Des écoles vétustes et peu de moyens pour les rénover… voilà le quotidien de nombreuses collectivités. Pour les épauler, le programme « Action des collectivités territoriales pour l’efficacité énergétique » (Actee), piloté par la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), finance, par les Certificats d’économies d’énergie (CEE), ressources humaines, études, assistance à maîtrise d’ouvrage…
Le 16 septembre, à l’Ensa Montpellier, la Maison de l’architecture Occitanie Méditerranée (Maom) a justement donné le coup d’envoi d’un nouveau cycle de rencontres destiné à créer une dynamique locale autour de la rénovation du patrimoine public. « Aujourd’hui, seuls 15 % des besoins en ingénierie sont couverts pour respecter le décret tertiaire et les directives européennes », rappelle Pierrick Degardin, directeur adjoint d’Actee.
Un couple à consolider
Depuis 2019, les moyens se sont considérablement renforcés : de 12,5 millions d’euros à 110 millions d’euros pour Actee 2 (dont 6 millions d’euros en Occitanie, accompagnant 60 communes et 800 bâtiments), puis 220 millions d’euros pour Actee+ (2023-2026). Des discussions sont déjà engagées pour un Actee 4, qui pourrait atteindre 400 millions d’euros. « L’un des axes centraux est le financement des économes de flux, indispensables dans les petites communes où 97 % des mairies n’ont pas d’ingénierie interne », souligne Pierrick Degardin.
Actee a aussi lancé un appel à projets « Bâti patrimonial », qui impose une collaboration entre architectes et bureaux d’études dès la programmation. Avec 16 dossiers déposés pour 1,3 million d’euros d’aides demandées, les résultats seront dévoilés mi-octobre. « Beaucoup de projets démarrent sur un simple audit énergétique, sans volet architectural. » rappelle Pierrick Degardin. Résultat : des budgets sous-évalués et des ambitions énergétiques rabotées. « A l’inverse, l’expérimentation BBC Effinergie a montré que, lorsque ce duo est à l’œuvre, on peut atteindre 40 à 60 % d’économies d’énergie sans dénaturer le patrimoine. » Le potentiel est immense avec 30 000 architectes et 36 000 maires.
Le confort d’été, nouvel impératif
En Méditerranée, la question du confort d’été prend le pas sur la seule performance énergétique. « L’isolation par l’extérieur seule ne suffit pas. Dans certains bâtiments, elle aggrave même la surchauffe », constate Didier Terral, responsable du service Programme immobilier à la région Occitanie.
La collectivité intègre désormais des fichiers climatiques à horizon 2050-2070, systématise les simulations thermiques dynamiques et recourt à des solutions hybrides : brasseurs d’air, ventilation innovante, voire climatisation ciblée alimentée par géothermie ou photovoltaïque. « Le tout passif n’est plus tenable : il faut passer d’une logique centrée sur la consommation à une approche élargie du confort global », poursuit-il. Même constat pour Ludovic Arbaud de l’Arac Occitanie, qui insiste sur le frein financier : « Difficile de convaincre les élus d’investir quand les gains ne se voient qu’à 20 ou 50 ans. » Un constat partagé par Elia Mangani, architecte et économe de flux Actee à l’Agence locale de l’énergie et du climat (Alec) Montpellier : « Les aides reposent souvent sur un pourcentage d’économies d’énergie, or les solutions de confort d’été n’en produisent pas toujours. Beaucoup de communes ayant déjà réduit leurs consommations, peinent à atteindre les 60 % requis. »
Pour répondre à cet enjeu, l’Ademe Occitanie lancera fin novembre un appel à projets visant une cinquantaine d’opérations innovantes dans quatre départements du sud, intégrant le confort d’été dès la rénovation. « Le programme prévoit un soutien à l’ingénierie et une aide ciblée sur le surcoût lié aux dispositifs de correction face à la chaleur » annonce Nathalie Gonthiez, chargée de mission bâtiments à l’Ademe Occitanie.
Former élus et usagers
« Il est anormal que des élus prennent leur poste sans aucune formation sur ces sujets », déplore-t-elle. « Avec une majorité de collectivités de moins de 50 000 habitants, rares sont celles où les élus se considèrent comme gestionnaires de patrimoine. » D’où la création du réseau national des élus pour agir, afin de favoriser la montée en compétences et réduire les tensions entre élus et services techniques.
Les besoins concernent aussi la pédagogie. « Les décrets poussent à toujours piloter plus, ce qui éloigne les usagers de leur bâtiment. On installe des systèmes passifs, mais sans signalétique pour expliquer comment les utiliser. Il faut mettre tous les acteurs dans la boucle et penser à l’usage réel du bâtiment », insiste Elia Mangani. La fresque du projet, initiée cet été par l’Alec, illustre cette approche ludique et collective : elle aide tous les acteurs à reconstituer la chronologie d’un projet de rénovation, en indiquant qui fait quoi à chaque étape.
Mesurer, apprendre, progresser
Pour Envirobat Occitanie, l’enjeu est double : « Monter collectivement en compétences et surtout analyser les projets une fois finis », insiste Laure Rouffignac, coordinatrice du pôle Bâti existant-rénovation. « Trop peu de projets Bâtiment durable Occitanie repassent en commission après livraison, alors que cette étape est décisive pour comparer conception, réalisation et vie réelle du bâtiment. » Le nouveau programme Adapt-Bati-Confort, co-porté par le CSTB et le Cerema, soutient cette logique avec 9 millions d’euros pour tester, suivre et évaluer des projets dans la durée, incluant un large volet de sensibilisation et de formation.
A travers ces rencontres, Actee espère créer un effet boule de neige. Un mouvement d’ampleur est en marche. Mais pour l’accélérer, il faudra actionner nombre de leviers dont celui de l’acculturation. Comme le résume Didier Terral, « la construction, ce n’est pas que de la technique : c’est aussi de l’humain, du social, de la sociologie. Vivre avec un petit inconfort, oui, mais avec un confort redéfini qui intègre adaptation et bon sens. »
Chiffres-clefs au niveau national
11 000 bâtiments rénovés et 380 économes de flux financés grâce à Actee 2 (2021-2023)
220 millions d’euros, c’est le budget d’Actee+ (2023-2026) pour accompagner 30 000 communes
1 euro Actee = 16 euros de travaux générés
60 % de réduction de consommation énergétique à atteindre d’ici 2050 (décret tertiaire)
400 millions de mètres carrés de bâtiments publics à rénover, pour un coût estimé à 500 milliards d’euros d’ici 2050
76 % des dépenses énergétiques communales liées aux bâtiments publics