Le déficit en eau que connaît actuellement la France rappelle les récentes sécheresses de longue durée (1989-1991, 1996-1997, puis l’été 2003) qui ont mis en évidence la vulnérabilité des constructions sur certains sols argileux. Les argiles « gonflantes » voient leur volume varier avec leur teneur en eau. S’il survient une longue période de sécheresse, la partie superficielle du sol est soumise, sur un à deux mètres d’épaisseur, à l’évaporation. De fortes différences de teneur en eau apparaissent donc au droit des façades, entre le sol exposé à l’évaporation et le sol protégé, le premier pouvant se tasser de 10 cm tandis que l’autre ne bouge pas. Ces mouvements différentiels de terrains sont fatals aux constructions dont les fondations sont peu profondes. Ils peuvent provoquer des fissurations en façade et des décollements entre éléments jointifs (garages, perrons, terrasses), mais également le désencastrement des pièces de charpente, la distorsion des portes et des fenêtres, la dislocation des dallages et des cloisons, la rupture de canalisations enterrées… Pour réparer de tels désordres, des travaux très coûteux doivent être engagés, comme la réalisation de micropieux en sous-œuvre qui peuvent représenter plus de la moitié de la valeur de la maison. Selon la SMABTP (Société mutuelle d’assurance du BTP), des montants de 30 000 à 45 000 euros pour un coût de construction de 76 000 euros n’ont rien d’exceptionnel. Et ils n’excluent pas l’apparition de nouveaux désordres !
Trois milliards d’euros de réparations. En dix ans, ce risque naturel est devenu en France, par les montants engagés, la deuxième cause d’indemnisation, après les inondations, dans le cadre du régime des catastrophes naturelles. Soixante-quinze départements sont plus particulièrement touchés. La Caisse centrale de réassurance estime à plus de 3 milliards d’euros le montant total des remboursements pour la seule période 1989-2002, sans compter les sinistres pris en charge par la garantie décennale dans le cas de maisons récentes. Et les conséquences des périodes de sécheresse s’intensifient : le nombre de communes sinistrées est passé de 3 085 fin 1992 à 4 893 en septembre 1998. Après l’été 2003, elles étaient 7 000 à demander leur classement en état de catastrophe naturelle. « En même temps, la jurisprudence se précise, observe l’Agence qualité construction (AQC), un événement naturel majeur n’étant pas exonératoire de la responsabilité des constructeurs. »
Cartes d’aléa géologique. Pour limiter ces désordres, le ministère de l’Ecologie et du Développement durable a chargé le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) d’établir une cartographie de cet aléa géologique dans les 44 départements les plus touchés. Ces cartes d’aléa sont aujourd’hui disponibles pour 23 départements et consultables sur le site Internet www.argiles.fr. L’ensemble des 44 départements sera couvert d’ici à la fin 2006. Les cartes délimitent les zones sensibles où des règles de prévention devront être respectées. Celles-ci sont consignées dans un plan de prévention des risques naturels (PPR, voir encadré).
L’AQC a réalisé avec le ministère de l’Ecologie une plaquette d’information préventive à destination des professionnels du bâtiment, des assureurs et des géotechniciens. Elle réunit les principales recommandations du PPR type pour construire des bâtiments sur sol argileux. Ce document a été diffusé au cours des rencontres interprofessionnelles sur la sécheresse organisées par les directions régionales de l’équipement (DRE) des régions les plus exposées à ce risque. Huit réunions d’information et d’échanges ont été organisées depuis l’automne 2004. D’autres sont prévues à la rentrée 2005 en Auvergne et en Bourgogne. « Les PPR sont accueillis dans l’ensemble comme de bonnes mesures », se réjouit Godlive Bonfanti, pilote de l’observatoire de la qualité des constructions à l’AQC. Même si les professionnels regrettent parfois de ne pas avoir été associés à la concertation lors de l’élaboration des PPR.
Constructeurs de maisons fragilisés. Les constructeurs de maisons individuelles voient dans ces nouvelles mesures une charge financière et une responsabilité supplémentaire qui leur incombent. Selon la loi de 1990 sur les contrats de construction, ils doivent s’engager sur un prix ferme et définitif. « Comment s’engager sans connaître la nature du sol et les éventuelles adaptations de structure qui peuvent en découler ? », s’insurge Dominique Duperret, secrétaire général de l’Union nationale des constructeurs de maisons individuelles. L’UNCMI suggère que tout vendeur de terrain à bâtir ait l’obligation de fournir un certificat de sol réalisé à partir d’un sondage. « Peu efficace, rétorque Godlive Bonfanti : le vendeur ignore quel type de bâtiment sera construit, ainsi que son emplacement sur la parcelle. Un sondage réalisé au hasard n’apportera pas les renseignements recherchés. In fine, le coût de l’étude géotechnique (1 000 à 3 000 euros) sera supporté par l’acheteur, alors autant l’adapter au projet. »
L’UNCMI propose alors de faire évoluer la loi de 1990 pour prévoir un précontrat d’étude (1 000 à 1 500 euros) avant le contrat de construction. Autre solution : se passer d’étude de sol et adopter les mesures constructives forfaitaires proposées par le PPR, si la commune en est dotée, pour un surcoût qui peut atteindre 7 à 8 % de la construction, d’après une estimation de l’AQC.