Premier bâtiment français chauffé et rafraîchi à l’aide d’une dalle active préfabriquée, le laboratoire de recherche et développement mis en service en juin dernier à Mulhouse par Rector Lesage anticipe une offre industrielle qui n’entrera pas sur le marché avant 2015. « Très sollicités pour ces thermoprédalles actives, nous avons besoin d’un peu de temps pour nous préparer à rentrer dans le monde du chauffage », commente Pierre Laplante, directeur général, depuis 2010, du groupe familial de 180 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 800 salariés.

Les plafonds rayonnants préfabriqués nécessiteront d’adapter le process industriel par carrousel, introduit en France par Rector Lesage sur son usine de Vendenheim (banlieue de Strasbourg) au début des années 2000, et dupliqué depuis lors dans plusieurs de ses 14 sites. L’introduction des canalisations climatiques dans les prédalles nécessitera un délestage, puis un rechargement des carrousels.
Retour au métier de base
Ce produit du futur illustre la stratégie qui a conduit à la mise en service du nouveau laboratoire, après deux millions d’euros d’investissement : « Pour la recherche relative à nos produits de base, nous nous sommes reposés jusqu’en 1993 sur l’entreprise Costamagna de Cagnes-sur-Mer, alors détentrice de la marque et des brevets Rector, qui protège les hourdis de liaison entre les poutrelles des planchers », rappelle Rémi Lesage, président du groupe. Après l’intégration de Costamagna et de tous les autres licenciés Rector, l’industriel mulhousien a concentré ses innovations des années 2000 sur les accessoires capables de réduire les ponts thermiques et d’alléger ses produits.
Le nouveau laboratoire ramène les 10 chercheurs mulhousiens vers le savoir-faire de base du fabricant de produits de construction en béton : la recherche sur les nouveaux matériaux se concentre dans le bâtiment neuf de 517 m2 de surface habitable ; dans une ancienne aire de stockage de l’usine attenante, un banc d’essai à l’échelle 1 offre un outil de développement « unique en France », selon Arnaud Schwartzentruber, directeur R & D.
En 2014, l’arrivée des thermoprémurs sur le marché constituera l’une des manifestations marquantes du retour de l’innovation au cœur de la préfabrication. En cours de demande d’avis technique, ce produit traduit une approche radicalement différente de celle des industriels concurrents, notamment les alsaciens Béton Fehr et Spurgin-Leonhart, qui ont amené le prémur en France : pour atteindre la basse consommation, ces derniers remplissent d’isolant l’espace compris entre les deux panneaux de béton qui constituent le prémur.
Grâce à l’articulation entre ces derniers et ses prédalles, Rector Lesage parvient à se conformer à la réglementation thermique 2012 en se contentant d’une planelle isolante, fixée à l’intérieur de la partie haute du prémur. La solution induit une économie de matériau, évite la question complexe des connecteurs entre panneaux, et préserve la liberté d’action des électriciens et des architectes, face aux percements tardifs demandés par les clients.
Le pari de l’isolation par l’intérieur
Par sa compatibilité avec l’isolation thermique par l’intérieur (ITI), cette solution s’inscrit dans un cheval de bataille majeur pour l’industriel. Conforme aux habitudes des maçons actifs dans l’habitat individuel qui représente 60 % de son marché, cette approche de la réglementation thermique permet d’en maîtriser les coûts sans rogner sur l’espace habitable : « Notre système Equatio, qui évite les murs porteurs grâce aux planchers sur vide sanitaire, permet de gagner 5 à 7 m2 sur une maison individuelle », souligne Maurice Ramstein, directeur marketing. La réponse de Rector aux obligations thermiques repose souvent sur l’assemblage de plusieurs produits, en application de la règle énoncée en ces termes par le directeur marketing : « Gagner chaque watt au meilleur prix ».
L’accompagnement des maçons vers la basse consommation énergétique et vers la prévention des incendies amène une autre innovation, plus commerciale que technique : Rector Lesage conditionne la trentaine d’accessoires nécessaires à la pose de ses produits dans des boîtes légères baptisées « Box Equatio » (pour les planchers bas), Box Equatio VS (poutrelles, entrevous, et planchers sur vide sanitaire), et bientôt Box Light Feu. L’industriel répond également aux évolutions du marché de la maison vers le métal et le bois : sous le nom de système d’infrastructure préfabriquée (Sip), les socles adaptés aux exigences de planéité se composent de semelles, longrines et plots, en phase de démarrage industriel sur les sites de Courcelles (région parisienne) et Tournefeuille (banlieue de Toulouse). Cette innovation a contribué au prix 2012 de l’Union des maisons françaises, attribué à Maison France Confort.
Tout en l’aidant à tenir sa position de leader sur le marché de l’habitat individuel, les innovations de l’industriel mulhousien répondent à une stratégie de conquête de parts de marchés en habitat collectif et construction non résidentielle. Dans cette bataille, Rector Lesage considère ses concurrents immédiats comme des alliés, face aux tenants du béton coulé en place.