Commande publique : les mesures du projet de loi sur l’industrie verte adoptées par le Sénat

Les sénateurs ont adopté jeudi 22 juin le projet de loi relatif à l’industrie verte. Tour d’horizon de son volet commande publique, alors que les discussions sur le texte se poursuivent cette semaine à l’Assemblée nationale.

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A l’issue de trois jours de discussions, le projet de loi sur l’industrie verte a été adopté par le Sénat le 22 juin. Aux côtés des mesures relatives à l’implantation industrielle et à la réhabilitation des friches, le texte comprend un titre consacré aux enjeux environnementaux de la commande publique.

Celui-ci a été légèrement remanié par les sénateurs. En particulier, n’a pas été retenu l’article proposant d’introduire un nouveau motif d’exclusion des procédures de passation des contrats de la commande publique pour les entreprises qui ne satisfont pas à leur obligation d’établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (Beges) conformément à l’article L .229-25 du Code de l’environnement.

L’extension du champ du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) est, quant à elle, confortée, le Sénat allant même plus loin que le projet initial sur ce sujet.

Pas d'exclusion mais des sanctions financières

Le nouveau motif d’exclusion de la passation des contrats de la commande publique ne figure plus dans le texte adopté par les sénateurs. Le gouvernement souhaitait permettre aux acheteurs d’exclure de la procédure de passation les candidats soumis à l’obligation d’établir un Beges qui ne s’y seraient pas conformés pour l’année précédant celle de lancement de la procédure. Cette faculté d’exclusion était laissée à l'appréciation du pouvoir adjudicateur ou de l’autorité concédante. Bien que les sénateurs aient souligné en commission des affaires économiques la nécessité de faire mieux appliquer la réalisation d’un Beges, ils ont émis des réserves sur l’efficacité d’une mesure d’exclusion de la commande publique pour y parvenir. Un relèvement des sanctions financières applicables en cas de manquement à l’article L. 229-25 du Code de l’environnement a été privilégié, celles-ci passant de 10 000 € à 50 000 € et, en cas de récidive, de 20 000 € à 100 000 €.

Les sénateurs ont également rejeté l’amendement du groupe écologiste - Solidarités et territoires visant à rendre obligatoire le motif d’exclusion en cas de manquement à l’obligation d’établir un plan de vigilance. Ce cas d’exclusion, figurant aux articles  L. 2141-7-1 (marchés publics) et L. 3123-7-1 (concessions) du Code de la commande publique (CCP), est aujourd’hui facultatif.

L’article 12 du projet de loi a en revanche été approuvé. Celui-ci prévoit une habilitation à prendre par ordonnance, dans les trois mois à compter de la promulgation de la future loi, une nouvelle interdiction de soumissionner aux contrats publics, laissée à l’appréciation des acheteurs ou autorités concédantes. Elle sanctionnera les entreprises ne satisfaisant pas aux obligations de la directive européenne n° 2022/2464 du 14 décembre 2022 dite « CSRD », concernant la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.

Le Spaser étendu

Les sénateurs ont adopté la mesure visant à étendre le champ du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser). L’article 13 du texte prévoit que l’obligation d’adopter un Spaser soit élargie à tous les acheteurs soumis au CCP dont le montant total annuel des achats est supérieur au montant fixé par décret – aujourd’hui fixé à 50 millions d’euros H.T. Actuellement, seuls sont concernés par cette obligation les collectivités territoriales et les acheteurs soumis au CCP dotés d’un statut législatif (SNCF, La Poste par exemple) dans les conditions de seuil précitées. Pour mémoire, le Spaser détermine par le biais d’indicateurs précis des objectifs de politique d’achat comportant des éléments à caractère social et à caractère écologique.

La mesure prévoyant la mise en commun par plusieurs acheteurs des objectifs d’achat au sein d’un Spaser élaboré conjointement est également retenue par le Sénat. Cette mise en commun est en outre étendue par les sénateurs ; elle peut intégrer des acheteurs dont le montant total annuel des achats est inférieur au seuil réglementaire.

Anticiper la prise en compte obligatoire des critères environnementaux

Le Sénat valide l’anticipation, prévue par le gouvernement, de la mise en œuvre de la loi Climat et résilience quant à l’obligation de prendre en compte un critère environnemental pour l’attribution des marchés publics. Cela passe par une modification de l'article 35 de la loi Climat et résilience qui dispose que cette obligation devra entrer en vigueur au plus tard le 1er août 2026. Son entrée en vigueur pourrait être fixée de manière différenciée selon l’objet du marché, afin de permettre d’anticiper l’échéance de 2026 selon les secteurs. Ces derniers mois, la loi EnR du 10 mars 2023 avait déjà avancé l’échéance au 1er janvier 2024 pour l’attribution des marchés portant sur l’implantation ou sur l’exploitation d’installations de production ou de stockage d’énergies renouvelables.

Toilettage de l'offre économiquement la plus avantageuse

Quant à la nouvelle rédaction de l’article L.2152-7 du CCP – définissant la notion d’offre économiquement la plus avantageuse - proposée par le gouvernement, le Sénat l’a remaniée afin de la « clarifier en s’inspirant des termes de la partie réglementaire du CCP ». En ce sens, les sénateurs ne suivent pas l’avis du Conseil d’Etat, défavorable à une réécriture de cet article du code qui sera en tout état de cause modifié à nouveau lors de l'entrée en vigueur de l'article 35 de la loi Climat et résilience.

Ainsi, le texte retenu prévoit tout d'abord que « le marché est attribué au soumissionnaire [...] qui [a] présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base du critère du prix ou du coût ». A noter que la partie réglementaire du CCP (art. R. 2152-7) précise bien actuellement que le critère unique d'attribution « peut être le prix, à condition que le marché ait pour seul objet l'achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d'un opérateur économique à l'autre ; le coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie ».

Le texte voté par le Sénat énonce ensuite que cette offre économiquement la plus avantageuse peut également être appréciée « sur le fondement d’une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux ». Le Sénat introduit dans la même logique une modification de l’article L. 3123-7-1 du CCP relatif aux contrats de concession. Il prévoit de préciser que les critères à prendre en compte pour apprécier l’offre peuvent être environnementaux, sociaux ou relatifs à l’innovation.

Le Sénat ne relève pas le seuil pour les marchés relatifs à l'innovation

Quelques amendements avaient particulièrement attiré l’attention et suscité quelques réactions lors de leur dépôt. Les propositions visant à rehausser le plafond de dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence à 300 000 euros pour les marchés publics portant sur des travaux, fournitures ou services innovants ; et à permettre que les variantes soient autorisées par principe en procédure formalisée (aujourd’hui les variantes sont interdites, sauf mention contraire), n’ont pas été retenues par les sénateurs. 

Autre rejet, celui de l’amendement poussé par France Urbaine et l’Institut national de l’Economie circulaire (Inec) visant à ce qu’un décret intervienne pour préciser les conditions dans lesquelles l’acheteur peut imposer que les moyens utilisés pour l’exécution d’un marché public soient localisés sur le territoire des Etats membres de l’Union européenne conformément à l’article L. 2112-4 du CCP.

 

De nouvelles mesures en faveur du développement des énergies renouvelables

Le gouvernement a déposé plusieurs amendements additionnels, tous adoptés par le Sénat. Les mesures retenues viennent assouplir certaines dispositions du Code de la commande publique relatives aux marchés publics en faveur des seules entités adjudicatrices, c’est-à-dire les acheteurs agissant en tant qu’opérateur de réseaux (énergie, transports, eau...). Ainsi, une exception générale au principe d’allotissement des marchés est créée. Si la dévolution en lots séparés risque de conduire à une procédure infructueuse, les entités adjudicatrices pourraient décider de ne pas allotir un marché.

Celles-ci pourraient également déroger à la durée maximale des accords-cadres fixée à l’article L. 2125-1 du CCP en cas de risque important de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse. Enfin, les soumissionnaires pourraient être autorisés par les entités adjudicatrices à présenter des offres variables en fonction du nombre de lots susceptibles d’être obtenus. Ces mesures ont pour objectif d’accélérer la production, la distribution et l’utilisation des énergies nouvelles renouvelables ; les contraintes liées à l’allotissement et à la durée des accords-cadres pouvant, estime le gouvernement, constituer des freins pour les entreprises du secteur.

L’examen du projet de loi Industrie verte continue désormais à l’Assemblée nationale. Une commission spéciale composée de 70 députés examinera le texte les 4 et 5 juillet. Les débats en séance publique sont eux programmés du 12 au 20 juillet.

Projet de loi relatif à l'industrie verte n°1443, adopté par le Sénat

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