Décryptage

RER métropolitains : les collectivités locales attendent le passage à l’acte de l’Etat

Satisfaits de l’appel lancé par Emmanuel Macron à la constitution de dix réseaux express métropolitains, les exécutifs des régions et agglomérations concernées demeurent prudents, espérant ne pas vivre un nouveau scénario d’effet d’annonce sans lendemain. Car si les projets ne manquent pas, l’argent est loin d’être réuni et ne pourra pas se passer de la contribution, significative, de l’Etat, estiment-ils de concert.

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Le RER métropolitain lancé le 11 décembre 2022 autour de Strasbourg (Bas-Rhin)
Un RER métropolitain se lancera dès le 11 décembre autour de Strasbourg, faisant circuler 120 trains express régionaux supplémentaires du Grand Est chaque jour vers la ville alsacienne.

« Enfin, ai-je envie de dire ! » L’exclamation d’Alain Jund, vice-président (EELV) aux transports collectifs de l’Eurométropole de Strasbourg (Bas-Rhin) résume le sentiment des exécutifs régionaux et métropolitains des territoires pressentis pour former cette équipe de dix RER autour des grandes villes en régions appelée de ses vœux dimanche dernier par Emmanuel Macron : l’Etat entre en jeu après s’être fait désirer.« Heureusement qu’on ne l’a pas attendu pour se mettre au travail », appuie Renaud Lagrave, vice-président Transports-Mobilité de la région Nouvelle-Aquitaine qui « s’emploie depuis 15 ans à traiter le nœud ferroviaire de Bordeaux », rappelle l’élu.

De tous bords politiques, les avis sont unanimes : l’investissement verbal du président de la République doit être l’occasion de déclencher celui en espèces sonnantes et trébuchantes qui fait défaut pour concrétiser des dossiers souvent bien avancés sur le papier. « Notre projet de RER approche le milliard d’euros [dont 590 millions d’euros pour les infrastructures, NDLR]. Si un financement conséquent de l’Etat est acquis, on pourra avancer », souligne le président de la Métropole de Bordeaux, Alain Anziani.

Un RER métropolitain concret, Strasbourg l’instaure avec la région Grand Est dès le 11 décembre prochain, en faisant circuler 120 trains quotidiens supplémentaires chaque jour vers le centre-ville, un bond en avant permis par la construction, pour 110 millions d’euros, d’une quatrième voie ferrée au nord de l’agglomération. « Mais pour aller au bout du process, il manque plusieurs centaines de millions d’euros et nous ne pourrons pas faire seules, nous collectivités », relève Alain Jund.

« Une nouvelle fois, l’Etat propose… »

Les montants en jeu sont encore plus conséquents dans la métropole de Lille, où l’on s’y connaît en annonces spectaculaires : au moins 3 milliards d’euros pour relancer le projet de liaison rapide vers le bassin minier, initié en 2010, dont Emmanuel Macron a promis le financement étatique sur place à Liévin (Pas-de-Calais) en février dernier. « Son annonce de dimanche en est la suite logique, mais j’attends la réunion en préfecture du 8 décembre pour avoir plus d’informations sur ce qui nous intéresse : quid du financement ? »

La gare de Lille Flandres
La gare de Lille Flandres La gare de Lille Flandres

Nous-mêmes sommes déjà lancés dans un schéma directeur des infrastructures de transport qui prévoit 3,2 milliards d’euros d’investissements pour les réseaux de tramway et bus à haut niveau de service », soulève Damien Castelain, le président de la métropole. « Les projets existent, mais nous attendons depuis deux ans la signature du contrat de plan Etat-région. Une nouvelle fois l’Etat propose, on attend avec impatience le financement », renchérit, à la région Hauts-de-France, le vice-président Mobilités, Franck Dhersin.

Un scepticisme certain traverse ainsi les exécutifs en tout point de l’Hexagone, échaudés par les expériences passées ou d’autres décisions récentes. « Avant dimanche, le gouvernement venait d’envoyer des signaux négatifs lors des débats budgétaires, comme le refus du déplafonnement du versement mobilités », relève le strasbourgeois Alain Jund.

Cadrer les priorités

Transparaît aussi un souci de ne pas focaliser tout l’effort d’amélioration des infrastructures de déplacements sur de tels réseaux : « Les RER métropolitains ne sont pas l’alpha et l’oméga des mobilités en Pays de la Loire », affirme le vice-président Mobilités de cette région, Roch Brancour.

Un tel concept n’a de sens, selon les élus locaux, que comme maillon d’un programme plus large ; « Relier les périphéries de l’agglomération au centre, expose Frédéric Aguilera (LR), vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes en charge des Transports, passe par une première phase de 1,5 milliard d’euros qui, outre l’augmentation du cadencement et la capacité d’emport des trains, intégrerait le de prolongement du tram T3 ou encore de mise en place d’un bus à haut de niveau de service (BHNS) entre Lyon et Trévoux. Une seconde phase, après 2030, nécessitera de développer les infrastructures ferroviaires pour des investissements estimés entre 5 et 7 milliards d’euros ».

En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les besoins sont aussi immenses que multiples : désengorgement ferroviaire, certes, grâce à la Ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur (LNPCA) avec création de gare souterraine à Marseille, mais aussi métro entre Nice et Monaco que le président de la métropole Nice Côte d’Azur verrait bien comme réponse à l’appel du pied d’Emmanuel Macron, outre un RER de Nice à Sophia-Antipolis.

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Le « cadrage » de l’Etat, qui pourrait venir vite - rapport du Conseil d’orientation des infrastructures attendu en fin d’année puis lettres de missions aux préfets début 2023 – pourrait ainsi utilement cerner les projets éligibles, dans un contexte où les idées foisonnent dans les territoires « RER compatibles » depuis dimanche. Jusqu’au président de Montpellier Méditerranée Métropole, Michaël Delafosse, qui propose « comme première mesure la réalisation de la LGV Montpellier-Béziers, annoncée à l’horizon 2034 pour l’heure », « seule » capable, selon lui, « de cadencer le TER du littoral ».

Chaque territoire aura sans doute intérêt aussi à jouer collectif. Ce qui n’est pas assuré, à entendre le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc, où 3,5 milliards d’euros doivent être dépensés pour une troisième ligne de métro : « J’ai toujours dit que je m’opposerai à ce que la Métropole ou Tisséo (l’opérateur local des transports en commun) verse un seul centime à un projet de RER métropolitain qui, selon moi, relève de la compétence régionale », a-t-il déclaré à un média local cette semaine, réclamant de « savoir quel est le projet et si les trajets concernés correspondent à ceux qu’effectuent nos concitoyens ».

Esquisse de projets… et premières réalités

► Rennes (Ille-et-Vilaine) : projet de Transport express métropolitain, reposant sur un aménagement pionnier en France « Deux trains sur une même voie » de destinations différentes, qui sera mis en place l’an prochain

► liaison rapide de la métropole de Lille (Nord) au bassin minier : projet (3 à 4 milliards d’euros)

► Métropole de Bordeaux (Gironde) : cadencement au quart d’heure de quatre lignes de TER d’ici à 2030

► Ligne nouvelle Provence-Côte d’Azur (LNPCA), 3,5 milliards d’euros de Marseille à Nice (dont 40 % Etat), déclaration d’utilité publique en octobre 2022

► premier RER métropolitain en service hors Ile-de-France : entre Genève (Suisse) et Annemasse (Haute-Savoie), le « Léman Express », mis en service en décembre 2019, connectant 230 kilomètres autour d’une colonne vertébrale ferroviaire de 16 km

► ouverture, le 11 décembre prochain à Strasbourg (Bas-Rhin), du Réseau express métropolitain européen par cadencement à la demi-heure de six lignes convergeant vers Strasbourg

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