Les prestations correspondant à des prix unitaires distincts constituent des « natures d’ouvrage distinctes » au sens de l’article 17 du CCAG travaux, rappelle un jugement du tribunal administratif (TA) de Limoges rendu le 6 juin 2013.
Dans cette affaire, un département avait confié des travaux de terrassement, d’ouvrages hydrauliques d’assainissement et de construction de carrefours, à un groupement d’entreprises. Suite notamment à la réalisation de prestations supplémentaires et au dépassement du calendrier d’exécution des travaux, le mandataire du groupement a saisi le juge d’une contestation relative à l’établissement du décompte général du marché.
Le groupement demandait en particulier une indemnisation en application de l’article 17 du CCAG travaux, en raison de la modification des quantités exécutés concernant les opérations de traitement des sols, par rapport à ce qu’avait prévu le marché.
Le traitement des sols se décomposait en cinq « natures d’ouvrage »
Pour mémoire, l’article 17 du CCAG travaux permet à l’entreprise d’obtenir une indemnité lorsque la part du marché affectée par les variations de quantité excède 5 % du marché ; et que ces variations, appréciées par « nature d’ouvrage », représentent une hausse de plus d’un tiers ou une baisse de plus d’un quart par rapport aux quantités figurant sur le détail quantitatif estimatif du marché (DQE). Or en l’espèce le sens à donner à la notion de « nature d’ouvrage » était crucial. Le groupement d’entreprises estimait qu’il fallait apprécier la variation de quantités au regard des « opérations globales de traitement des sols ». Mais le tribunal administratif relève que ces opérations se décomposent en cinq prestations (traitement des sols à la chaux vive, fourniture de chaux vive, traitement des couches de forme au liant hydraulique, etc.) ; chacune de ces prestations correspondant à un prix unitaire distinct. Ces prestations constituent donc des natures d’ouvrages distinctes, estime le TA. Le seuil de 5 % du montant du marché n’étant atteint pour aucune de ces cinq prestations prise isolément, l’article 17 du CCAG travaux ne peut s’appliquer et la demande d’indemnisation doit être rejetée.
Le TA écarte pour les mêmes raisons le jeu de l’article 17 précité du fait de l’augmentation des quantités exécutées pour l’extraction des déblais de deuxième catégorie, opération qui devait elle aussi être décomposée en plusieurs natures d’ouvrage.
Une jurisprudence fâcheuse pour les entreprises
Ce jugement, encore susceptible de faire l’objet d’un appel, reprend le principe dégagé par le Conseil d’Etat en 2007 (CE, 10 janvier 2007, n° 280314). Il avait énoncé que « l'extraction des déblais de première catégorie et celle des déblais de seconde catégorie constituaient chacun un ensemble distinct de prestations, dont le prix unitaire et les quantités étaient indiqués sur le détail estimatif du marché ; que par conséquent ces prestations constituaient des natures d'ouvrages distinctes […] ». Le rapporteur public Didier Casas avait considéré dans ses conclusions sur cette affaire qu’ « est une nature d’ouvrage l’ensemble des prestations qui est affecté d’un prix unitaire et dont les quantités sont portées au détail estimatif d’un marché. »
Cette jurisprudence est fâcheuse pour les entreprises, dans la mesure où plus le détail estimatif sera détaillé, plus il y aura de prix unitaires différents et plus il sera difficile de faire jouer l’article 17 du CCAG. Les titulaires de marché sont ainsi tributaires de la décomposition des prix faite en amont par la collectivité…