Réforme des marchés publics : second round, la libéralisation

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A chaque jour sa réforme ! Après le décret paru le 18 décembre toilettant le Code des marchés publics et les décrets d’application de l’ordonnance de 2005, deux décrets qui devraient bouleverser les habitudes des acheteurs publics ont été adoptés le 19 décembre 2008 lors d'un conseil des ministres. Un petit décret pour le relèvement du seuil minimal, l’autre relatif à la mise en œuvre du plan de relance de l’économie dans les marchés publics.

Ces textes ont été publiés le 20 décembre au Journal Officiel, pour une entrée en application immédiate, à savoir le 21 décembre. Revue de détail des nouveaux textes.

Relèvement des seuils

Le premier décret relève le seuil de 4 000 à 20 000 euros, seuil minimal en deçà duquel les personnes publiques peuvent déroger, si elles le souhaitent, aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Concrètement, les marchés d’un montant égal ou supérieur à 20 000 euros HT doivent, eux, faire l'objet d'une publicité et d'une mise en concurrence ; ils sont passés sous forme écrite et sont notifiés avant tout commencement d’exécution.

D’autre part, le seuil national de 206 000 euros HT (412 000 € HT pour les entités adjudicatrices) jusqu’ici applicable aux marchés de travaux est supprimé. Pour ce type de marchés, les procédures adaptées pourront désormais être utilisées jusqu’au seuil de 5 150 000 euros HT, prévu par les directives communautaires. L’usage des procédures formalisées reste obligatoire au-delà du seuil communautaire.

Davantage d’avances

L’un des objectifs de la réforme est d’améliorer la trésorerie des entreprises, en agissant sur les conditions de règlement des marchés publics.

Désormais les acheteurs publics pourront accorder des avances pour tout marché supérieur à 20 000 euros, même s'il est déjà en cours d'exécution. Il s’agit là d’une mesure provisoire, applicable aux marchés en cours ou qui seront notifiés au plus tard fin 2009. Ce qui signifie qu’une avance pourra être versée même si elle n’était pas prévue dans les conditions initiales de règlement du marché.

La règle de principe, qui demeure, est le versement obligatoire d’une avance pour les marchés excédant 50 000 euros et dont le délai d’exécution dépasse deux mois.

De plus, selon une circulaire du Premier ministre, tous les marchés de l’Etat d’un montant compris entre 20 000 et 5,15 millions d’euros et notifiés au 31 décembre 2009 au plus tard donneront lieu au versement d’une avance de 20 % (au lieu de 5 % auparavant). Les titulaires de marchés déjà en cours pourront obtenir un complément d’avance de manière à atteindre les 20 %. L’enveloppe prévue par l’Etat pour cette mesure s’élève à un milliard d’euros.

Les collectivités locales invitées à réduire leurs délais de paiement

La mesure était dans les tuyaux depuis un moment, mais faisait débat. Elle a d’ailleurs reçu un avis négatif de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), mais le gouvernement a maintenu sa position : le délai de paiement des marchés conclus par les collectivités locales est aligné sur celui applicable à l’Etat depuis avril dernier, soit 30 jours. La mise en œuvre est toutefois progressive : le délai passera d'abord à 40 jours au 1er janvier 2009, 35 jours au 1er janvier 2010 pour atteindre enfin les 30 jours au 1er juillet 2010.

Un autre décret suivra, pour rehausser les pénalités applicables en cas de retard de paiement des collectivités locales, au même niveau que celles prévues pour l’Etat.

Extension de l’obligation d’insertion d’une clause de variation

L’article 18 V du Code des marchés publics (CMP) est modifié. L’insertion d’une clause de variation de prix est rendue obligatoire pour les marchés publics de fournitures et de services dont la durée d’exécution est supérieure à trois mois, comme c’est déjà le cas pour les marchés de travaux.

Précision concernant les avenants

L’encadrement juridique entourant les avenants est précisé et clarifié, notamment en cas de sujétions techniques imprévues. Un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit son montant par rapport à celui du marché, en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties. En pratique, peu de changement pour les acheteurs…

Négociation

Le texte confirme la possibilité offerte aux acheteurs publics de négocier, notamment sur les prix, pour les marchés passés en deçà des seuils communautaires. Ce n'est qu'un rappel, mais il sera sans doute utile.

Adieu les CAO de l’Etat et des hôpitaux publics

La commission d’appel d’offres pour les marchés de l’Etat, de ses établissements publics administratifs et des hôpitaux publics est supprimée. Elle avait un rôle d’avis à divers stades de la procédure, notamment pour le choix de l’offre économiquement la plus avantageuse. L’objectif annoncé est d’accélérer les procédures de passation. Des coquilles demeureraient dans le Code des marchés publics tant il a été difficile de faire disparaître toutes les mentions relatives aux CAO de l’Etat éparpillées dans le texte… Il a fallu aussi adapter les dispositions relatives au jury de concours et celles concernant les groupements de commande.

En outre, la CMPE, Commission des marchés publics de l’Etat, voit son rôle évoluer : sa saisine devient facultative pour les marchés de l’Etat. Elle était auparavant obligatoire pour les marchés ou accords-cadres d’un montant estimé supérieur à 6 millions d’euros, afin de fournir une assistance pour l’élaboration et la passation des marchés.

Les collectivités locales sont en revanche autorisées, désormais, à consulter la CMPE à titre expérimental (un arrêté viendra en préciser les conditions). Histoire de vérifier s'il n'y a pas d'erreur dans leur procédure.

Suppression du système de la double enveloppe

Dans un souci de simplification administrative, le décret supprime le système de la double enveloppe, uniquement pour les procédures d’appel d’offres ouvert. Le soumissionnaire transmet désormais les documents relatifs à sa candidature et à son offre dans une enveloppe unique. Cette mesure n’est pas sans soulever un problème technique : celui du process des plate-formes de dématérialisation, lequel ne sera sans doute pas à jour à la date d’application du décret…

Elargissement du dialogue compétitif à la conception-réalisation

Une nouvelle voie est ouverte pour les opérations de réhabilitation : la possibilité de passer des marchés de conception-réalisation selon la procédure du dialogue compétitif. Cela est déjà possible en vertu du décret paru le 18 décembre pour les marchés relevant de l’ordonnance de 2005 (qui régit les marchés passés par certaines personnes non soumises au Code des marchés publics).

Cette mesure fait suite au Grenelle de l’environnement et vise à développer le recours aux contrats de performance énergétique. En revanche l'extension de ce dispositif au logement social, pourtant visée dans la directive européenne et soutenue par EGF-BTP n'a pas été retenue.

Bien qu’annoncée par le chef de l’Etat le 4 décembre à Douai, la suppression du seuil de 90 000 euros relatif à la publication des avis d’appel public à la concurrence n’a, finalement, pas été intégrée non plus dans le décret.

Pas de répit, les textes sont immédiatement applicables, telle est la philosophie du plan de relance : ils entrent en vigueur au lendemain de leur publication au Journal officiel, soit le 21 décembre 2008. Mais uniquement pour les marchés lancés après cette date (seule la disposition relative aux avances s’appliquant à tous les marchés, même antérieurs au décret). Le retour de week-end s’annonce laborieux pour les acheteurs publics et les entreprises !

Elodie Cloâtre et Sophie Deluz

de mise en œuvre du plan de relance économique dans les marchés publics

relatif au relèvement de certains seuils du code des marchés publics

Circulaire du 19 décembre 2008 relative au plan de relance de l'économie française ? augmentation des avances sur les marchés publics de l'Etat en 2009

Retrouvez ces décrets dans le cahier "Textes Officiels" du Moniteur n°5483 du 26 décembre 2008

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