Jurisprudence

Comment acheminer sa candidature et son offre ?

Marchés publics -

Les entreprises qui souhaitent participer à un marché public doivent faire parvenir à la personne publique leur candidature et leur offre. Remise en mains propres, acheminement postal et remise électronique des documents sont les moyens pouvant être utilisés. La réglementation et la jurisprudence ont évolué pour tenir compte des nouveaux moyens de communication, tout en préservant les principes d’égalité de traitement et de transparence des procédures.

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Marchés publics

En procédure formalisée, le Code des marchés publics dispose expressément que « seuls peuvent être ouverts les plis qui ont été reçus au plus tard à la date et à l’heure limites ». Pour les appels d’offres ouverts, par exemple, cela est prévu par l’article 58-I alinéa 2 du Code. Si aucune obligation similaire n’est fixée par l’article 28 régissant les procédures adaptées, le principe d’égalité de traitement des candidats conduit à appliquer la même solution à l’ensemble des procédures indépendamment du montant du marché (). Le principe est donc posé : seules peuvent être examinées les candidatures et offres reçues au plus tard avant les date et heure limites indiquées dans la publicité et/ou le règlement de la consultation. Pour satisfaire à cette condition, le Code des marchés publics impose aux candidats de transmettre leur pli par un « moyen permettant de déterminer de façon certaine la date et l’heure de leur réception ». L’article 57-V du Code, notamment, le prévoit pour les appels d’offres ouverts. Les candidats pourront choisir entre une remise sur place contre récépissé, un envoi postal, ou une transmission par voie dématérialisée.

La remise en mains propres

Sauf disposition contraire du dossier de consultation des entreprises, les candidats sont autorisés à déposer leur pli sur place à l’adresse indiquée par le pouvoir adjudicateur. Cette solution présente d’abord l’avantage de supprimer les intermédiaires, et donc de réduire le risque d’un incident d’acheminement (grève, retard). Ensuite, en éliminant les délais postaux, elle permet de profiter au mieux du délai accordé aux candidats pour élaborer leur offre. Enfin, sous réserve d’une distance raisonnable, elle se révèle bien souvent une solution économique. Pour ces différentes raisons, le dépôt sur place sera à privilégier chaque fois que possible, c’est-à-dire dès lors que l’éloignement géographique ne constituera pas un obstacle majeur. Lors du dépôt, un récépissé sera spontanément remis au porteur du pli. A défaut, l’entreprise doit le réclamer et le conserver précieusement car en cas de litige, il attestera de la réalité du dépôt du pli.

L’acheminement postal

Le Code des marchés publics impose de pouvoir déterminer une « date certaine » de réception. Le courrier simple se trouve donc exclu des modes d’acheminement possibles.

En revanche, d’autres outils proposés par La Poste répondent à cette exigence du Code. C’est le cas du courrier recommandé et de l’envoi Chronopost. L’envoi recommandé présente divers avantages (un coût raisonnable, un suivi en temps réel, un accusé de réception), mais l’inconvénient d’un délai d’acheminement incertain et donc le risque de parvenir hors délai. L’envoi Chronopost offre l’avantage de la rapidité. On peut opter pour une livraison avec signature le lendemain avant 9 h, 10 h ou 13 h. Cependant, si le pli parvient hors délai au pouvoir adjudicateur en raison d’une défaillance du service postal, cela ne justifiera pas son acceptation. Sauf si le dysfonctionnement présente les caractères de la force majeure : imprévisibilité, irrésistibilité et extériorité aux parties. Ainsi, il a été considéré qu’ « une grève postale de courte durée ne constitue pas un événement de force majeure susceptible d’imposer que la collectivité prolonge le délai de réception des offres » (rép. min. question n° 13215). En outre, les conditions générales applicables aux envois recommandés et aux Chronopost excluent l’acheminement des « réponses à appels d’offres » (1). En revanche, du côté des sociétés spécialisées en messagerie expresse telles que DHL ou UPS, aucune exclusion n’est prévue. Interrogées sur ce point, les deux enseignes déclarent accepter sans réserve les plis adressés en réponse aux marchés publics. Toutefois, en cas de retard, les conditions générales de ces prestataires prévoient au mieux une indemnisation limitée (2), voire aucune indemnisation (3).

Le pli électroniqueUne réglementation incitative

Les plis électroniques ont fait leur entrée dans le Code des marchés publics en 2001 et n’ont cessé d’être encouragés par la réglementation. Depuis 2005, les acheteurs sont tenus d’accepter les plis dématérialisés pour toute procédure formalisée et, depuis 2012, pour tous les achats d’un montant supérieur à 90 000 euros HT. La réponse par voie électronique est même devenue, en 2010, une obligation pour les achats de fournitures de matériels et services informatiques de plus de 90 000 euros HT, ainsi que pour toutes les consultations pour lesquelles l’acheteur aura fait le choix de l’imposer.

Un procédé fiable et rapide

La réponse dématérialisée présente de multiples avantages pour les entreprises. Rapide, elle permet d’utiliser pleinement le délai d’étude accordé aux candidats. Economique, elle ne coûte que le prix d’acquisition d’un certificat de signature électronique et permet de réaliser des gains importants sur les frais postaux, de papier ou de consommables. Jusqu’au 1octobre, il convient d’utiliser l’un des certificats figurant sur la liste consultable sur www.industrie.gouv.fr/tic/certificats/. Au-delà de cette date, tout certificat conforme au référentiel général de sécurité, ou à des conditions de sécurité équivalentes, sera accepté, conformément à l’arrêté du 15 juin 2012 relatif à la signature électronique dans les marchés publics.

La dématérialisation est également une solution efficace contre les incidents d’acheminement. De nombreuses actions ont été entreprises pour sécuriser ce mode de transmission : possibilité de doubler le pli électronique d’une copie de sauvegarde (), publication du guide de la dématérialisation des marchés publics par la Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy (mis à jour le 17 octobre 2010), mise à disposition de fiches pratiques sur le site de la DAJ (4), participation de la France au projet européen Peppol (Pan-European Public Procurement Online) qui vise à faciliter l’interopérabilité entre les systèmes nationaux de marchés publics par voie dématérialisée.

Des précautions nécessaires

Quelques précautions s’imposent pour adopter la réponse électronique. Tout d’abord, il faut avoir le réflexe de regrouper et de nommer les documents conformément aux dispositions du règlement de la consultation (, « Commune du Lamentin »).

Ensuite, il faut penser à signer électroniquement chaque pièce demandée. Le tribunal administratif (TA) de Toulouse a jugé que « si la société […] a signé électroniquement les fichiers « zip » par lesquels elle a transmis les documents relatifs à sa candidature et son offre […], cette signature ne peut pallier l’absence de signature électronique des documents figurant dans ces fichiers » (TA Toulouse, 9 mars 2011, n° 1100792, « Société MC2I/CNRS »). Enfin, si le candidat rencontre des difficultés pour remettre son pli, il ne doit pas hésiter à solliciter l’assistance téléphonique de la plate-forme de dématérialisation, car il pourrait lui être reproché de ne pas l’avoir fait. Le tribunal administratif de Nancy a, en effet, jugé qu’ « à supposer que la SA EGT aurait rencontré des difficultés pour le chiffrage de son offre […], il est constant qu’elle n’a pas fait appel à l’assistance hotline pour résoudre cette hypothétique difficulté » (TA Nancy, 20 janvier 2011, n° 1100005, « SA EGT »).

Une démarche encore largement fondée sur le volontariat des entreprises

A ce jour, le « pli papier » reste très largement préféré des entreprises, bien loin devant les plis dématérialisés. En 2010, seuls 5 % des marchés publics comptaient au moins une offre dématérialisée (5). Pour expliquer ce phénomène, les entreprises invoquent majoritairement la complexité et l’hétérogénéité des plates-formes de dématérialisation - on en dénombre en effet une trentaine - et la complexité de la procédure d’acquisition du certificat électronique (6). Cependant, dans un contexte de recherches croissantes d’économies, le pli électronique semble devenir incontournable. La Commission européenne souhaite d’ailleurs faire « de la passation électronique la règle » à l’horizon 2016. En France, aucune mesure d’ensemble n’est à ce jour attendue. Cependant, des initiatives similaires ont déjà émergé. C’est notamment le cas de l’Union des groupements d’achat public (Ugap), qui a annoncé qu’elle obligerait, en 2014, les entreprises à répondre par voie électronique pour toutes les consultations.

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