le camping-caravaning sur parcelles privées.

Dialogue et concertation. Le fait que les habitats soient souvent frappés d’illégalité de par leur sédentarisation, ou de par leur localisation en espaces agricoles ou naturels inconstructibles conduit souvent les élus, les urbanistes ou les paysagistes à croire disposer d’un levier dans la réorganisation du territoire. Rien ne semble plus simple que de déloger des personnes dont l’installation est en infraction et de les regrouper ailleurs. Mais les désillusions sont nombreuses lorsque les élus tentent de mettre en œuvre les études visant uniquement à résoudre l’illégalité de plusieurs centaines de caravanes et de mobile homes immobiles. C’est d’ailleurs à partir d’un certain nombre que les acteurs publics s’intéressent au problème.

La réponse à ce besoin d’espace ne peut être trouvée que dans le cadre de projet de territoire souvent d’échelle intercommunale et au même titre que les autres activités consommatrices de foncier. Il est ainsi nécessaire d’intégrer le camping dans le fonctionnement futur des communes considérées. Si le caractère illégal du camping-caravaning sur parcelles privées ne peut être retenu comme levier d’action, la possibilité de créer un véritable patrimoine foncier et immobilier légal peut favoriser le dialogue et la concertation avec les campeurs.

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