Nous l’avons vu dans nos deux précédents épisodes, les bureaux de contrôle peuvent en toute légalité partager un actionnaire ou un dirigeant avec des entreprises de travaux ou des acteurs du monde des CEE. Le Cofrac précise que dans ce cas, le bureau de contrôle ne doit pas contrôler ces entreprises, mais émet dans le paragraphe d’après de son document une limitation à cette interdiction, ouvrant ainsi la voie à des situations de conflits d’intérêt.
Le décret 2022-1655 du 26 décembre 2022 semble apporter des réponses intéressantes. Ainsi, il précise que le contrat de cession de CEE devront à compter du 1er avril 2023 mentionner « les liens capitalistiques supérieurs ou égaux à 25 % entre la personne cédante, le premier détenteur, les organismes de contrôle intervenus dans le cadre de la production des certificats, et les professionnels intervenus dans le cadre de la réalisation des opérations ayant donné lieu à la délivrance des certificats. » Cette exigence de mention des liens constitue une reconnaissance implicite que de tels liens peuvent exister, alors que les textes ne l'autorisent pas, comme nous l’avons démontré dans notre épisode 2.
A côté du but
Ce texte marque donc une volonté gouvernementale louable de réguler les conflits d’intérêt potentiels des bureaux de contrôle. Il risque toutefois de passer à côté de son objectif. La publicité des liens pourrait certes suffire à attirer l’attention. Mais elle est aisément contournable. Imaginons deux mandataires CEE peu scrupuleux disposant chacun de son bureau de contrôle. Si ce dernier n’a plus le droit de contrôler les chantiers de son mandataire, il ira contrôler ceux de l’autre, à charge de revanche. Un tel tir croisé, qui n’étonnerait pas au regard des mécaniques que nous décrivons depuis plusieurs semaines, ne règlerait en rien la question des conflits d’intérêt.
La seule réponse valable à la situation que nous avons exposée dans cet épisode serait d’interdire tout lien capitalistique ou personnel, direct ou indirect, entre un bureau de contrôle accrédité pour les opérations CEE et le monde des CEE ou des travaux. La connivence resterait bien sûr possible, la fraude zéro n’existant pas. Mais elle n’aurait plus l’apparence de la légalité.