Covid-19 : ces (petits) chantiers qui continuent à avancer

Alors que l’immense majorité des chantiers du BTP est à l’arrêt, quelques petites entreprises, sur des petits chantiers ciblés, souvent pour des particuliers, continuent à travailler malgré les contraintes.

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Pose d’enduit le 9 avril 2020 dans un appartement au Havre par l’entreprise de maçonnerie Fouquet qui continue son activité sur de petits chantiers en mode isolé.

« J’ai de la chance, mes chantiers continuent à avancer et même plus vite qu’à l’accoutumée », constate l’architecte lillois François Molenda. Son secret : gérer des petits chantiers en sites inoccupés pour des particuliers ou de petites SCI, et se trouver dans des phases de travaux où une seule entreprise intervient à la fois. Sur ses trois chantiers différents en cours, il supervise un lot plâtrerie sur l’un, un lot menuiserie sur l’autre et un lot plomberie sur le dernier.

« Sur ces trois chantiers, les conditions pour travailler de façon sécurisée sont réunies. Maîtres d’ouvrage et entreprises étaient d’accord pour continuer. Les travaux ne se sont donc pas arrêtés et ils progressent même plus vite que d’habitude car les entreprises n’ont pas de problèmes d’embouteillages et elles sont uniquement concentrées sur ces quelques chantiers. Je me rends aussi sur place, tout en prenant les précautions de distance nécessaires », analyse François Molenda, conscient d’être dans une configuration très spécifique. Il ajoute que les entreprises font venir leurs salariés dans des véhicules séparés.

Personne n’est malade

Même son de cloche pour l’entreprise de menuiserie TS Diffusion (21 salariés) basée dans la banlieue lilloise, à Pérenchies (Nord). « Chez nous, à part quelques cas spécifiques, tout le monde a continué à travailler et personne n’est malade. Nous avons de la chance d’intervenir essentiellement pour des particuliers sur des maisons en cours de transformation, inoccupées à 90 %, et où nous sommes les premiers à arriver. Cela limite déjà considérablement les risques », se félicite Jean Streck, le gérant de l’entreprise.

Confiné sur leur chantier

Pour un gros chantier régional, mais assez éloigné, l’entreprise et les salariés ont même choisi, de concert, de louer une maison voisine, vide car en cours de réhabilitation, sur laquelle il devait changer de nombreuses huisseries. Cette location leur a permis de vivre « confiné » ensemble pendant les 15 jours du chantier. « Les sept poseurs sont restés ensemble. Ils allaient juste sur le chantier le matin et rentraient le soir dans la maison louée à proximité. Cela a grandement limité les risques par rapport à un hôtel. Un seul d’entre eux allait faire les courses et tout s’est bien organisé », explique Jean Streck.

Coté stocks, l’entreprise à l’habitude de prévoir des matériaux pour trois semaines de travail, ce qui lui a permis de continuer les projets entamés. « Depuis lundi, le miroitier qui nous fournit a rouvert nous sommes de nouveau livrés, nous n’aurons pas de rupture de stock. Nous fabriquons et posons en autarcie ce qui facilite beaucoup notre travail et le respect des consignes. L’atelier est par ailleurs spacieux ce qui permet aux salariés de continuer à œuvrer, chacun seul sur son poste de travail « Ils prennent leur déjeuner aussi séparément, chacun reste à son poste de travail », détaille Jean Streck.

Il ajoute avoir jusqu’ici trouvé de l’activité pour tout le monde, notamment en réalisant tous les petits chantiers en cours de type volet cassé, les occupants s’éclipsant durant deux heures pour aller faire leurs courses durant les petits travaux.

Atelier bien rangé

Jean Streck ajoute : « Nous avons aussi pu ranger entièrement l’atelier. Pour maintenir le travail, j’ai aussi accepté trois chantiers tertiaires, toujours en site inoccupé, type de chantier que je ne réalise pas d’habitude. Mais dans un mois et demi, je ne sais pas ce qui va remplir notre carnet de commandes car je ne fais plus de devis ou presque ».

Trouver le bon chantier

Même constat chez les autres rares entreprises qui continuent à travailler ou qui ont repris le chemin des chantiers : elles ont la chance d’avoir de petits chantiers pour des particuliers où elles peuvent intervenir seules et ainsi respecter plus facilement les consignes de sécurité, mais elles ne réalisent presque pas de nouveaux devis.

C’est le cas de l’entreprise de peinture Isabelle (12 salariés), basée à Octeville-sur-mer (Seine-Maritime) qui a repris une activité partielle depuis lundi. « Nous allons uniquement sur les quelques chantiers où nous travaillons en direct avec des particuliers, sans maîtrise d’œuvre. Les lieux doivent être inoccupés et bénéficier d’un point d’eau. C’est le cas à Etretat sur des résidences secondaires. Nous avons les équipements de protection de base nécessaires, notamment des masques, pour tenir 15 jours et les salariés font la route dans des véhicules séparés. Cela augmente les coûts mais permet de donner du travail à environ 40 % de l’effectif », constate Mickaël Beuzelin, le gérant de l’entreprise. Pour s’approvisionner il arrive à trouver quelques fournisseurs où il est possible venir charger en mode « drive ».

Non loin de là, au Havre (Seine-Martime), l’entreprise de maçonnerie Fouquet (huit salariés), qui continue aussi son activité tant bien que mal, à plus de difficulté à s’approvisionner : « Même si les fournisseurs sont ouverts ils n’ont plus de matériaux. De même il n’est plus possible de louer du matériel cela est très pénalisant », regrette Eric Bellenger gérant de l’entreprise.

30 % du chiffre d’affaires

Pour trouver de l’activité à ses salariés, il a misé sur un entretien poussé des entrepôts et des véhicules et aujourd’hui il jongle avec les chantiers en cours pour trouver les « perles rares », là où les salariés sont seuls et en équipe réduite. « C’est une vraie gymnastique, nous travaillons dans des caves, dans des résidences secondaires, etc. Ce ne sont que des petits chantiers et bientôt nous n’en aurons plus. Je ne fais travailler que ceux qui sont volontaires. Nous réalisons environ 30 % du chiffre d’affaires que nous devrions faire. Et si cela continue nous allons devoir passer au chômage partiel mais cela représentera une perte d’au moins 500 euros par mois par salarié ».

Prêt sur cinq ans

Pour faire face aux charges fixes, Eric Bellenger a réussi à obtenir de sa banque un prêt sur cinq ans qu’il a demandé il y a trois semaines. « Heureusement notre situation est saine. Ce sera plus dur pour les entreprises plus en difficulté. Quand l’activité redémarrera nous serons prêts à travailler sans avoir à gérer des problèmes de trésorerie. Car du travail il y en a », positive le gérant.

En dehors de ces entreprises qui ont de la chance de pouvoir intervenir sur de petits chantiers, souvent de rénovation en site inoccupé pour des particuliers, il existe une autre catégorie d’entreprises bien armées pour continuer. Il s’agit de celles habituées à travailler en milieu hostile : amiante, nucléaire, atmosphère explosive, hauteur, etc.

Spécialiste des interventions difficiles

C’est notamment le cas de du réseau Jade. Spécialiste des interventions difficiles, notamment en hauteur et sur chantier avec amiante, l’entreprise à tout de suite mis en place avec l’OPPBTP un plan de continuité de son activité très précis.

« Nous sommes équipés de masques et d’équipements hyperperformants, nous avons mis en place des mesures très rigoureuses pour limiter le risque au maximum », explique François-Yves Jolibois, créateur et gérant du réseau Jade.

Pour le bâtiment son activité est presque nulle mais l’entreprise continue toujours à travailler pour assurer la maintenance des industriels, notamment sur le secteur de l’énergie et de l’agroalimentaire. « Ils sont rassurés de savoir que l’on intervient. Pour avril nous allons travailler seulement à environ 50 ou 60 % de notre capacité. Nous en profitons pour prospecter de nouveaux clients, notamment sur l’éolien, et ça fonctionne ! Nous sommes actuellement sur un chantier d’éolien dans la région pour un nouveau client », positive François-Yves Jolibois, qui constate cependant une réduction des marges, déjà faibles, due aux précautions sanitaires supplémentaires et au renchérissement des coûts de déplacements et d’hébergement et de certains matériaux.

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Chantier de maintenance éolien à Boisbergues (Somme) Chantier de maintenance éolien à Boisbergues (Somme)

Chantier de maintenance éolien à Boisbergues (Somme) © Réseau Jade

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