La Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE) a les pieds dans l'eau et la tête dans les nuages. Pour superviser au mieux son gigantesque chantier qui s'étend sur 107 km, elle s'appuie sur des images satellitaires boostées à l'intelligence artificielle. Elle peut ainsi suivre la progression des travaux, le déplacement des terres excavées, les effets des mesures de compensation environnementales, et elle aura dans l'avenir une vision globale de l'évolution du projet.
Le directeur des terrassements et de l'innovation de la SCSNE, Franck Rousseau, se montre très satisfait de cette expérimentation menée depuis avril 2022 en partenariat avec le CNES, Airbus et la start-up Disaitek qui traite les images venues de l'espace (1). « Pour mesurer l'avancement des ouvrages, nous avons transcrit un modèle 3D de tout ce qui doit être construit, à partir des plans des bureaux d'études. Nous comparons ensuite avec ce qui est réalisé grâce à des images stéréo fournies par les satellites », résume Anthony Graveline, président fondateur de Disaitek. La jeune pousse a signé, en avril 2023, un contrat de trois ans avec le CSNE, dont le montant n'a pas été divulgué.
Traçabilité des terres excavées. Les images permettent aussi d'assurer la traçabilité des terres excavées, qui sont ensuite réutilisées sur l'emprise du chantier pour divers travaux. « Sur dix ans, 77 millions de m³ doivent être déplacés [9 millions pour le secteur 1 dont l'autorisation a été délivrée en 2021, et 68 millions pour les secteurs 2, 3 et 4, NDLR]. Pour éliminer certains biais, comme un changement d'aspect des terrains en raison de cultures qui poussent rapidement, nous avons rajouté de l'IA », indique Antony Graveline. Grâce aux photos, il est aussi possible de suivre l'évolution des couverts forestiers ou de plantations réalisées dans le cadre des compensations environnementales.
Pour la SCSNE, l'intérêt majeur réside dans l'obtention de données dans un temps relativement court et à un coût peu élevé. « Les délais brefs et les fonctionnalités multiples constituent de grands avantages. En outre, cette solution complète celles présentes de terrain. Pour l'instant, la fréquence d'images est à peu près mensuelle, mais en fonction de l'activité des travaux, nous pourrions passer à une acquisition bimensuelle », projette Franck Rousseau. Il ajoute que les perspectives d'évolution sont importantes.
« Par exemple, on peut imaginer entraîner l'IA pour vérifier que les ouvrages ne se déforment pas de façon problématique, prévoit-il. Nous pourrions également nous associer avec d'autres gestionnaires d'ouvrages hydrauliques comme EDF ou VNF pour développer cette solution. »
(1) Les images sont fournies par la plateforme Dinamis (dispositif institutionnel national d'accès mutualisé), via un partenariat qui permet de les obtenir à un prix avantageux.