Interview

« Produire chaque année 110 000 HLM est un niveau ambitieux », Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement

Le ministre du Logement entend encourager une construction neuve de logements mutables, sans obérer les capacités à réhabiliter.

 

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« Il faut que les maires aient envie de bâtir du logement social, parfois érigé comme un épouvantail. »

Sur quelles bases comptez-vous bâtir le « pacte de confiance » avec le monde HLM annoncé par Elisabeth Borne ?

La Première ministre est attachée à la réussite de ce pacte. Nous croyons en l'importance du dialogue avec l'ensemble des parties prenantes. Je suis maire de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), une ville dans laquelle le logement social a du sens. J'ai été président de l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) pendant cinq ans. A ce titre, j'ai bâti des relations de confiance avec les acteurs du monde HLM, l'Union sociale pour l'habitat (USH), Action Logement…

La décision d'Emmanuel Macron de faire passer le budget de l'Anru de 5 à 12 Mds € y a contribué ! Je constate qu'il y a toujours 2,2 millions de demandes de logement social non satisfaites. Nous devons donc nous donner les moyens de produire, de réhabiliter et de lever les obstacles. Ensuite, il faut que les maires aient envie de bâtir du logement social, parfois érigé comme un épouvantail alors qu'il doit être vu comme un phare. Passer dans un HLM à un moment de son parcours résidentiel, c'est la norme ! On ne doit plus avoir le logement social honteux ! Il faut enfin améliorer la fluidité et la mobilité dans le parc social pour faciliter son accès à tous ceux qui en ont besoin. Le logement social doit être un tremplin.

Que comptez-vous inscrire dans ce pacte de confiance ? Pensez-vous, par exemple, mettre fin à la réduction de loyer de solidarité (RLS) ?

Il n'y a pas de sujets tabous. Il y a des sujets financiers, comme la RLS, les aides à la pierre, ou encore la hausse du taux du livret A qui interroge les bailleurs sociaux. Enfin, des sujets techniques (difficultés d'approvisionnement, rareté du foncier…) peuvent limiter la construction neuve et la réhabilitation. Nous partageons tous l'envie de conclure ce pacte, ou du moins un premier volet, avant le congrès HLM [du 27 au 29 septembre, NDLR]. Ce serait une grande réussite et il me semble que c'est possible.

Un peu moins de 105 000 agréments ont été accordés en 2021, alors que l'objectif était fixé à 125 000 unités. Certains tablent sur moins de 100 000 agréments pour 2022. Quelle est la bonne cible selon vous ?

Passer sous le seuil des 100 000 agréments serait insatisfaisant. Nous devons fixer des objectifs ambitieux en matière de construction, de rénovation et de mutation au sein du parc, en donnant à tous les locataires la capacité d'accéder à des bourses de logement interbailleurs. Le bon niveau de production est celui qui permet une ambition, celle d'accroître le parc social, et un équilibre, celui d'offrir à tous les locataires actuels un logement efficace, sobre et confortable. Produire chaque année 110 000 HLM - en métropole et hors Anru - me semble être un niveau ambitieux et équilibré.

Quel est le bon rythme de rénovation ? Avec quel niveau d'étiquette à atteindre ?

Le bon niveau est celui qui permet l'atteinte des obligations réglementaires de mises en location dans les prochaines années, et qui est compatible avec l'objectif de neutralité carbone à l'horizon 2050. Il ne faut toutefois pas s'interdire d'intégrer la perspective de nouvelles technologies, que nous soutenons financièrement. C'est une trajectoire à construire ensemble, mais qui implique d'ores et déjà une hausse significative des rénovations avec des sauts d'étiquettes énergétiques ambitieux. Nous devons veiller à ce que le développement du parc HLM n'obère pas les capacités à réhabiliter. C'est tout l'enjeu du pacte de confiance qui ne portera pas uniquement sur le neuf, qui doit être extrêmement mutable, mais aussi sur l'existant. Il s'agit, par exemple, d'être en capacité de transformer un 5-pièces en deux 2-pièces pour satisfaire la demande… Mais, je préfère le rappeler, le temps de l'immobilier est long : quelles que soient les décisions prises, nous verrons les projets se concrétiser dans trois à quatre ans.

Estimez-vous que les bailleurs sociaux ont les moyens financiers de rénover leur patrimoine et de l'inscrire dans la stratégie nationale bas carbone ?

Des bailleurs sont en meilleure santé économique que d'autres. Certains peuvent utiliser leurs fonds propres, mais pas tous.

J'estime que les regroupements, qui ont pu être difficiles, donnent tout de même aux bailleurs une capacité à faire. Je le redis : nous menons des discussions pour lever les difficultés.

Comptez-vous décaler le calendrier de la loi Climat et résilience, qui interdit la mise en location des logements étiquetés G en 2025, F en 2028 et E en 2034 ?

Ce n'est pas mon souhait, car nous devons aller vers la rénovation des logements les moins bien isolés : pour le confort et la facture des locataires, bien sûr, mais aussi pour la valeur du patrimoine des propriétaires. Nous avons décalé au 1er avril 2023 l'obligation de réaliser un audit énergétique pour les ventes de maisons et d'immeubles en monopropriété considérés comme des passoires thermiques. C'est un report technique dû au manque d'entreprises et de personnels qualifiés. Mais sur la mise en location, je tiens à ce que le calendrier soit tenu, pour les logements sociaux comme privés. Le couperet ne tombe pas d'un coup, les dates sont connues, les aides existent avec 450 M€ pour les logements sociaux dans le plan de relance et MaPrimeRénov' pour les logements privés, l'Agence nationale de l'habitat monte en puissance… Et avec MonAccompagnateurRénov', nous ajoutons une dimension humaine à l'accompagnement vers les aides disponibles.

Bref, nous donnons tous les moyens aux propriétaires et aux bailleurs d'être prêts le moment venu. Plus largement, le Président de la République a fixé l'objectif de rénover 700 000 logements par an. Tout sera fait pour qu'il soit atteint.

Les promoteurs immobiliers - qui construisent aussi des logements sociaux - ne cessent d'alerter sur leurs difficultés à décrocher des permis de construire. Comment comptez-vous inciter les maires à reprendre le stylo ?

Il faut les accompagner en dédramatisant l'acte de construire. Un travail de pédagogie est indispensable auprès de la population. Les promoteurs immobiliers doivent aussi prendre leur part en adaptant leurs projets afin de les rendre acceptables, sur le plan architectural mais aussi quant à leur dimensionnement. Il est parfois préférable de développer des programmes un peu plus modestes, mais acceptés par tous et qui finissent par sortir de terre. Enfin, nous travaillerons sur les dispositifs permettant de réduire le prix du foncier, notamment le bail réel solidaire. Je souhaite également que, dans les prochains mois, nous puissions, avec l'ensemble des acteurs de la fabrique de la ville, engager une réflexion sur la mobilisation du foncier. De manière plus globale, une clarification du rôle de chacun dans le pilotage de la politique du logement est à rechercher, dans le sens d'une confiance accrue dans les territoires. Ce chantier complexe mérite d'être ouvert.

Les coûts de construction s'envolent. Doit-on attendre des annonces dans le cadre des Assises du BTP ?

Les Assises du BTP ont été lancées en juillet avec l'ensemble des professionnels. Nous poursuivons les échanges afin de trouver, dans ce contexte inflationniste, des mesures permettant de répondre à court terme aux difficultés.

Après avoir présidé l'Anru, vous êtes à présent « aux manettes ». Comment l'agence doit-elle évoluer ?

Le renouvellement urbain fonctionne si l'on prend en compte toutes les dimensions des quartiers populaires : le logement, la vie économique, mais aussi les équipements publics - comme les écoles. Je fais toute confiance à Catherine Vautrin, la nouvelle présidente de l'agence, pour pousser dans ce sens.

Pour la suite, nous devons éviter que les difficultés rencontrées lors du passage de l'Anru 1 à l'Anru 2 ne se reproduisent. Enfin, la négociation des nouveaux contrats de ville, qui démarreront en 2024, doit nous permettre de traiter tous les quartiers qui en ont besoin.

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