Il y a deux ans, en mettant sur pied un groupe de travail européen sur les ponts, Christian Tridon souhaitait porter le sujet auprès des élus des pays membres et lui donner « davantage de poids ». La suite des événements avec la catastrophe du pont Morandi en août 2018, lui a tristement facilité le travail.
Prise de conscience
Dans les couloirs feutrés du Parlement et de la Commission européenne, l’épisode italien a agi comme un catalyseur des consciences. « Les autorités européennes estimaient avant cet épisode ne devoir prendre en charge que l’investissement des infrastructures. Le suivi et la maintenance relevaient de la responsabilité des Etats membres. L’Europe donnait les fonds, et les Etats devaient assurer le reste. Mais à présent, les choses changent », observe Dominique Riquet, député européen (Mouvement radical/social-libéral -MRSL) et membre de la Commission des transports et du tourisme du Parlement européen.
Peu d’Etats membres épargnés
Les élus qui n’étaient peu ou pas concernés par ces enjeux perçoivent désormais cette question sous un autre jour. « A part les pays du Nord de l’Europe, les Etats membres, à l’ouest comme à l’est, sont tous concernés par le vieillissement de leurs infrastructures. Les problématiques sont communes avec l’Italie, et il existe un réel besoin d’agir sur ce plan au niveau européen, que ce soit au niveau financier ou réglementaire », analyse Nicolas Gaubert, rapporteur du groupe de travail sur les infrastructures au sein de la Fédération de l’industrie européenne de la construction(Fiec).
Dans le budget alloué au Mécanisme pour l’interconnexion en Europe pour la période de 2014 à 2020, aucun des 23,7 milliards d’euros consacrés aux infrastructures n’est destiné à l’entretien des ouvrages. Pour la prochaine période de 2021 à 2027, la donne pourrait toutefois changer. Il serait à présent question de consacrer une partie du budget à cette question, « à hauteur de 10 à 20 % », révèle Dominique Riquet.
Des initiatives au niveau européen
En France, la prise de conscience s’est également produite sur le plan national avec la publication d’un rapport de la mission d’information sur la sécurité des ponts du Sénat, qui a rendu ses conclusions en octobre 2019. Dans ce document, il était en particulier question de mettre en place un carnet d’entretien des ponts, sorte de dossier médical qui permettrait de surveiller l’état de chaque ouvrage.
Christian Tridon milite pour cette idée depuis plusieurs années, et imagine la diffuser au niveau européen. « Si l’ensemble des ouvrages des Etats membres était répertoriés selon des critères homogènes, l’entretien en serait facilité », plaide l’expert.
Prochaine réunion à Strasbourg en juin
Le groupe de travail sur les ponts de la Fiec reste quant à lui toujours actif. Ses six pays membres (France, Belgique, Espagne, Italie, Allemagne et Pays-Bas) interviendront au sein d’un colloque consacré à la sécurité des ponts les 10 et 11 juin prochains, à Strasbourg. Chaque expert présentera aux autres participants le modèle de gestion adopté par son pays en la matière. Le Luxembourg et la Suisse, deux pays qui ne sont pas membres permanents du groupe de travail, seront aussi présents.
La direction générale des transports de la Commission européenne, la DG Move, interviendra par ailleurs à cette occasion pour présenter le point de vue de l’instance européenne sur la question. « Je suis convaincu que, pour être plus forts, nous devons être plus nombreux. L’échelle nationale est parfois un peu étroite. J’espère que ce colloque sera le premier d’une longue série », ajoute Christian Tridon.