Partant du postulat que le confort premier d'un logement, c'est l'espace, les architectes ont longtemps mis leur point d'honneur à dépasser, tout en « restant dans les prix », les normes de surface, voire de volume, du logement social. L'exploitation radicale de ce principe faite de 1983 à 1993 par Jean Nouvel et ses associés, à Saint-Ouen, Nîmes ou Bezons, reste dans toutes les mémoires. Mais la portée sociale de ces explorations typologiques, aussi intéressantes et innovantes soient-elles, s'est trouvée limitée de fait par le mode de calcul des loyers, basés sur la surface et non sur les coûts de construction ou le nombre de pièces.
Le binôme loyer + charges en ligne de mire, les maîtres d'ouvrage sociaux ont eu tendance à revoir les surfaces à la baisse. Dans le même temps, la contrainte que les diverses réglementations et labels additionnés au fil du temps faisaient peser sur les coûts et la conception des logements était de plus en plus souvent dénoncée.
Recherches sur la qualité du logement
C'est dans ce contexte de crise de confiance dans la qualité du logement social que le Plan construction et architecture (PCA) lançait en 1992 une série de recherches sur le thème « Qualité du logement, réglementation et politiques publiques ». Celles-ci montrent les limites, en termes de qualités d'usage et d'attentes des habitants, d'un système qui réduit souvent la vision de l'espace au seul respect des normes techniques et des surfaces minimales.
A la question du comment articuler qualité et moindre coût que ce constat pose aux maîtres d'ouvrage et à leurs architectes, Martine Pattou tente de répondre par un petit ouvrage accessible et pragmatique, édité par le PCA en avril dernier (voir «Pour en savoir plus» ci-après). A la lumière de ces recherches, mais aussi de son expérience de praticienne et d'architecte-conseil de l'Equipement, Martine Pattou y met en regard, sous forme synoptique, les fonctions essentielles de l'organisation intérieure du logement (dormir/se reposer/s'isoler, cuisiner/ prendre ses repas, accueillir/recevoir, se laver, travailler/se détendre/bricoler, ranger, circuler, aérer, se chauffer, laver et sécher le linge, etc.) avec :
un rappel des textes et normes y afférant ;
les attentes des habitants en la matière et leurs pratiques ;
les évolutions actuelles à prendre en compte ;
des exemples de plans remplissant bien ces fonctions.
Puisés à toutes les sources - de l'immeuble de rapport début de siècle au concours LQCM de 1995 en passant par toutes sortes de réalisations récentes, en France, mais aussi en Espagne ou aux Pays-Bas - ces plans sont analysés de façon globale dans la deuxième partie du document. Car, avertit Martine Pattou, il ne s'agit pas de privilégier telle ou telle solution-type mais bien une approche globale du couple coût/qualité.
Par exemple, observe-t-elle, une très petite cuisine ne vaudra que si elle est correctement articulée avec le séjour, mais la cuisine où l'on peut prendre ses repas est toujours préférable. Par ailleurs, les immeubles épais, réputés moins coûteux, sont pourtant mal adaptés aux petits logements - sauf à les aérer, comme en Espagne, par ces courettes que la sécurité incendie réprouve en France.
Division parents/enfants plutôt que jour/nuit
Elle insiste aussi beaucoup sur les fenêtres, moins coûteuses au final que des mètres carrés mal éclairés : « Les vieux logements HBM, dont toutes les pièces de service sont éclairées naturellement, sont encore très appréciés en dépit de leurs petites surfaces ». Et sur les possibilités de circulations multiples offertes à l'habitant : « Mieux vaut une porte supplémentaire, occultée par un meuble si besoin est, qu'une cloison que l'on voudrait percer. » Quant à la traditionnelle séparation jour/nuit, elle mériterait, souligne-t-elle, d'être revue au profit d'une séparation parents/enfants.
Bref, une multitude de notations de bon sens, récapitulées en guise de conclusion par un « aide-mémoire pour la qualité d'usage des logements ». Prenant également en compte la localisation, l'aspect extérieur et les parties communes, il constitue un rappel utile et synthétique pour tous les professionnels du logement.
PHOTO : Martine Pattou, architecte :
«Pas de solutions types mais une approche globale du couple coût-qualité.»
DESSINS :
FICHE TECHNIQUE
Logement T3 de 65 m2 à Toulouse. Maître d'ouvrage : SA d'Nouveau Logis (Eurorex, 1994). Architectes : Mestre, Calvo et Tran Van.
Caractéristiques : logement traversant de 8,30 m de profondeur ; six fenêtres pour 12 m de linéaire de façades ; une gaine.
Analyse : toutes les pièces sont très meublables ; un retour de cloison assure la fonction entrée sans limiter le séjour ; les zones salon et salle à manger de celui-ci sont facilement identifiables grâce à la deuxième fenêtre ; il n'y a pas de débarras, mais les placards sont assez nombreux ; les distributions larges.
FICHE TECHNIQUE
Logement T4 de 69 m2.
Maître d'ouvrage : Groupe Sicf (concours LQCM 1995). Architectes : A et B. Caractéristiques : logement traversant de 9,80 m de profondeur ; six fenêtres pour 17 m de linéaire de façades ; une gaine.
Analyse : la configuration de ce petit 4 pièces permet des usages différenciés : circulation possible autour du bloc eau central, la cuisine très réduite s'agrandit sur le séjour ou le débarras selon les besoins ; la fonction lavage et séchage du linge, renvoyée sur ce débarras éclairé et ventilé naturellement, autorise une salle de bains réduite au minimum; l'une des chambres peut être utilisée comme prolongement du séjour ou comme pièce « plus ».
POUR EN SAVOIR
PLUS...
Ouvrages de référence
« Entre norme et usages, prendre en compte les pratiques des habitants dans la conception du logement », par Martine Pattou, éditions PCA, Paris 1998, 68 p. ill., 50 F.
« Urbanité, sociabilité et intimité, des logements d'aujourd'hui », par Monique Eleb et Anne-Marie Châtelet, éditions de l'Epure, Paris 1997, 352 pp., ill., 195 F.
« Le logement collectif », par Françoise Arnold, collection « Techniques de conception », éditions Le Moniteur, Paris 1996, 344 pp., ill., 480 F.