Dans un contexte de fortes incertitudes du transport routier de marchandises et du BTP sur le territoire national, l’Observatoire du véhicule industriel (OVI) de BNP Paribas Artegy se projette, pour 2024, sur une fourchette comprise entre -6,4 % et +2 % par rapport à 2023, soit entre 45 700 (19 200 porteurs et 26 500 tracteurs) et 49 818 immatriculations (20 799 porteurs et 29 019 tracteurs). Ces chiffres traduisent l’hypothèse la plus pessimiste d’un marché en récession et à l’inverse d’une croissance « modérée » pour le scénario le plus porteur.
En France, l’OVI table ainsi sur un recul des immatriculations allant jusqu'à 7 %et un ralentissement des commandes de 11,9 % pour les tracteurs et de 11,7 % pour les porteurs. Selon l'observatoire, « cette baisse du carnet de commandes aura forcément un impact visible sur les immatriculations du second semestre 2024 du fait du raccourcissement prononcé des délais de livraison. »
Plusieurs facteurs
Pour comprendre l’écart important de la fourchette, Arnaud Villéger, directeur de l'OVI met notamment en avant l'importance des délais de livraisons après les commandes et un potentiel impact « significatif » des Jeux olympiques de Paris 2024 qui pourrait ralentir cet été les ventes pendant plus de quatre semaines.
Par ailleurs, « les sujets du transport de granulats déjà orienté à la baisse, des ZFE-m et des politiques de grandes villes hostiles aux camions comme Marseille, conjugués aux difficultés à trouver des conducteurs vont pousser la logistique urbaine vers les véhicules légers au détriment des véhicules industriels », estime le directeur de l’OVI. Un scénario déjà évoqué il y a un an. Toutefois, la poursuite du Lyon-Turin et le lancement du chantier du Canal Seine-Nord Europe sont selon lui des signaux positifs.
Des prévisions à relativiser
Si les prévisions sont orientées à la baisse, les immatriculations de l'an dernier se sont pourtant inscrites en hausse. En glissement annuel à fin novembre 2023, les marchés du neuf et de l'occasion ont enregistré une augmentation de 15,6 % des unités de 3,5 tonnes et plus (38 299 unités) et de 10,7 % des camions de 5 t et plus (48 733 unités) de 5 t et plus. En outre, 43 755 unités de plus de 16 t ont été immatriculées à la même période, soit une hausse de + 10,8 %.
« Après la crise sanitaire, les pénuries de composants électroniques avaient limité les livraisons de matériels. Les commandes peinaient à être honorées, ce qui ne semble plus être le cas », rappelle Arnaud Villéger. Les délais de livraison passent en effet de 289 jours en juin à 150 jours en janvier 2024: « Nous pourrons par conséquent purger les carnets de commandes », affirme le porte-parole de l’OVI. Il ajoute : « Ce sont les mois de septembre et octobre qui ont ralenti le rythme, avec 26,9 % d’immatriculations en moins ».
Un secteur du BTP au ralenti
En raison des difficultés du secteur, le VUL (véhicule utilitaire léger) accuse une nouvelle baisse de -5 % en 2023 avec 34 485 unités immatriculées contre 46 927 en 2019. Sur le segment des bennes, établies à 6 485, les immatriculations se retrouvent sous les niveaux de 2017 à 2022. Il est selon l’OVI la principale cause de la baisse de l’ensemble des remorques et semi-remorques. Seules 2 194 immatriculations ont été enregistrées sur les onze derniers mois, soit un recul de 24,8 % par rapport à 2022. Les véhicules industriels « Béton & Travaux » s’élèvent, eux, à 9 497 unités, soit en recul de -4 %.
Autre point de vigilance : en raison de l’inflation et de la hausse des coûts des énergies, les prix des véhicules neufs continuent d’augmenter (+9,2 % pour les tracteurs, +9,5 % pour les porteurs, +7,8 % pour les VUL), ce qui explique globalement la baisse des commandes avec des acheteurs faisant face à des contraintes financières importantes.
Des solutions de financement pour un mix énergétique
Pour le volet financier, Stéphane Spitz, directeur général de BNP Paribas Artegy reste plutôt optimiste : « La hausse des taux d’intérêts est derrière nous, c’est plutôt une stabilité qui est attendue pour 2024 ». « C’est surtout la hausse des énergies alternatives au diesel dans le mix des commandes à laquelle il faudra être attentif. (…) Il apparaît de plus en plus que le choix des nouvelles énergies se fera selon l’usage des exploitants, et que les flottes s’afficheront de plus en plus multi énergies », analysent les experts de l’OVI. Cela sous entend donc « l ’émergence de multiples solutions de financement et de gestion, le traitement des énergies différant les unes des autres. »