En affirmant à propos de Réseau ferré de France (RFF) qu'il n'était « pas question de revenir en arrière », Jean-Claude Gayssot, le ministre de l'Equipement et des Transports, a été clair. En effet, la loi Pons-Idrac qui l'a instauré l'an dernier, a réussi une triple prouesse. Tout d'abord, rendre à une SNCF qui croulait sous le poids de la dette (13 milliards de frais financiers par an sur un déficit global de 17 milliards) l'oxygène nécessaire à sa reconquête commerciale. Ensuite, éviter de grever le budget de l'Etat et donc, rester « dans les clous pour Maastricht ». Enfin, redonner à l'Etat le rôle de décision et de maîtrise d'ouvrage en matière de grandes infrastructures.
Toutefois, la loi de 1996 a donné naissance à un « bébé chétif » en péchant par défaut sur deux points : la fixation des dotations sur les seuls exercices 1997 et 1998, mais aussi, un niveau de péage des infrastructures insuffisant. Conséquence : le compte de financement de RFF est structurellement déficitaire, dès son premier exercice (voir graphique). L'établissement public va donc lever sur le marché, cette année, plus de 30 milliards de francs (1).
Pérenniser l'action de RFF et renforcer ses moyens
Claude Martinand demande donc que l'Etat inscrive son action dans la durée, sur cinq ans, par exemple, « que l'on appelle, ou non, cela un contrat de Plan ». De plus Claude Martinand estime que, pour « éviter de dégrader la situation financière de RFF, le bon niveau de dotations budgétaires serait de 15 milliards de francs » (au lieu de 8 milliards cette année) (voir «Le Moniteur » du 5 septembre 1997, page 15).
RFF, propriétaire des infrastructures, doit non seulement amortir les 132,4 milliards de la dette héritée de la SNCF mais aussi développer le réseau neuf, donc investir. Alors que pour l'entretien du réseau, qui coûte 5 milliards par an et ne dégage aucune plus-value, il passe une convention de gestion (16,8 milliards en 1997) avec cette dernière.
En d'autres termes, il va falloir que les acteurs jouent pleinement leur rôle. L'Etat doit augmenter les dotations à RFF « afin qu'elles permettent son équilibre en fonction des investissements souhaités », précise Claude Martinand, notamment si l'Etat souhaite réaliser conjointement le TGV-Est et le TGV Rhin-Rhône, « avec un décalage de deux ou trois ans ». La SNCF devra accepter une augmentation des péages « pour qu'il y ait de l'autofinancement », ce qui va de pair avec une hausse des trafics. RFF et la SNCF enfin devront s'entendre pour réaliser des économies sur l'entretien.
Or, l'actuel gouvernement n'a jamais fait mystère de son ambition de réorienter la part relative des différents modes de transport au profit du rail et de la voie d'eau et de réviser la politique routière dans un sens moins favorable aux autoroutes concédées (voir « Le Moniteur » du 24 octobre page 23). La révision de la Loi d'orientation sur les transports intérieurs en préparation devrait concrétiser cette réforme financière. Mais, au-delà de l'aspect technique, se profile la création, en 1998, d'une grande direction transversale des infrastructures alimentées par des ressources tous « modes » et coiffée par un gouvernement qui assume une politique des transports volontariste. « Créer une direction générale des infrastructures est inéluctable. Plus vite on ira dans ce sens et mieux ce sera », estime Claude Martinand.
(1) Ceci, grâce à l'émission, d'ici à fin 1997, d'un crédit syndiqué de 10 milliards de francs. L'émission de billets de trésorerie (20 milliards) complétée par une émission obligataire.
GRAPHIQUE : Tableau de financement 1997 - Rff structurellement déficitaire
Dès sa première année d'existence, RFF doit emprunter 13 milliards de francs pour équilibrer son bilan. Une situation qui ne saurait se prolonger durablement.