Depuis quinze ans, l'université Gustave-Eiffel (UGE) fait tomber des blocs rocheux de plusieurs tonnes dans des écrans de filets pour mesurer leur résistance. Les tests ont lieu dans les contreforts du mont Granier, non loin de Chambéry (Savoie). « C'est une station d'essais unique en France et par bien des aspects, notamment son niveau d'énergie et sa polyvalence, unique en Europe », souligne Patrick Joffrin, en charge de l'activité expérimentale du laboratoire de géotechnique de l'UGE. Effectués en grandeur réelle, ces tests permettent ensuite au Cerema de délivrer une certification ainsi que le marquage CE.
La falaise qui domine le site est équipée d'une structure de grue capable de larguer des blocs jusqu'à 70 m de hauteur. Lors d'un essai, le bloc devra impacter la section centrale d'un écran de filets large d'une trentaine de mètres fixé en travers de la paroi. « L'homologation d'un filet passe par trois tirs : d'abord un impact à l'énergie maximale (MEL), destructif ; puis deux impacts consécutifs à l'énergie de service (SEL), inférieure à la première, sur un second filet », détaille l'ingénieur-chercheur.
Un bloc de 20 t au cœur d'acier. Voici quelques mois, l'entreprise NGE Fondations a demandé au centre d'essais de mettre à l'épreuve des filets de sa fabrication capables de résister à 8 000 kJ et destinés à protéger la RN 90 au niveau des gorges de Ponserand, entre Albertville et Moûtiers. Une première. La station, qui disposait jusque-là de blocs de 12 t maximum, développe alors avec Lagarrigue, filiale aveyronnaise de NGE, un modèle de 20 t. Pour atteindre la masse idéale, son cœur est évidé et rempli d'acier.
« Lors de l'essai MEL, le polyèdre à 26 faces est tombé de 41 m, ce qui a permis d'avoir une énergie théorique à l'impact de 8 000 kJ, soit 28 m/s [100 km/h, NDLR] », indique Patrick Joffrin. Les images recueillies lors de l'impact montrent le rôle crucial des freins qui se déforment en dissipant l'énergie de cette chute. « Ce sont des essais extrêmement violents, y compris pour le matériel de mesure embarqué sur la falaise », remarque le responsable du laboratoire de géotechnique de l'UGE. Car les haubans sont instrumentés de manière à renseigner les équipes sur la répartition des efforts au moment de l'impact et chaque tir est filmé par des caméras rapides à 500 images/s. Tous les paramètres - l'état des freins, la forme de la poche créée par le bloc dans le filet, etc. - donnent lieu à des prises de mesures par l'UGE. « Nous disposons de logiciels spécifiques qui nous permettent d'extraire les images captées et d'analyser des paramètres importants pour homologuer le dispositif norme : l'éventuel rapprochement des deux mâts de la partie centrale lors de l'impact, la profondeur de la poche et la hauteur résiduelle du filet qui indique son éventuelle capacité à resservir lors d'un deuxième impact », explique Patrick Joffrin.
Outre ces essais verticaux, le site est également à même, depuis quatre ans, d'évaluer des chocs sur merlons. « A 8 000 kJ, les écrans de filets atteignent leur limite d'efficacité, indique l'ingénieur- chercheur. Les merlons absorbent des énergies supérieures mais ils réclament beaucoup d'espace. » Pour transformer la chute verticale d'un bloc en un mouvement horizontal, ce dernier est relié par un câble à une potence autour de laquelle il pivote, comme un balancier, pour venir frapper la structure. En attendant, peut-être, la création d'un référentiel.


