Programmation énergétique : l'Assemblée vote un moratoire sur les projets photovoltaïques et éoliens

Un amendement du député LR Jérôme Nury, qui impliquerait la suspension de tout nouveau projet éolien ou photovoltaïque en cas de promulgation de la loi, a été adopté de justesse dans l'après-midi du jeudi 19 juin par la droite et l'extrême droite, face aux bancs dégarnis de la gauche et des groupes du bloc central (Renaissance, Horizons, MoDem).

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Eoliennes et voisinage

Le Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui s'inquiétait jeudi 19 juin du sort réservé au solaire et à l'éolien dans le projet de loi de programmation énergétique après l'adoption de deux amendements ne faisant pas mention de ces modes de production d'énergie décarbonée, avait raison d'avoir peur. En effet, dans la foulée, les députés ont voté un moratoire immédiat sur toute nouvelle installation éolienne et photovoltaïque.

Une mesure introduite par la droite et soutenue par l'extrême droite, qui a provoqué l'indignation du reste de l'hémicycle et du gouvernement. « Le moratoire, je le dis avec gravité, avec solennité, est parfaitement irresponsable (...) et dévastateur », s'est désolé le ministre de l'Industrie Marc Ferracci, déplorant le signal envoyé aux acteurs industriels. C'est une « catastrophe économique », a abondé le rapporteur du texte Antoine Armand (Renaissance), tout en rejetant la demande de retrait immédiat du texte formulée par la gauche.

France Renouvelables, organisation professionnelle spécialisée, a, elle, dénoncé un amendement représentant « un des plus grands plans sociaux décidés à l'Assemblée » avec « en ligne directe la destruction de 80.000 emplois ». Même tonalité chez Enerplan : « Ce serait comique si ce n’était extrêmement grave. Ce sera dévastateur pour les centaines de projets en cours dans les territoires, qu’ils soient portés par des collectivités, des entreprises ou même des ménages. Des milliers d’entreprises de notre pays, qui créent de la valeur non délocalisables dans les territoires et qui emploient 150 000 personnes, vont disparaître. Les projets de giga-usines de photovoltaïque sont menacées ! », écrit le syndicat des professionnels de l’énergie solaire. « J'appelle les députés à se mobiliser en votant contre ce texte », ajoute son président, Daniel Bour. Une position partagée par Jules Nyssen, président du SER. « Au nom de la sécurité énergétique de notre pays, au nom de sa compétitivité et de sa crédibilité, au nom de tous les emplois de la transition énergétique, au nom de l'avenir des générations à venir, nous appelons solennellement les députés, cette fois, à se mobiliser fortement pour rejeter ce texte incohérent qui fait honte à la France. »

Comment le moratoire a pu être adopté

L'amendement du député LR Jérôme Nury, qui impliquerait la suspension de tout nouveau projet éolien ou photovoltaïque en cas de promulgation de la loi, a été adopté de justesse dans l'après-midi du jeudi 19 juin par la droite et l'extrême droite, face aux bancs dégarnis de la gauche et des groupes du bloc central (Renaissance, Horizons, MoDem). « L'absence majoritairement du bloc central et de la gauche a permis cette dérive », a concédé le député socialiste Dominique Potier. Tout au long des débats, le Rassemblement national n'a eu de cesse de dénoncer l'éolien et le solaire comme des énergies coûteuses et « intermittentes ». Ce moratoire « est au cœur du projet de Marine Le Pen », s'est félicité le député RN Jean-Philippe Tanguy.

L'avenir du texte, qui acte par ailleurs une relance massive du nucléaire (voir encadré), est désormais incertain. Les députés doivent voter mardi 24 juin en première lecture sur l'ensemble de cette proposition de loi dite Gremillet, issue du Sénat. Puis le texte doit revenir en deuxième lecture les 8 et 9 juillet au Sénat. Il est censé servir d'indicateur au gouvernement pour finaliser un décret fixant la nouvelle feuille de route énergétique de la France pour la période 2025-2035, décret que le gouvernement a annoncé vouloir publier avant la fin de l'été. Soit a priori avant l'adoption définitive de la proposition de loi...

Ce que prévoit la proposition de loi

Le texte adopté par les députés prévoit une relance massive du nucléaire, en maintenant la capacité installée de production d'électricité d'origine nucléaire (actuellement de 63 gigawatts), et en l'augmentant de 27 gigawatts d'ici 2050. Avec, pour cela, la construction de 14 nouveaux réacteurs engagée d'ici 2030 (la France en compte aujourd'hui 57). Le RN a par ailleurs fait voter le redémarrage de la centrale nucléaire de Fessenheim, fermée en 2020.

Sur les énergies renouvelables, le texte prévoit de porter, d'ici 2030, à 58% au moins la part d'énergie décarbonée de la consommation d'énergie en France, contre environ 40% actuellement. Un amendement socialiste adopté prévoit que sur les 560 térawattheures (TWh) d'électricité décarbonée qui devront être produits en 2030, « au moins 200 » devront être « issus de sources renouvelables ». Une maigre victoire pour la gauche, qui n'a pas réussi à faire inscrire d'objectifs chiffrés par filière (éolien, hydraulique, solaire...).

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