Banque des territoires, PTZ... Ces financements publics à réorienter pour respecter le ZAN

Il faut revoir les dépenses budgétaires et fiscales de l’Etat, ainsi que les dotations aux collectivités et prêts aidés, avance un rapport inter-inspections (IGF-IGEDD), qui chiffre à 34,7Md€ ces aides publiques susceptibles d’avoir un impact sur l’artificialisation des sols.

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ZAN
Le rapport appelle à « un changement de paradigme de l’aménagement et de l’urbanisme », qui se traduirait par « des changements profonds dans les manières de financer les collectivités » pour favoriser la sobriété foncière.

Quels sont les impacts des aides publiques directes ou des dispositifs fiscaux au secteur du logement et de l’aménagement sur l’artificialisation des sols ? C’est à cette question que tente de répondre le rapport « Moyens publics et pratiques dommageables à la biodiversité » issu d’une mission menée conjointement par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), daté de mai 2025 mais rendu public le 18 juillet par l’IGF.

Celui-ci répond à une demande issue de la stratégie nationale de biodiversité visant à analyser les effets potentiellement dommageables à la biodiversité des subventions publiques pour les principaux secteurs économiques (agriculture, forêts, pêche et transport maritimes, énergie et aménagement du territoire).

Un pactole de 34,7Mds€

Selon une méthodologie explicitée en annexe et qui s’appuie sur les travaux de l’Observatoire national de la biodiversité, la mission chiffre à plus de 300 les aides publiques visant à l’aménagement du territoire et « susceptibles d’avoir un impact en matière d’artificialisation des sols » et donc sur la biodiversité, pour un montant représentant 34,7Mds€.

Parmi celles-ci, elle identifie dans le projet de loi de finances pour 2024 : 1,3Md€ d’investissements annuels réalisés grâce aux financements issus du onds européen de développement régional (Feder) ; 20,6Mds€ de dépenses budgétaires dans le cadre des politiques de logement et d’aménagement du territoire, dont 1,9Md€ en lien avec l’accès au logement et la construction (programmes 135 et 145 du budget) ; 2,1Mds€ au titre de la politique immobilière de l’Etat ; 10,2Mds€ pour le soutien à la construction et à l’entretien d’infrastructures ; 6,5 Md€ de dépenses relatives aux interventions de l’Etat et des collectivités pour l’aménagement du territoire ; 12,8Mds€ de dépenses fiscales, qui se décomposent en 10,2Mds€ liés aux politiques publiques de l’immobilier et de l’urbanisme (programme 135) ou au soutien à l’épargne facilitant l’acquisition d’un logement (programme 145) ; 713M€ ayant trait à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et à la contribution foncière des entreprises (CFE) ; 1,9Md€ relatif à l’action de l’Etat en Corse et en outre-mer, susceptibles de favoriser des activités de construction et d’aménagement du territoire.

ANCT, Fnap, VNF...

A ces dépenses de l’Etat, s’ajoutent celles de ses opérateurs. Le rapport cite, en matière de transport, l’Agence de financement des infrastructures de transport (Afit) de France, la Société des grands projets (SGP), Voies navigables de France (VNF) et les établissements publics fonciers. Il souligne également le rôle de ses agences comme l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) au titre de ses programmes d’appui aux collectivités et de son activité d’aménagement et de restructuration des espaces d’activité, commerciaux et artisanaux) et d’autres structures publiques qui contribuent à la construction de logements comme la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), pour sa contribution au Fonds national des aides à la pierre (Fnap) ou encore la Banque des territoires pour l’octroi de prêts à taux bonifiés.

La mission souligne également le rôle des collectivités « dont les soutiens sont méconnus ». Pour ces acteurs, elle recommande d’analyser leurs actions « sous l’angle de l’impact sur la biodiversité », notamment, pour les collectivités dans le cadre des budgets verts généralisés à partir de l’exercice 2025 pour les dépenses d’investissement.

Sur ces 34,7 milliards d’euros, le rapport identifie 2,7Mds€ de dépenses (soit 8% du total) « nécessitant des approfondissements prioritaires au regard des pratiques dommageables à la biodiversité via leur impact sur l’artificialisation des sols » (dont 1,5Md€ au titre de la construction d’infrastructures et 0,9Md€ au titre des dépenses fiscales de soutien à la politique de l’habitat et du logement) et 9,5Md€ de financements (27% du total) « dont l’impact sur la biodiversité n’a pu être déterminé, par manque de données » et qui « devrait faire l’objet d’un suivi ». Celui-ci devra intervenir à travers la mise en place « d’indicateurs et de méthodologies transparentes au niveau de tous les acteurs de l’aménagement du territoire », recommandent les inspections, qui voient là un sujet pour une future mission inter-inspections portant sur l’artificialisation, la mise en œuvre de la politique du ZAN et ses évolutions.

Changer « profondément » les manières de financer les collectivités

Si l’application de cet objectif ZAN et « les chantiers sur la politique du logement doivent être des opportunités pour réduire l’artificialisation des sols dans le cadre de l’aménagement du territoire », le rapport appelle aussi à « un changement de paradigme de l’aménagement et de l’urbanisme, qui appelle des changements profonds dans les manières de financer les collectivités alors que le système de financement de [ces dernières] n’a pas été conçu dans un cadre de sobriété foncière ». Il envisage ainsi un conditionnement des dotations de l’Etat et une « révision de[s] fiscalités pour mettre en place un principe réservant pour tout ou partie les abattements et exonérations fiscales aux opérations non artificialisantes ».

A titre d’exemple, les auteurs citent la dotation générale de fonctionnement qui ne prend « pas explicitement en compte les enjeux de limitation de l’artificialisation, voire peu[t] être perçu comme antagoniste » à travers des critères concernant la population, le nombre de résidences secondaires ou la longueur de voirie. Les rapporteurs voient là un potentiel sujet pour la mission inter-inspections suggérée plus haut.

Un objectif intermédiaire à 2031 « difficile à respecter »

Selon les chiffres avancés par le rapport, la réduction par deux de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers rend possible l’artificialisation d’environ 115 000-120 000 ha entre le 1er janvier 2021 et le 1er janvier 2031, dont 35 010 ha garantis pour toutes les communes et 12 500 ha réservés au titre des Projets d’envergure nationale ou européenne (Pene). Or, à fin 2024, 80 000 ha ont déjà été consommés, soit plus de la moitié de l’enveloppe prévue. Ce qui fait dire aux inspections que l’objectif intermédiaire « semble difficile à respecter ».

Du côté des dispositifs à destination des particuliers ou des acteurs économiques à faire évoluer, les inspections identifient les dispositifs de prêt à taux zéro et de prêt à taux zéro renforcé, qui financent des opérations de construction à hauteur de 35%, les dispositifs d’investissement locatif de type Pinel, Scellier, Censi-Bouvard, Perissol et Robien, qui couvrent 20% du coût des opérations de construction, le Fnap qui finance des constructions sur des sols non-artificialisés à hauteur de 20% ou encore les dispositifs d’épargne (livrets A, livrets de développement durable…) et d’épargne logement qui financent des constructions sur des sols non-artificialisés à hauteur respectivement de 5% et 20%.

Mais « les implications de telles évolutions en matière d’accès aux logements, notamment en raison d’une éventuelle limitation de logements éligibles, n’ont pu être étudiées par la mission », indique cette dernière qui pousse à une « une étude approfondie » sur le sujet. Etude qui « serait, par ailleurs, l’occasion d’analyser conjointement l’efficacité des dispositifs de lutte contre la vacance des logements ». « En complément, une réflexion apparaît nécessaire sur la protection des espaces fonciers non bâtis, via une réforme de la fiscalité du foncier, qui veillerait à rééquilibrer le rendement foncier de ces espaces, pour lutter contre l’incitation à l’artificialisation », suggère la mission.

Vers une traduction législative ?

Autant de sujets sur lesquels les députées auteures de la proposition de loi « pour réussir la transition foncière », la présidente de la commission du développement durable, Sandrine Le Feur (EPR, Finistère), et Constance de Pélichy (Liot, Loiret), ont travaillé. Lors du dépôt de leur texte en mai dernier, elles indiquaient que « le gouvernement réserv[ait] sa position [sur leur proposition de loi] en attendant un rapport d’inspection » sur l’artificialisation, celui publié le 18 juillet donc, et comptaient, elles aussi, sur ce document « pour faciliter le dialogue avec le Sénat » sur la base d’éléments objectifs pour « aboutir à un texte commun pour la suite ».

Mais pour l’heure, leur proposition de loi n’a pas été examinée par l’Assemblée nationale et la proposition de loi Trace issue du Sénat n’a pas été étudiée par les députés mais devrait l’être à l’automne. Les dispositions fiscales que contient le premier texte pourraient également intégrer le projet de loi de finances, espéraient les deux députées en mai dernier. Comme le rappelle la mission inter-inspections, ces mesures sont attendues et promises par l’exécutif depuis le vote de la loi Climat et résilience en 2021.

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