Enquête

Contrôle des opérations CEE (1/3) : des bureaux hors de contrôle ?

Lorsque les fraudes se multiplient, une seule solution : contrôler. Encore faut-il que les contrôles soient à la hauteur ! L’examen attentif de la liste des bureaux de contrôle accrédités par le Cofrac pour les opérations CEE fait apparaître une très grande diversité, et pas mal de conflits d’intérêt potentiels.

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Bureaux hors contrôle
Bureaux hors contrôle

Suite à notre enquête sur les escrocs à la rénovation énergétique, nous nous sommes intéressés aux contrôles, en particulier autour des certificats d'économie d'énergie. En matière de CEE, la réglementation précise que ces contrôles sont à la charge des demandeurs de CEE. Autrement dit, les obligés (distributeurs d’énergie) et délégataires organisent eux-mêmes le contrôle des chantiers qu’ils financent. Ces opérations incombent à des bureaux de contrôle accrédités par le Cofrac, qui publie sur son site la liste des structures. Premier constat, 23 sur les 51 (la liste contient 52 structures, mais l’une d’entre elles est radiée du registre du commerce et des sociétés) ont été créées entre 2019 et 2022.  « Lorsque les contrôles se sont fortement développés, à partir de 2018, il y a eu un engorgement dans les bureaux de contrôle », raconte un acteur du marché des CEE.  Logiquement, un appel d’air s’est créé, ce marché en croissance appelant de nouveaux acteurs.

Profils très variés

Les profils de ces nouveaux entrants sont très variés. Certains acteurs venus du monde des études thermiques ont ainsi monté, de façon très légitime, une structure pour les contrôles CEE. Mais d’autres présentent un profil technique bien plus faible. Dans son document de référence pour l’accréditation CEE, le Cofrac précise que « l’organisme doit être capable de démontrer qu’il dispose de personnel (ex : responsable technique, référent technique…) disposant des compétences pour définir les méthodes et la formation nécessaires aux inspecteurs. »

Or, certains bureaux de contrôle accrédités (très minoritaires, précisons-le) présentent des sites rudimentaires, sur lesquels aucune équipe technique n’est mise en avant, hormis les fondateurs. Sur LinkedIn, pas davantage d’équipe à signaler. Pour deux d’entre eux, la mention « Effectif 2023 : 0 salarié » apparaît sur les sites d’information des entreprises, ces bureaux n’ayant pas de site Internet. Une balade sur Google Street View nous emmène pour l’un dans une barre d’immeubles d’habitation en banlieue parisienne, sans aucune présence d’entreprise apparente. Pour l’autre, l’expérience conduit à la façade d’un immeuble parisien, sans davantage d’indications sur la présence d’une entreprise. La domiciliation réserve des surprises, comme ce bureau de contrôle accrédité par le Cofrac, domicilié sur un boulevard parisien, à la même adresse qu’un magasin de scooter détenu par le même actionnaire. Le magasin occupe le rez-de-chaussée de l’immeuble, avec enseigne et produits en vitrine, mais rien n’indique la présence d’un bureau de contrôle – qui n’a d’ailleurs pas non plus de site Internet.

Une discrétion qui interroge, surtout quand certains de ces fondateurs ne sont pas issus du monde du bâtiment. Ce manque de compétence technique peut expliquer certaines dérives constatées sur le terrain. « Nous avons eu connaissance d’audits CEE réalisés par téléphone », témoigne Eric Jost, directeur général de Qualibat. Il faut dire que les contrôles CEE ne se monnaient pas bien cher, autour de 140 à 150 € pour les gros faiseurs qui arrivent à négocier les tarifs. Les bureaux de contrôle professionnalisés (la majorité d’entre eux) parviennent à gagner leur vie en industrialisant leurs méthodes. Mais ces tarifs peuvent amener certains, moins rigoureux, à trouver des expédients.

Soupçons de collusions et possibles conflits d’intérêt

Le mouvement de créations nombreuses de bureaux de contrôle accrédités a pu aussi ouvrir la voie à des pratiques douteuses. « Nous avons pu avoir ces dernières années des suspicions de collusion entre certains agents du Cofrac et des bureaux de contrôle candidats à l’accréditation », nous indique-t-on de source policière.

Autre point problématique, les liens d’intérêt. Sur les 51 de la liste du Cofrac, 14 d’entre eux, soit 27 %, présentent des liens d’intérêt soit avec des acteurs des CEE (mandataires, délégataires…), soit avec des entreprises de travaux. Sollicité à trois reprises, le Cofrac a finalement choisi de ne pas répondre à nos questions, ni sur ce point, ni sur l’ensemble des questions que nous soulevons.

Nous explorerons dans le prochain volet les liens précis de chaque bureau de contrôle concerné. A suivre !

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