Connaître les référés précontractuels et contractuels

Contentieux de la commande publique (2/4) -

Difficile pour une entreprise de se repérer dans le maquis des règles applicables au contentieux de la commande publique ! En quatre fiches pratiques, « Le Moniteur » vous propose un décryptage accessible des dispositions à connaître. Dans cette deuxième fiche, sont présentées les voies de recours les plus efficaces que peut utiliser un candidat évincé contre un contrat public : les référés précontractuels et contractuels.

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Les recours au fond ne permettent que rarement la remise en cause des contrats et impliquent une procédure contentieuse particulièrement longue. En revanche, les procédures d’urgence que sont les référés précontractuels et contractuels corrigent de manière rapide et efficace des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Mais cette voie reste étroite.

Quel est le juge compétent en matière de référé précontractuel ou contractuel ?

Il s’agit du président du tribunal ou d’un magistrat délégué, soit du tribunal administratif pour les contrats administratifs, soit de l’un des tribunaux de grande instance spécialisés pour les contrats de droit privé. Les référés pour les contrats administratifs ou privés suivent un régime très proche.

Quels contrats sont susceptibles de faire l’objet d’un référé précontractuel ou contractuel ?

Ces deux référés ont le même champ d’application matériel. Sont concernés tous les contrats administratifs ou de droit privé ayant pour objet « l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation » ou la délégation d’un service public (DSP). Cette définition large permet d’inclure tous les partenariats public-privé.

Le référé précontractuel

Qui peut saisir le juge du référé précontractuel ?

Ce recours peut être exercé par toute personne qui a un intérêt à conclure le contrat, c’est-à-dire les candidats évincés et toute personne qui a été empêchée de déposer une offre. Cependant, depuis la jurisprudence « Smirgeomes », pour que le requérant ait un intérêt à agir, encore faut-il que les manquements invoqués soient susceptibles, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, de l’avoir lésé ou de risquer de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise. Cette jurisprudence est appliquée par le juge administratif et par le juge judiciaire.

Pour déterminer si le manquement a été de nature à léser le requérant, le juge recherche si celui-ci a pu empêcher l’entreprise de répondre correctement ou si le classement final des offres aurait pu être différent si ce manquement n’avait pas été commis. Le magistrat n’a pas à vérifier si le manquement a été susceptible de léser davantage le requérant que d’autres candidats. Une candidature irrégulièrement retenue ne peut léser un concurrent si sa propre candidature n’est elle-même pas recevable ou son offre non conforme. A noter que le candidat attributaire ne peut saisir le juge du référé précontractuel pour obtenir l’annulation de la procédure de passation.

Quels sont les délais pour exercer ce référé ?

Le référé précontractuel doit être engagé avant la signature du contrat sous peine d’irrecevabilité. Si la signature intervient en cours d’instance, le juge prononcera un non-lieu à statuer.

Pour les marchés donnant lieu à notification obligatoire du rejet de la candidature ou de l’offre, il est prévu, pour permettre l’introduction du référé précontractuel, un délai dit de standstill, pendant lequel l’organisme adjudicateur ne peut signer le contrat. Ce délai est de 16 jours (calendaires) minimum à compter de l’envoi de la notification ou de 11 jours minimum en cas de notification par voie électronique. La télécopie est assimilée à un envoi électronique. L’absence d’une obligation de suspension de signature pour les contrats non soumis à notification obligatoire tels que les marchés publics à procédure adaptée (Mapa) ou les DSP fait encore débat. La signature est désormais suspendue automatiquement à compter de la saisine du tribunal et jusqu’à notification à l’organisme adjudicateur de la décision du juge.

Quels moyens sont susceptibles d’être invoqués devant le juge du référé précontractuel ?

Les moyens qui peuvent être invoqués sont ceux tirés de manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Si le juge peut être amené à vérifier les motifs qui ont conduit à exclure ou à retenir une offre, il ne peut pas contrôler les appréciations qui ont été portées sur les offres. Toutefois, le juge peut vérifier certains aspects de la notation. Sur la décision de ne pas rejeter une offre anormalement basse, il exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

Parmi les moyens de droit qui ont déjà pu être retenus figurent notamment : l’attribution du marché à un candidat qui n’avait pas respecté une des prescriptions du règlement de consultation ; une contradiction dans les documents de la consultation ; la communication aux candidats d’informations erronées alors que le candidat sortant était détenteur des bonnes informations…

Quels pouvoirs a le juge du référé précontractuel ?

Ce juge statue, en principe, en 20 jours.

A un pouvoir adjudicateur, il peut soit enjoindre de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, soit annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses irrégulières ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations.

A une entité adjudicatrice, le juge peut ordonner de se conformer à ses obligations dans un délai, lui enjoindre de suspendre l’exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat, voire prononcer une astreinte provisoire courant à l’expiration des délais impartis (et qui peut devenir définitive si le manquement n’est pas corrigé). Mais il ne peut annuler la procédure.

Le juge n’est pas lié par les conclusions de la requête et peut choisir librement parmi les pouvoirs mis à sa disposition par les textes. Mais il est tenu de proportionner la mesure prononcée au manquement commis de telle sorte qu’il ne peut annuler une procédure de passation qu’au stade pertinent, par exemple lors de la remise des offres si l’illégalité est liée à la mise en œuvre des critères de choix de l’offre, par ailleurs légaux. Les textes imposent au juge du référé précontractuel de vérifier que des considérations d’intérêt général ne s’opposent pas au prononcé d’une mesure provisoire, mais ils ne l’autorisent pas, semble-t-il, à tenir compte de telles considérations avant de prononcer une annulation.

Le référé contractuel

Qui peut saisir le juge du référé contractuel ?

Ce référé est ouvert aux mêmes personnes que le référé précontractuel, à condition qu’elles n’aient pas été en mesure d’introduire un référé précontractuel.

En pratique, dès lors qu’une procédure de mise en concurrence a été réalisée, avec un avis au « Journal officiel de l’Union européenne » (JOUE) quand les textes l’exigent, et que l’acheteur public a respecté le délai de standstill prévu pour le référé précontractuel, aucun référé contractuel ne peut avoir de chances de succès. De même, ne peut exercer de référé contractuel le candidat évincé qui, ayant antérieurement exercé un référé précontractuel, a omis d’en avertir la personne publique qui a signé le contrat, sauf si cette information a été communiquée à l’acheteur public par le greffe du tribunal. En revanche, ce référé peut être exercé, après la signature du contrat, dès lors que l’acheteur public n’a pas, dans le courrier de rejet, mentionné le délai de standstill ou les motifs du rejet de l’offre.

Quels délais pour exercer un référé contractuel ?

Si un avis d’attribution est publié au JOUE, le délai de recours est de 31 jours après cette publication. Sinon, il est de six mois à compter du lendemain du jour de la conclusion du contrat.

Quels moyens sont susceptibles d’être invoqués devant le juge du référé contractuel ?

Ce référé vise à sanctionner les irrégularités les plus graves. Les manquements invocables sont donc, comme les sanctions auxquelles ils peuvent donner lieu, limitativement définis par les textes et varient selon que le contrat a été ou non conclu au terme d’une procédure formalisée. En substance, peuvent être invoqués : l’absence totale de publicité ou de publication au JOUE si celle-ci est obligatoire, la violation du délai de standstill, celle de la suspension de la signature du contrat liée à l’exercice d’un référé précontractuel et la méconnaissance des modalités de remise en concurrence pour les contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d’acquisition dynamique.

Quels pouvoirs a le juge du référé contractuel ?

Le juge statue, en principe, dans un délai d’un mois. Il peut ordonner la suspension de l’exécution du contrat dans l’attente de la décision au fond. Il peut prononcer la nullité du contrat, décider d’y mettre fin au jour où il statue, réduire sa durée ou encore prononcer des pénalités financières, par exemple en cas de violation du délai de standstill, ces sanctions étant exclusives les unes des autres.

La semaine prochaine : Les recours au fond devant le juge administratif

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