Quel négoce dans 20 ans ?

Bien malin qui pourrait répondre exactement à la question. Ce qui est sûr, c’est que l’évolution prévue – mais jamais certaine – des clients, finaux et professionnels, des systèmes constructifs et des outils tant marketing qu’électroniques, décrite dans les pages précédentes, donnera au négoce l’opportunité d’être le maître d’œuvre de la filière construction-réhabilitation.

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Au cœur de tous les réseaux

Interface privilégiée entre la production et le chantier, le négociant aura toutes les chances de réunir sous sa responsabilité à la fois la valorisation de la filière, la prescription technique et l’organisation du marché.

Un proverbe, probablement chinois, affirme que les lieux appartiennent à celui qui les organise. Au terme de cette enquête, cette ancienne maxime sied comme un gant (de chantier) à la profession. Petit bilan d’ensemble.

Au niveau de la clientèle finale, les dix à quinze prochaines années enregistreront une montée en gamme des exigences de qualité et de confort et une facilité accrue des moyens de financement des projets, grâce à la fois à la révolution du crédit de la dernière décennie et de la maîtrise de l’inflation (merci l’Euro) qui pourrait maintenir des taux bancaires relativement bas. Si le pouvoir d’achat réel ou potentiel des ménages augmente, leur recherche de mieux-être le fera parallèlement et les nouvelles préoccupations environnementales et sanitaires, relayées par la réglementation européenne, les pousseront dans ce sens.

Au niveau des produits, l’offre devra satisfaire cette demande plus exigeante. Comment dès lors faire cohabiter sur le même marché, sans le déprécier qualitativement et financièrement, les produits d’importation à bas coûts et les produits des marques européennes toujours plus performants techniquement (pour se démarquer, justement, des produits d’importation) ? Réponse : la modularité des systèmes constructifs en bout de chaînes de fabrication, alliant dans un même produit fini, des composants peu chers importés et des composants technologiques. Aux marques de trouver dans quel secteur de la construction, de tels produits finis seront possibles.

L’avenir de la production appartiendra-t-il, en partie, à des assembleurs, comme il en existe déjà sur le marché des fenêtres, par exemple ?

Au niveau des chantiers, sans doute, émergera de manière significative le concept de modularité, dynamisé dans nos sociétés par la culture informatique qui réfléchit fondamentalement par modules. Quand on parle, au fil des discussions, de gain de temps et de rationalisation de la mise en œuvre, il faut s’attendre à être pris au mot.

Déjà, loin de l’Hexagone, en Asie notamment, kits de montage et fonctions préfabriquées sont à l’ordre du jour. Dans ce système, tous les gains de productivité, d’installation et de temps sont permis. Si ce mouvement au pré-monté, vite (mais bien) posé, se confirme, le négoce pourrait tirer avantage d’être celui qui maîtrise la connaissance technique et les règles de l’art. Tout au moins devra-t-il les connaître parfaitement. Le travail de formation qui l’attend est énorme.

Au niveau des clients professionnels, les interrogations sont fortes, face à la concentration du marché, aux exigences attendues des ménages et aux compétences techniques à développer dans le futur. Les artisans resteront-ils indépendants ou se transformeront-ils en simples poseurs intégrés aux marques ou aux enseignes, qu’elles soient du négoce ou du bricolage ? La question fait grincer des dents…

Si les négoces intègrent les installateurs, ils devront les prendre totalement en charge et le débat est clos. Si les artisans conservent leur indépendance, les négoces devront aussi les prendre en charge… Tout en respectant cette indépendance. Mais pas n’importe quelle prise en charge. Souhaitée par les spécialistes du marketing et de la relation client, celle-ci consistera pour le responsable de l’agence locale à s’intéresser aux soucis quotidiens de ses clients professionnels et à les aider à les résoudre. Comment répondre à un appel d’offres ? Où recevoir les particuliers dans un environnement convivial et commercial propre à les séduire et à les décider à mener à terme leur projet ? Comment répondre efficacement au téléphone ? Comment gérer les creux de trésorerie ? Etc. Bref, comment valoriser le travail de l’artisan au quotidien. Dans vingt ans, le client professionnel ne devra plus être ce technicien à qui l’on vend un produit et quelques services. Il sera le Janus du négociant, avec qui il valorisera et conclura le projet du client final.

Au niveau de la gestion commerciale, logistique et administrative du point de vente, tous les outils sont en place ou presque. Des outils forcément informatiques qui décupleront les possibilités d’informations et la rapidité de prises de décision, en temps réel. Catalogues électroniques, informations en ligne, banques de données et banques d’historiques, messages d’alerte, électronique et outils télématiques mobiles ou embarqués… La panoplie sera complète dans vingt ans, dans un monde régi par la « connectique ».

N’oublions pas à ce propos que la future génération d’artisans est née ou va naître avec un téléphone portable et une souris dans le berceau. Dans ce domaine du back office, rappelons une anecdote significative : en février dernier, La Plateforme du Bâtiment a décroché un trophée de la logistique.

Dans une génération, le négoce sera peut-être intégrateur, prescripteur, observateur et dynamiseur (ou initiateur) du marché et de ses évolutions. Rappelons les propos d’Alain Maugard, président du CSTB, qui pense que dans vingt ans, le négoce en produits du Bâtiment réussira, sur ses marchés, le même pari qu’ont tenu les grandes surfaces alimentaires sur le leur : devenir incontournable et maître des lieux. Au négociant d’organiser les siens.

L’agence du futur

La prochaine génération de points de vente pourrait intégrer une multitude d’espaces de services additionnels aux fonctions traditionnelles du négoce.

Il est impossible de dessiner ce que sera physiquement le dépôt du futur. Quel architecte commercial pouvait prévoir il y a vingt ans la configuration et l’organisation actuelles des agences ? Quelques-uns de nos interlocuteurs se sont risqués quand même à l’exercice. On peut déjà estimer plausible l’apparition physique des services additionnels dans le point de vente tel qu’un espace restauration, ou encore un service additionnel au véhicule de l’artisan ou du particulier (nettoyage, contrôles de base…).

De même, le point de vente se couvrira de tous les codes d’identité visuelle associés aux services financiers, commerciaux et techniques. Pourquoi ne pas imaginer l’intégration, dans l’agence, d’un point conseil (avec ambiance) où le banquier du négociant pourrait (en faisant sa propre promotion) recevoir les artisans, pour des conseils sur la gestion de la trésorerie ou du bilan comptable, ou les particuliers pour le financement de projets ?

Autres espaces additionnels possibles : des bureaux dédiés aux artisans pour recevoir leurs clients ou pour leur usage propre, des points de « dépannage commercial express » : pour l’argumentation sur les produits, pour la vérification d’un devis, pour le retour d’expériences sur des appels d’offres locaux, pour l’amélioration du marketing téléphonique, etc. Sans oublier la salle polyvalente pour la formation des clients finaux.

Physiquement, dans vingt ans, le point de vente pourrait ainsi ressembler à une véritable ruche à cellules multiples autour des espaces fondamentaux : show-room, comptoir, libre-service… A l’avenir et aux spécialistes du marketing et aux négociants eux-mêmes d’organiser cette ruche le plus rationnellement possible en termes d’image d’enseigne, de convivialité et d’efficacité.

Outils pédagogiques autant que commerciaux, les dépôts du futur devront aussi, peut-être, devenir « environnementaux ». La faute au transport des marchandises. Explication : la croissance exponentielle du transport routier (on prévoit un doublement du trafic dans les dix prochaines années, à conditions comparables) renchérira la gestion des circuits de distribution. Ceux-ci coûteront cher, voire de plus en plus cher, et les enseignes seront amenées, mais c’est une hypothèse, à implanter leurs nouvelles agences à proximité des gares et voies navigables, pour utiliser davantage des outils de distribution moins polluants et, alors, moins onéreux que le transport routier : le rail et la péniche. Dans vingt ans, le négoce sera-t-il aussi écologique ? Décidément, l’avenir est un immense point d’interrogation.

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