Décryptage

Assurances : un nouveau régime Cat Nat entre deux eaux

La loi du 28 décembre 2021 améliore la prise en charge des sinistrés mais le risque de retrait-gonflement des argiles reste insuffisamment pris en considération.

 

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Près de quarante ans après sa création, le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, dit « Cat Nat », issu de la , vient d'être réformé par la . Il était en effet indispensable de faire évoluer ce dispositif, afin de répondre à des préoccupations nouvelles liées au changement climatique.

La loi, dans un souci de simplification, de lisibilité et de transparence, modifie les modalités de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, renforce les droits des assurés et clarifie l'indemnisation des sinistrés. Elle entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023 et ne s'applique pas aux contrats en cours.

Les communes mieux accompagnées

L'une des originalités de la loi repose sur la création dans chaque département d'un nouveau référent à la gestion des conséquences des catastrophes naturelles et à leur indemnisation, dit référent « Cat Nat » (nouvel - C. ass.). Nommé par arrêté préfectoral, il a pour mission d'informer et d'accompagner les communes sinistrées dans leurs démarches pour faire déclarer l'état de catastrophe naturelle et obtenir une indemnisation. Il pourra faciliter les échanges entre les collectivités territoriales, les services de l'Etat et les assureurs. Au moins une fois par an, le référent devra présenter devant la commission départementale des risques naturels majeurs un bilan des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, de l'utilisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », et de l'évolution des zones exposées au phénomène de sécheresse-réhydratation des sols.

Une prise en charge et une indemnisation plus adaptées

Plusieurs dispositions de la loi améliorent la prise en charge et l'indemnisation des sinistrés par la mise en place de délais plus adaptés pour tous les assurés et par un périmètre de garantie étendu.

Délais modifiés. Tout d'abord, les assurés disposeront de trente jours au lieu de dix pour déclarer le sinistre. De son côté, l'assureur dispose d'un mois, à compter de la déclaration du sinistre ou de la décision actant l'état de catastrophe naturelle, pour informer l'assuré des modalités de mise en jeu des garanties prévues au contrat et pour ordonner une expertise s'il l'estime nécessaire. Il dispose également d'un mois pour faire une proposition d'indemnisation ou de réparation en nature, et de vingt et un jours pour verser l'indemnité (ou un mois pour missionner une entreprise de travaux). A défaut, l'indemnité due par l'assureur porte intérêt au taux de l'intérêt légal.

Franchise. En outre, les sinistrés qui résident dans des collectivités dépourvues de plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) ne seront plus pénalisés par des modulations de franchises. Cette nouvelle disposition permet de mettre un terme à une injustice pour les assurés, désavantagés par un manquement dont ils n'étaient pas responsables.

De plus, le périmètre de la garantie « catastrophes naturelles » est étendu. Seront désormais pris en charge les frais de relogement d'urgence, les frais d'architecte et de maîtrise d'œuvre associés à la remise en état, lorsque ceux-ci sont obligatoires (art. et C. ass.). Cette disposition a d'autant plus d'intérêt qu'il s'agit effectivement des effets souvent consécutifs à une catastrophe naturelle.

L'aléa retrait-gonflement des argiles, des attentes déçues

Par ailleurs, la loi traite de la situation particulière des zones affectées de retrait-gonflement des argiles (RGA). Pour rappel, lors de l'instauration de la garantie en 1982, seuls les phénomènes irrésistibles, imprévisibles et marqués par une cinétique rapide (inondations par exemple) étaient envisagés, ce qui n'est pas le cas de l'aléa RGA.

Depuis quelques années, la multiplication des phénomènes naturels d'intensité anormale est à l'origine de l'amplification massive des dommages causés aux bâtiments par la sécheresse-réhydratation des sols. Selon les travaux parlementaires de la loi, la Caisse centrale de réassurance évalue à 18,9 millions le nombre de maisons concernées par le RGA, tous aléas confondus. Le

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime, lui, que 34 978 communes sont exposées à cet aléa, soit 99,2 % d'entre elles.

En outre, au 1er janvier 2021, 466 recours contentieux Cat Nat étaient pendants devant les juridictions administratives, dont 93 % concernaient des décisions adoptées en matière de sécheresse- réhydratation des sols.

   Les communes disposent de six mois de plus pour transmettre la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

Rapport de l'Etat. Dans un tel contexte, appréhender ce risque de manière différenciée prend tout son sens et d'importantes attentes se sont cristallisées autour des modalités de prise en charge et d'indemnisation. Pour y répondre, la loi Cat Nat impose à l'Etat de réaliser, avant le 28 juin 2022, un rapport relatif aux risques de sécheresse-réhydratation et de le remettre au Parlement. Ce document devra étudier l'opportunité et les moyens de renforcer les constructions existantes exposées au RGA, et formuler des propositions en vue de l'indemnisation des dommages causés par ce phénomène qui ne sont couverts ni par le régime Cat Nat, ni par la garantie décennale. Cette mesure permettra certes d'améliorer la connaissance sur ce sujet mais n'aura que peu d'impact en pratique.

La loi renforce, en outre, la transparence de la procédure d'expertise en cas de sinistre dû à la sécheresse pour améliorer l'information de l'assuré. L'assureur doit transmettre les comptes rendus des visites effectuées régulièrement, par exemple pour examiner l'évolution des fissures dans les bâtiments.

Fin des désordres existants. De plus, les indemnisations devront permettre de financer des réparations mettant réellement fin aux désordres existants. En effet, « dans la limite du montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre, les indemnisations dues à l'assuré au titre des sinistres liés aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols couvrent les travaux permettant un arrêt des désordres existants consécutifs à l'événement lorsque l'expertise constate une atteinte à la solidité du bâtiment ou un état du bien le rendant impropre à sa destination » ().

Enfin, de manière plus globale, le délai dont disposent les communes pour transmettre leur demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est porté à vingt-quatre mois après la survenance de l'événement (dix-huit mois actuellement). Cet allongement permettra de prendre en compte les dommages qui apparaissent longtemps après, comme ceux liés aux RGA.

Ces nouvelles dispositions sont bienvenues. Pour autant, les spécificités du risque RGA, liées notamment à sa cinétique lente, restent insuffisamment prises en considération. L'équilibre financier du régime d'indemnisation est amené à être de plus en plus sous tension, en raison de la fréquence et de l'intensité accrue des catastrophes naturelles et du coût onéreux de réparation des dommages provoqués par des épisodes de sécheresse. Une réflexion et des évolutions ambitieuses de ce régime seront dès lors nécessaires pour répondre durablement aux enjeux actuels.

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