Biodiversité : comment favoriser l'essor des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation

Le ministère de la Transition écologique publie les recommandations de deux groupes de travail sur les questions d’accès au foncier, de maîtrise foncière ou encore de modèle économique de ces sites, que des bureaux d'études ou des collectivités identifient pour ensuite les faire agréer auprès des préfectures de région.

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SNCRR
Deux groupes de travail pilotés par le CGDD livrent leurs conclusions pour permettre le développement des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation.

« Pionnière en matière de crédits biodiversité » en Europe, selon la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, la France a mis à disposition des autres pays de l’Union, le 7 juillet 2025, les recommandations issues de deux groupes de travail sur les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) pour alimenter la feuille de route sur les crédits nature présentée le même jour par la Commission européenne. Cette nouvelle version des sites de compensation, issue de la loi « Industrie verte » du 23 octobre 2023, est mise en avant par le gouvernement français et pensée comme les « crédits biodiversité à la française ».

Lancés en février dernier et regroupant des acteurs du modèle économique des SNCRR sous le pilotage du Commissariat général au développement durable (CGDD), ces deux groupes de travail se sont penchés aux mois de mars et d’avril dernier, pour l’un sur les freins liés aux questions d’accès au foncier et de la maîtrise foncière dans le but de porter des SNCRR et pour l’autre, sur les freins liés au modèle économique de telles opérations et à la garantie des crédits biodiversité qu’elles portent.

Intégrer les SNCRR dans les stratégies foncières

En ce qui concerne le premier groupe sur le foncier, une première partie des recommandations visent à mieux intégrer les SNCRR dans les processus de l’aménagement, de la planification à la prospection foncière par les acteurs spécialisés. Pour cela, les acteurs proposent de « favoris[er] la création de communautés de travail » (regroupant les services et opérateurs de l’État, les collectivités, les aménageurs, les grands propriétaires fonciers, les acteurs locaux…) sur la démarche éviter-réduire-compenser (ERC).

Celles-ci pourraient être amenées à « réaliser des "études de marché" pour les SNCRR en matière de demandes compensatoires et de restauration volontaire » et à encourager le développement de projets à travers des appels à projets ou des appels à manifestation d’intérêt. Un travail qui doit s’articuler avec celui de la planification anticipatrice des SNCRR pour la mise en œuvre des zones propices ou préférentielles pour la renaturation voire la compensation et la restauration, dans les documents locaux.

Mobiliser les EPF et mieux faire connaître les Safer

Autres acteurs du secteur qui devraient être mieux mis en avant : les établissements publics fonciers (EPF) et les Safer qui souffrent d’un manque d’identification. Pourtant, ceux-ci peuvent « aider à l’identification stratégique des sites idoines pour l’implantation de SNCRR », estime le groupe de travail, qui préconise d’intégrer la mobilisation des EPF sur ce sujet dans le cadre de la révision de leurs programmes pluriannuels d’intervention et de mobiliser la connaissance foncière des Safer et leur expertise en termes de prospection foncière, tout en faisant mieux connaître ceux-ci auprès de potentiels porteurs de projets.

Le partage des retours d’expérience, des méthodes et des outils mobilisés pour la maîtrise foncière (sans nécessairement passer par une acquisition) est également un levier, selon le groupe de travail, pour éclairer les potentiels porteurs de projets.

Clarifier le cadre législatif et réglementaire

Enfin, il reste, pour permettre le déploiement des SNCRR, à lever « des difficultés d’interprétation » quant au cadre législatif et réglementaire aujourd’hui applicable, notamment en ce qui concerne la notion d’additionnalité, la fiscalité ou le devenir d’un site au-delà de l’agrément. Sur ce premier point, « les règles édictées en la matière s’avèr[e]nt trop générales par rapport à la complexité des cas réels à traiter », estime le groupe de travail, qui renvoie aux travaux d’un nouveau groupe piloté par le CGDD sur les méthodes et doctrines dans le cadre du copil ERC.

Sur le plan fiscal, il propose des adaptations, comme la création d’un régime d’imposition de l’indemnité associée à l’obligation réelle environnementale (ORE), d’un amortissement foncier ou l’exonération systématique de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les espaces bénéficiant d’une telle obligation. Mais, sur le régime d’indemnisation, les acteurs renvoient au rescrit fiscal déposé par CDC biodiversité. « Lorsque ce rescrit aura été traité, le groupe de travail recommande d’organiser une réflexion globale sur la fiscalité dans le cadre des mesures de compensation en général et en articulation avec les réflexions en cours sur la sobriété foncière », écrit-il dans ses conclusions.

Incertitudes sur le devenir du site

Le groupe de travail préconise également de préciser les dispositions réglementaires quant au devenir d’un SNCRR après la fin de l’agrément : aujourd’hui, celles-ci prévoient un objectif général de « maintien en bon état écologique » du site, ce qui ne permet pas aux opérateurs de disposer d’une « vision claire des possibilités de valorisation du foncier […] réellement envisageables à cette étape (moyens pour maintenir le gain écologique, renouvellement du dispositif de maîtrise foncière comme une ORE…) ». Une incertitude qui « peut être un frein aux initiatives d’opérateurs potentiels de SNCRR ». Cette question doit être « clarifi[ée] dès la phase d’instruction du dossier d’agrément », estiment les auteurs.

Les membres du groupe de travail suggèrent ainsi « la création ou mobilisation d’un statut juridique pour l’ensemble des fonciers et compensatoires de type servitude environnementale (valant servitude d’utilité publique) ou la possibilité de faire référence à certaines garanties foncières ou réglementaires mentionnées dans le décret n° 2022-527 du 12 avril 2022 (zones de protection forte) sous réserve qu’elles soient applicables sur du long terme » et « pleinement effectives » en en faisant « une condition d’octroi de l’agrément ».

Crédits biodiversité

Le groupe sur le modèle économique et les garanties des crédits biodiversité s’est, quant à lui, attaché à « expliciter les garanties que présentent les crédits biodiversité issus des SNCRR pour leurs acquéreurs et identifier si les acheteurs potentiels estiment qu’il y a des insuffisances dans ces garanties qui seraient des freins sur la demande », explique le ministère. Il a ainsi abordé les « risques pris sur l’équilibre économique de leur projet et les leviers pour lever ces freins ».

Parmi les recommandations avancées, il propose de « clarifier, si possible, en fonction de la typologie des SNCRR visés, les attentes en termes de méthodologies d’évaluation des gains écologiques » tout en « rédui[sant] l’écart d’exigence constaté entre la compensation par l’offre et celle par la demande dans les dossiers de demandes d’autorisation environnementale ». Un sujet qu’il renvoie, lui aussi, au groupe de travail mis en place dans le cadre du copil ERC sur les méthodes et les doctrines.

Il suggère également la création d’un outil numérique recensant l’ensemble des sites existants ainsi que l’enregistrement des unités de compensation, de restauration et de renaturation pour « permettre une visibilité de l’offre existante pour des potentiels acquéreurs d'[unités] et leur traçabilité ».

Une expérimentation sur les zones humides

Le ministère indique, par ailleurs, mener actuellement, avec le soutien de la Commission européenne, « une expérimentation de futurs certificats biodiversité en faveur des zones humides. Cette initiative vise à tester un modèle de rémunération des engagements volontaires de restauration ou de préservation pris par les agriculteurs ou d’autres gestionnaires d’espaces naturels ».

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