Robert Spizzichino Grand Paris : utiliser les professionnels de l’urbain sans les instrumentaliser

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Le caractère politique du débat sur le Grand Paris ne fait aucun doute. Les questions soulevées portent le plus souvent sur les institutions, donc sur la répartition et l’exercice des pouvoirs. Le président Sarkozy n’a d’ailleurs jamais fait mystère du caractère politique du sujet qu’il a lancé au moment de sa campagne présidentielle. La création d’un secrétaire d’Etat chargé du développement de la région capitale montre bien sa volonté d’intervenir, au-delà des lois de décentralisation.

Les professionnels de l’urbain (architectes, ingénieurs, sociologues, politologues spécialisés, géographes, paysagistes, économistes territoriaux, développeurs urbains…) sont concernés par ce débat. Un dossier publié à la Documentation française, réalisé par Jean-Marc Offner, intitulé « Le Grand Paris », a déjà réuni bon nombre d’analyses et de pistes de travail émanant de plusieurs d’entre eux. De même, Paul Chemetov et Frédéric Gilli avaient effectué, à la demande de la Diact (Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires), une remarquable étude sur l’espace central francilien.

Illustrer le dessein par le dessin

Dans ce contexte bien nourri, l’Etat, via le ministère de la Culture et de la Communication, a décidé de lancer une ambitieuse consultation internationale « pour l’avenir du Paris métropolitain ». Il s’agit de procéder à l’élaboration collective d’un diagnostic prospectif, urbanistique et paysager : l’Etat va financer le travail de dix équipes pluridisciplinaires constituées sous la forme d’ateliers de recherche, placées chacune sous la responsabilité d’un architecte urbaniste mandataire du groupement. Quant aux productions attendues, il est clairement spécifié que leur dimension communication devra être privilégiée de manière à pouvoir organiser des expositions grand public sur les résultats de ces travaux et d’illustrer le dessein par le dessin.

Le caractère politique de la consultation est évident. Il s’agit de mettre en avant les insuffisances de visions urbaines du conseil régional d’Ile-de-France et de la Ville de Paris, si possible en opposant ces deux collectivités et de contribuer à remettre en cause, d’abord le Sdrif, voire le PLU de la Ville de Paris. Les collectivités locales ne sont évidemment pas associées aux travaux ; tout le travail de concertation mené sur ces documents est dévalué et, même au niveau technique, leurs agences d’urbanisme, l’Iaurif (Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France) et l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme), ne sont consultées « qu’en tant que de besoin ».

Techniquement, cette consultation semble réductrice : elle s’attache à définir la métropole du XXIe siècle au travers d’un prisme spatial mâtiné d’un peu de développement durable. Le cahier des charges néglige, notamment, la dimension économique, les problématiques d’exclusion et de ghettoïsation, les mécanismes de production de la ville, le multiculturalisme et les questions liées à l’évolution des modes de vie et aux appropriations citoyennes.

L’avenir de la région parisienne mérite débat national

Il faudrait donc de grands gestes architecturaux pour redonner du lustre à la région capitale ? L’architecte urbaniste devrait être le metteur en scène d’une recherche multidisciplinaire sur la prospective de la métropolisation dans le contexte d’une mondialisation financière en crise, d’une géopolitique en plein bouleversement, et d’une Europe en panne de projet ? Est-ce bien sérieux ? Certains architectes urbanistes ont, après examen, fait le choix de ne pas répondre et ont exprimé publiquement leurs réserves. Beaucoup ont regretté qu’on n’ait pas correctement utilisé les travaux déjà réalisés avant de lancer une nouvelle démarche.

Oui, l’avenir de la région parisienne mérite débat national, donc débat citoyen et républicain ; oui, le statu quo et le fil de l’eau ne sont pas satisfaisants et une vraie réflexion stratégique prospective est utile ; oui, un schéma directeur doit aussi porter des enjeux de lisibilité et la mise en forme d’un territoire confus – l’espace central – mérite un peu de dessein-dessin à grande échelle.

La France est aujourd’hui réputée dans le monde pour la qualité de ses professionnels. Pas seulement des architectes et des paysagistes, mais aussi des ingénieurs, des économistes, des géographes, des sociologues, des managers de grands projets. Tous ces professionnels pourraient se mobiliser rapidement et collectivement pour proposer une forme novatrice d’un débat démocratique sur l’aménagement et le développement des grands territoires métropolitains.

On peut espérer que le secrétaire d’Etat, Christian Blanc, qui a animé naguère un bureau d’études urbaines, saura rectifier le tir, en revoyant les bases d’une consultation inadéquate et mobiliser les énergies. Nul doute que les professionnels sauront y répondre.

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