Prix du GNR : la colère gagne aussi les artisans des travaux publics

De Brest à Chambéry, la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP) a mené des opérations de blocage. Ses membres réclament que la taxation du GNR soit alignée sur celle appliquée aux agriculteurs. Ses représentants ont été reçus le 26 janvier à Matignon.

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Manifestation CNATP Savoie 26 janvier 2023 taxe GNR agriculteurs
Manifestation CNATP Savoie 26 janvier 2023 taxe GNR agriculteurs

Dans le sillage du mouvement de colère des agriculteurs, les artisans des travaux publics souhaitent remettre sur le tapis la question de la taxation du gazole non routier (GNR). Les représentants de la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP) ont été reçus le 26 janvier par le conseiller technique « fiscalité et prélèvements obligatoires » du président de la République et du Premier ministre.

Le matin même, autour de Chambéry (Savoie), acteurs agricoles et petites entreprises des travaux publics bloquaient chacun de leur côté des axes routiers. Les professionnels des TP craignent en effet que la fronde des agriculteurs ne les desservent s’il devaient obtenir gain de cause dans leurs revendications. 

Une distorsion de la concurrence

Avant même l'annonce, vendredi 26 janvier en soirée, par le Premier ministre Gabriel Attal du maintien de l'exonération fiscale sur le GNR pour les agriculteurs  les représentants des petites entreprises de TP s'inquiétaient de l'aggravation d'une différence de traitement en leur défaveur. « Les agriculteurs essayent d’avoir des avantages que nous n’avons pas sur le GNR, explique Ghislain Regairaz, correspondant régional de la CNATP.S’ils les obtiennent, cela va accroître la distorsion de concurrence entre les entreprises de travaux publics et les acteurs agricoles qui réalisent des chantiers de TP et de paysage. »

Le représentant syndical fait référence à un phénomène bien connu du secteur : les agriculteurs utilisent leur matériel pour se diversifier dans les secteurs des travaux publics et du paysage, et réaliser des chantiers, notamment de terrassement, pour de petits clients privés. Or, les artisans des TP et du paysage réalisent en moyenne 80% de leur chiffre d'affaires dans le privé. 

Le point principal de la discorde concerne les différences de régimes fiscaux sur le GNR. « En 2023, le monde agricole profitait déjà d’une détaxe sur le prix du GNR de 14,96 centimes par litre, créant de fait un déséquilibre avec nous », explique David Lemaire, secrétaire général de la CNATP. Et la suppression progressive de la taxe sur le GNR du 1er janvier 2023 à 2030, qui ne concerneraient donc plus que les entreprises de BTP, accentue le phénomène.

Pourtant, pour la CNATP, l’ennemi n'est pas l'agriculteur, « nous sommes solidaires et nous comprenons leurs difficultés, affirme David Lemaire. Nous ne sommes pas opposés à leur revendication de baisser la taxe sur le GNR dans leur secteur. Seulement, si c’est le cas, il faudra que le gouvernement revoit aussi la copie pour le BTP. »

Des petites entreprises de TP prises à la gorge

Pour les artisans des travaux publics et du paysage, la suppression de l’avantage fiscal sur le GNR est en effet la goutte de trop. « La trésorerie de nos entreprises est en baisse constante depuis 2021, déplore le secrétaire général de la CNATP. Nous avons dû encaisser une augmentation du prix des matériaux, fatale sur des marchés privés qui ne bénéficient pas de révision des prix comme sur les marchés publics. Et nous devons faire face à la baisse du neuf comme des transactions dans l’ancien, qui ont des répercussions négatives sur les volumes de travaux de terrassement ou sur ceux des mises en conformité. »

En octobre 2020, 11% des adhérents de la CNATP déclaraient en avoir des problèmes de trésorerie. Ils sont passés à 36,3% en octobre 2023. « L’année dernière, nous avons observé +25% de charges chez nos entreprises. Ça ne passe plus », assure Ghislain Regairaz.

Des manifestations qui se multiplient

Par ailleurs, la montée en puissance de certains acteurs agricoles n'est pas faite pour arranger la situation des petites entreprises de travaux publics. « Ces sociétés sont de plus en plus imposantes, avec beaucoup de salariés. Elles se diversifient et sont toujours plus présentes sur les chantiers de TP et de paysage », affirme le correspondant régional. Une tendance à laquelle vient s'ajoute une autre, selon David Lemaire : « La commande publique baisse, les grosses entreprises de TP se rabattent donc sur le secteur privé, exacerbant un peu plus la concurrence. »

Ce contexte explique pour beaucoup la colère profonde de ces petites sociétés. « Hier, nos artisans bloquaient le pont de l’Iroise à Brest (Finistère). Il devrait y avoir des manifestations en Haute-Savoie lundi, et d’autres départements y pensent, comme le Rhône et l’Aube, énumère David Lemaire. Même des entreprises qui ne sont pas adhérentes nous appellent, elles veulent bouger. On sent un vrai ras le bol. » 

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