EN MANQUE DE CAPITALISATION Investir dans un séchoir ou une machine à commandes numériques coûte cher et la majorité des scieries françaises ne peuvent pas investir pour répondre à la demande croissante en bois secs rabotés, voire en bois composites.
Quand une scierie française, moyenne, produit 30 000 m3 de bois résineux par an, une scierie allemande en débite 80 000 m3 et une scandinave : 200 000 à 400 000 m3, sur un seul site. Même les trois leaders hexagonaux du résineux, Siat Braun, Monnet Sève et le groupement SRA (marque Sélection Vosges), qui fabriquent chacun entre 350 000 et 400 000 m3 de bois sciés par an, doivent faire face à un groupe capitalistique scandinave comme Finnforest qui en produit 4 millions de m3. Pourtant, le paysage des scieries françaises se modifie depuis quelques années. En deux décennies, le nombre d’entreprises a reculé d’environ 25 %. Mais ce n’est pas suffisant.
« Le nombre de scieries scandinaves a été divisé par deux en une génération, souligne Dominique Millereux, secrétaire général de la FIBC. Les Allemands ont fait la même chose, plus récemment. Le problème, c’est de fournir des bois séchés, classés, merchandisés. Cela implique des investissements lourds en équipements, à rentabiliser par des gros volumes de production. Autrement dit, le problème de fond de la production française, c’est la capitalisation. « Aujourd’hui, sur ce marché qui est international, il faut avoir des entreprises avec une taille capitalistique suffisante pour se positionner face à la concurrence. Les partenaires européens sont puissants. »
Michel Perrin, responsable de l’action territoriale et des formations pour la maison à ossature bois au sein du CNDB (Comité national pour le développement du bois), tient à peu près le même discours : « L’enjeu à venir pour les scieries un peu importantes, c’est d’abord de passer au séchage du bois, puis de s’équiper pour pouvoir transformer elles-mêmes par aboutage ou contre- collage, pour proposer des bois plus stables – demandés par les charpentiers – et dégager de la valeur ajoutée ». Il poursuit : « En bois structuré, plus on monte en gamme, plus les produits d’importation, déjà séchés et calibrés, ont une part importante ; jusqu’à peut-être 80 à 85 % pour le lamellé-collé… Les scieries françaises ont un retard à combler en terme d’équipements ».
ELARGIR ET STRUCTURER L’OFFRE Les scieries françaises ne sont pas seulement confrontées au dynamisme des producteurs nordiques ; elles doivent aussi faire face à la concentration des réseaux du négoce.
« Ces dix dernières années, il y a eu une très forte concentration, ou regroupement, chez nos clients négociants bois ou matériaux, et le décalage s’est creusé entre la taille moyenne des scieries françaises et la puissance des réseaux de distribution, précise Bernard Kientz, directeur de Sélection Vosges (SRA). La réponse à cette concentration est soit de grossir, comme l’ont fait Siat Braun ou Monnet Sève, soit de regrouper des scieries de taille moyenne. » C’est la solution choisie par des associations comme SRA ou encore le Pin des Landes. « Cela permet de mutualiser nos moyens promotionnels et certains achats, poursuit Bernard Kientz. La mutualisation permet de proposer des gammes mieux structurées et marketées et de plus gros volumes, sous une identité visuelle et une marque commune, avec des packagings identiques Sélection Vosges. Elle nous a permis aussi de développer fortement l’information technique. »
Pour Thomas Sève, directeur commercial de Monnet Sève, les principales scieries hexagonales savent aussi se montrer actives pour répondre à la demande et préparer l’avenir : « Nous nous dirigeons de plus en plus vers la production de bois sec raboté. Nous avons déjà développé une telle offre en pin Douglas. Nous nous intéressons aussi aux produits de substitution, comme le lamellé- collé. A l’avenir, c’est sur ce marché que nous nous développerons. A terme, nous monterons une unité de collage ». Pour conclure, Thomas Sève avance également un avantage des scieries françaises : « La proximité au marché local nous donne la souplesse. Nous pouvons jouer la mixité des sections dans nos camions de livraison ; ce que ne peuvent pas faire les camions en provenance d’Allemagne, pour des raisons de rentabilité ; et encore moins les scieries scandinaves. Cette souplesse intéresse notamment les petits négociants généralistes ».