Rien d’exceptionnel dans ce coup de vent hivernal sur le littoral breton. Mais ce 10 février sur l’île de Houat, l’épisode confirme l’actualité quotidienne de l’érosion : « Depuis juin, la grande plage a perdu 15 m, et son recul menaçait notre relais électrique. Il s’en est fallu de peu que vous ne puissiez pas me joindre », raconte la maire Andrée Vielvoye. Réalisés in extremis fin janvier sur son insistance, des travaux de consolidation ont évité une plongée dans le noir aux 240 habitants que compte l’île en hiver… Andrée Vielvoye peut reprendre son travail de fourmi : grâce à l’aide du Conservatoire du littoral qui finance la moitié du poste d’un gardien de la côte, la commune pose et entretient les ganivelles qui canalisent les promeneurs, plante les végétaux qui retiennent le sable sur les dunes, éduque les touristes et les habitants au respect d’un patrimoine fragile… et regarde l’avenir avec la sagesse des anciens : « Le sable part, le sable revient », cite Andrée Vielvoye. Un phénomène en cours d’accélération ? « Aucun géographe n’ose se prononcer », répond Joël L’her, directeur de l’ingénierie au Centre d’études sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). L’état des lieux réalisé en 2015 par cet organisme capitalise soixante ans de mesure tout au long des 2 840 km du littoral métropolitain, à raison d’un point tous les 200 m. La mer progresse dans la majorité des tronçons, et quatre départements détiennent le record de mobilité du trait de côte - Charente-Maritime, Gironde, Gard et Bouches-du-Rhône -, avec des mouvements moyens qui, par endroits, dépassent les 3 m par an. Ce bilan récent témoigne de l’émergence d’une « stratégie nationale de gestion intégré du trait de côte » lancée par le ministère de l’Écologie en 2012, après analyse des responsabilités publiques qui ont contribué au bilan de la tempête Xynthia, en 2010. Cinq projets pilotes en ont découlé. L’État s’est forgé une nouvelle doctrine : s’adapter plutôt que résister. Les collectivités tendent à s’aligner sur cette position : « On ne peut pas figer les côtes », admet Florian Geffroy, chargé de mission à l’association Rivages de France qui fédère 160 collectivités de tous les territoires concernés. « L’érosion n’est pas une menace », renchérit Patrick Bazin, responsable du département de la gestion patrimoniale au Conservatoire du littoral, qui héberge Rivages de France dans son siège de Rochefort (Charente-Maritime). Le programme Adapto, lancé le 9 juillet 2015 sur dix sites avec cinq partenaires universitaires dont l’école du Paysage de Versailles, vise à approfondir cette approche. L’idée de laisser faire la nature ne peut néanmoins répondre à toutes les situations : le rechargement de littoraux déficitaires en sable peut passer par des échanges avec des plages excédentaires. Des brise-lames peuvent atténuer les effets des tempêtes. Mais l’acceptabilité des techniques et leur intégration à des projets territoriaux requièrent la compétence des paysagistes, comme le montre le raccordement de La Bernerie-en-Retz (Loire-Atlantique) à son littoral par l’agence Phytolab, titulaire du prix « accessibilité », au dernier palmarès de l’Aménagement urbain et paysager. Dès 2018, la prise de compétence intercommunale, dans la gestion des inondations et des milieux aquatiques, devrait accélérer ce mouvement.

