« Ricciotti architecte », l’exposition avec de vrais morceaux d’architecture à l’intérieur

La Cité de l’architecture et du patrimoine (Paris) présente jusqu’au 8 septembre 2013 une exposition prospective/perspective sur le travail de Rudy Ricciotti, depuis le Stadium de Vitrolles (1994) jusqu’au futur Mémorial de Rivesaltes (à livrer en 2014), en passant par le Mucem de Marseille. Pas de maquettes, mais d’authentiques éléments de chantier. Et surtout un « 52 minutes » de Laetitia Masson…

C’est une exposition monographique. Un sujet, un seul, mais de choix : Rudy Ricciotti himself. Et une dimension : la prospective davantage que la rétrospective. Pas de textes, une ambiance sépulcrale, des projections panoramiques aux parois, pas de maquettes stricto sensu, mais de magnifiques « éléments de chantier » posés à même le sol, semblables à d’énigmatiques fossiles marins, à des squelettes échoués blanchis par le soleil, ou à de mystérieux bois flottés… Ce sont là les prototypes « échelle grandeur » et les coffrages complexes (résine et acier) des piliers et résilles utilisés au Mucem (Marseille), au stade Jean-Bouin (Paris) ou ailleurs. Plus loin, des bornes avec écrans tactiles permettent aux visiteurs d’approfondir leur exploration, tandis qu’au fond de la galerie un documentaire filmé, « Ricciotti constructeur », donne à l’architecte l’occasion d’expliquer sa méthode de travail et sa façon de prendre à bras-le-corps chaque projet. Occasion de (re)découvrir une production abondante, disparate et parfois méconnue.

Parler avec les crabes

Mais la plus belle pièce est le film réalisé par Laetitia Masson sur l’architecte : l’Orchidoclaste (traduire : le casse-couilles). Non pas un documentaire, ni un documentaire de plus, mais un document, « un film romantique », partie intégrante de l’exposition. Et mieux qu’un document, une déclaration d’amour faite à l’œuvre (et à l’homme). A l’œuvre en ce qu’elle dit de l’homme, à l’homme en ce qu’il porte en lui de l’œuvre. Part belle y est faite à la Camargue - « Je finissais par y parler avec les crabes » - aux horizons minéraux « de pierre et de poussière » des rives de la Méditerranée; à la violence physique et symbolique, sensuelle autant que brutale, du Sud : les images de corrida qui reviennent obstinément dans la narration, jusqu’à la mise à mort finale, nous le rappellent. Il est rare qu’un(e) cinéaste « colle » autant à son sujet. C’est pourtant le parti qu’a adopté d’emblée Laetitia Masson : une « traque » amoureuse, un « travail sur la bête » qui rencontre le « désir de récit » de Rudy Ricciotti, emblématique de son horreur du « minimalisme » et du « salafisme » en architecture.

Etreintes

Au fil du voyage, des images de ses réalisations, des paysages, des moments partagés à Paris, en Corse, à Bandol. Les cigales, la luisance de la peau moite sous le soleil - qui évoque les structures tendineuses écorchées vives du Mucem - des étreintes dont on ne sait si elles se veulent réelles ou sur-jouées (et peu importe). Pour le reste, le propos est parfois ésotérique (en ce sens qu’il ne s’adresse qu’aux « initiés » aux arcanes de la pensée ricciottesque), dans la veine lexicale qu’il affectionne : « archaïsme », « maniérisme », « physicalité », « déficit de consumérisme », etc. « Je vais être encore plus détesté après » dit Rudy Ricciotti dans le film. Ce n’est pas sûr : certaines séquences sont très drôles et très attachantes. Même si, comme me le confiait une consœur au sortir de la projection, « le film est sous-titré en anglais, mais ce serait bien qu’il le soit aussi en français »... C’est sans doute vrai. Mais en architecture comme en amour, 52 minutes ne suffisent pas à épuiser le sujet...

Ricciotti Architecte, du 11 avril au 8 septembre 2013 à la Cité de l’architecture (Paris).

Commissaire : Francis Rambert, avec Christine Carboni et Martine Colombet. Scénographie et graphisme : GCG architectes (Alexandre Goulet, Olivia Charpentier, Dev Gupta) avec Félix Bulcourt, designer et Clarisse Podesta, graphiste. Contributions artistiques : Yvan Salomone, artiste ; Valérie Jouve, photographe ; Françoise Spiekermeier, photographe ; Danilo Trogu, maquettiste. Textes sur les 30 projets : Jean-François Pousse.

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