Le Vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures italien Matteo Salvini a annoncé mercredi 6 août le feu vert définitif de Rome pour la construction du plus long pont suspendu au monde, reliant la Sicile au continent pour 13,5 milliards d'euros. Cette décision marque une « page historique » après des décennies de planification, a souligné Matteo Salvini tandis que la Première ministre italienne Georgia Meloni qualifiait le projet de « symbole d’ingénierie de portée mondiale » démontrant « la force de volonté et la compétence technique de l'Italie ».
Pylônes de 400 m
Le tablier de l’ouvrage s’étendra sur 3 666 m avec une travée centrale de 3 300 m de long. Ses 60 m de large accueilleront trois voies de circulation routière dans chaque sens, deux voies ferrées et deux voies de service. Deux pylônes de 400 m de haut soutiendront des câbles de suspension de 5320 m de long et 1,26 m de diamètre, une première en matière d’ingénierie. Situé dans une région à la jonction de deux plaques tectoniques, le pont sera conçu pour résister à l'activité sismique ainsi qu’aux vents extrêmes, et sera équipé d'un système de surveillance intelligent afin de garantir la sécurité et de superviser la maintenance prédictive.
Fin des travaux en 2032
Les travaux devraient débuter « entre septembre et octobre », espère le ministre des Infrastructures, avec un objectif d’achèvement d’ici 2032. Ce projet, dont les premiers plans ont été élaborés voici plus de 50 ans, avait fait l’objet d’un appel d’offres en 2006. C’est le consortium Eurolink mené par le groupe italien Webuild, qui intervient en France sur la ligne 15 ouest et la ligne 16 du Grand Paris Express, qui l’a remporté mais il a ensuite été annulé après la crise de la dette dans la zone euro. Le consortium reste cependant le contractant du projet relancé. Il comprend également l’entreprise japonaise IHI et l’espagnol Sacyr ainsi que les italiens Condotte et Itinera. Le groupe danois Cowi, concepteur du pont Çanakkale qui franchit le détroit des Dardanelles, en Turquie, et actuel détenteur du record de la plus longue travée du monde, est chargé de la maîtrise d’œuvre.
Crainte des mafias locales
Ce projet à 13,5 Mds€ suscite cependant des protestations locales en raison de son impact environnemental et de son prix, cet argent pouvant être, selon les détracteurs, mieux utilisé ailleurs. L'infrastructure sera construite sur une zone marine protégée et pourrait causer « un carnage » de « millions d'oiseaux » en perturbant leur routes migratoires, avançait en juin Tommaso Castronovo, président de l'association de défense de l'environnement Legambiente Sicilia. Nombre d'élus locaux et d'experts redoutent aussi que les mafias locales ne profitent largement de cette manne, le procureur général de Messine ayant mis en garde contre le risque d'infiltration de ces dernières dans la construction du pont, et dont « le pouvoir se cache derrière les ouvrages publics ». « Ne pas construire ce pont pour ces raisons reviendrait à ne jamais réaliser aucun projet dans ces régions », a balayé Matteo Salvini.
Un domaine « lié à la défense »
Rome a une motivation supplémentaire pour aller de l'avant : elle a classé le coût du pont comme une dépense de défense. L'Italie, criblée de dettes, a accepté, avec d'autres alliés de l'Otan, d'augmenter massivement ses dépenses de défense pour les porter à 5% du PIB, à la demande du président américain Donald Trump. Sur ce montant, 1,5% peut être consacré à des domaines « liés à la défense », tels que la cybersécurité et les infrastructures, et Rome espère que le pont de Messine sera considéré comme tel, d'autant plus que la Sicile abrite une base de l'OTAN.
