La gestion de l'eau devrait sensiblement évoluer au cours des prochaines années. Sous l'impulsion de textes européens - notamment la directive eau potable de 1998 et la directive cadre sur l'eau d'octobre 2000 -, c'est désormais un cadre réglementaire nouveau qui se met en place. L'expression de ces directives se retrouvera dans deux textes français :
- le décret du ministère de la Santé relatif à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine ; ce texte est attendu pour la fin de l'année 2001 ;
- la future loi sur l'eau, présen- tée au Conseil des ministres du 27 juin, et dont l'entrée en application est prévue pour une période allant de 2003 à 2005.
LA QUALITE ET LA GESTION SOUS HAUTE SURVEILLANCE
Santé publique
Les aspects de santé publique seront principalement traités dans le projet de décret sur l'eau potable. Changement majeur par rapport au décret précédent : l'objectif affirmé est de protéger la santé du consommateur. Ce qui se traduit par une mesure des valeurs paramétriques au point de puisage, et non plus au point de livraison du réseau public. L'impact financier le plus conséquent sera celui lié à l'abattement des pollutions par métaux lourds, notamment le plomb, ainsi que la réduction des pesticides et pollutions diffuses. Ce texte va avoir un impact important pour les collectivités locales dotées d'équipements de potabilisation rustiques ou peu élaborés. Quant aux propriétaires d'immeubles, ils auront la charge d'assurer l'innocuité de leurs réseaux intérieurs.
En qui concerne la qualité des eaux brutes, c'est la future loi sur l'eau qui couvre ce sujet en suivant les termes de la directive cadre sur l'eau. Ce texte consacre l'organisation en bassins hydrauliques tels qu'ils existent depuis 1964. Mais les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) devront être redéfinis dans le but de préserver la ressource. D'autre part, la procédure de création des Sage (schéma d'aménagement et de gestion des eaux) des sous-bassins est allégée : la commission locale de l'eau peut être constituée dès la définition du périmètre du Sage par le préfet, ce qui lui permet de porter les études pour son approbation.
Respect de l'environnement
Cette démarche a pour but de préserver le bon état écologique et chimique de la ressource et d'inverser la tendance de la dégradation des captages d'eau potable. Elle se traduira par la généralisation de la protection des captages, point d'achoppement de la loi de 1964, et l'instauration de nouvelles servitudes à indemniser : champs d'inondation, berges, zones de déplacement naturel du lit mineur... Des mesures de prévention qui auront un impact direct sur la maîtrise du prix de l'eau. Le chapitre consacré aux cours d'eau traite aussi des servitudes à instaurer (interdiction de pratiques agricoles...).
Compétences communales
La loi sur l'eau clarifie et élargit la compétence des communes : elle leur confère le statut de service public industriel et commercial en matière de distribution d'eau et d'assainissement. En outre, celles-ci peuvent, sur la demande des propriétaires, assurer l'entretien, la remise en état ou la construction de systèmes d'assainissement non collectifs.
Transparence et information
Les relations avec les entreprises délégataires sont encadrées. Les contrats ne devraient plus excéder une durée de douze ans. Le programme de travaux sera annexé au contrat. Les sommes versées pour la réalisation de chantiers non effectués seront reversées en fin de contrat.
Pour informer les acteurs de l'eau (élus, associations, usagers, entreprises, services de l'Etat), la loi crée un Haut Conseil des services de l'eau et de l'assainissement. Composé de six membres nommés pour six ans, il doit permettre de rééquilibrer la disponibilité d'informations entre délégataires et collectivités ; il pourra notamment fournir des conseils sur les clauses contractuelles. Inversement, tous les services d'eau et d'assainissement devront lui adresser des informations sur leurs activités.
Facturation et impayés
L'exposé des motifs de la loi prend le parti d'une facturation proportionnelle à la consommation pour développer une gestion économe de l'eau. De fait, la facturation au forfait est abandonnée, et la loi avance comme mode principal de redevance le calcul proportionnel à la consommation avec possibilité d'une part fixe.
La loi instaure aussi le principe du droit d'accès à l'eau potable. Par principe, en logement collectif ou individuel, le projet de loi limite très largement la coupure d'alimentation pour impayés.
LES AGENCES DE L'EAU VIVENT UNE PETITE REVOLUTION
Comme prévu, le projet de loi prévoit un toilettage des agences de l'eau. Deux principales critiques leur étaient adressées : le manque d'encadrement parlementaire et la mauvaise application du principe pollueur-payeur.
Les prérogatives du Parlement
Dans le futur projet de loi, le Parlement intervient dans la vie des agences de l'eau. Son rôle sera de fixer leurs priorités nationales d'intervention dans le cadre de programmes d'une durée portée de cinq à six ans, directive cadre oblige. Un compte rendu annuel fera le bilan des travaux.
Seconde prérogative, il déterminera le montant maximal des redevances par agence. Et enfin, il encadrera les taux de redevance. La loi autorisera ainsi les agences de l'eau à modifier le taux de référence voté par le Parlement dans une fourchette de plus ou moins 20 %. Sur cette base recalculée, les agences utiliseront un zonage des sites pour moduler les redevances par un jeu de coefficients : 0,5 à 0,75 pour les zones peu polluées, 0,75 à 1,25 pour les zones moyennement polluées, 1,25 à 1,50 pour les zones très polluées.
Une profonde réforme des redevances
La réforme des redevances touche la pollution urbaine. Les services publics de collecte deviennent redevables. Par ailleurs, la redevance collecte ne sera plus calculée sur la base d'un coefficient multiplicateur de la redevance pollution, mais selon les volumes d'eaux usées rejetés. Pour limiter l'impact de cette décision, une redevance pour sujétion de collecte, applicable aux industriels raccordés, est créée pour une durée de douze ans. L'ensemble permettrait de maintenir un coefficient de collecte de 1,8 au lieu de 2,15.
Nouveauté redoutée par le monde agricole, la loi institue une redevance sur les excédents d'azote : la loi précise les modalités de calcul d'entrée et de sortie de ces excédents pour la culture et l'élevage. Les taux seront de 0,2 à 0,23 euro/kg (1,31 à 1,51 F/kg).
Enfin, trois nouvelles redevances font leur apparition : sur les rejets thermiques en rivière et en mer, sur les radioéléments, et sur la modification du régime des eaux (dérivation, prélèvements, obstacles, retenues pour stockage, variations brutales de débit).
Ces mesures vont-elles corriger la distorsion du principe pollueur-payeur pointé du doigt ? La loi pose le principe du rééquilibrage de la répartition des redevances entre les différents acteurs : particuliers, industriels, agriculteurs. Le plafonnement des redevances nettes du prochain programme atteint un montant égal à celui du précédent (8,08 milliards d'euros, soit 53 milliards de francs) et la création de redevances applicables aux agriculteurs et industriels devrait produire un rééquilibrage au profit des particuliers.
Débat public autour des schémas directeurs
Enfin, une lourde tâche attend les agences de l'eau pour les années à venir : la révision des schémas directeurs d'aménagement et de gestion de l'eau (Sdage). Le travail réalisé au cours des années 90 sera donc remis sur le métier : l'échéance est posée pour décembre 2009. Une mesure qu'impose la directive cadre sur l'eau à travers deux principes : la protection de la ressource et la transparence de la gestion. Les futurs Sdage devront être présentés au public et discutés un an avant toute décision. Un débat public qui bousculera les habitudes et qui s'imposera régulièrement : les comités de bassins devront rendre des comptes sur leurs résultats tous les six ans.
LES NORMES SERVENT LA PERFORMANCE
Comment faire pour éviter que le prix de l'eau ne reste le principal critère de performance du service de l'eau ? Au cours de ces dernières années, les entreprises délégatai-res et les régies ont largement puisé dans les ressources offertes par la normalisation internatio-nale de qualité ISO 9002. Des démarches exigeantes, mais pour quel gain ? « Pour une homogénéité et une cohérence d'organisation, estime Michel Rapinat, directeur délégué à la Générale des eaux Ile-de-France, pour l'introduction d'une culture de l'écrit et de la traçabilité dans nos métiers, pour une prise en compte des non-conformités pour éviter la reproduction de ces événements.»
Régies et délégataires s'orientent aussi vers l'obtention de certificats de réponse aux normes environnementales ISO 14001. A la différence de la certification de qualité, ces dernières obligent notamment à une lecture plus globale de la réglementation et à un travail approfondi en interne.
« C'est une démarche volontariste qui permet une évolution continue de la production au regard de critères environnementaux, juge Michel Rapinat. Déchets spéciaux, recyclage des composants, gestes quotidiens, consommation d'énergie, bruit... font l'objet de questions nouvelles et amènent à des changements de comportement. C'est par exemple le choix de travaux sans tranchées, la proposition de réutilisation de canalisations pour le passage de câbles... L'impact sur les installations se traduit par un meilleur ratio efficacité/coût. »
Prochaine étape des entreprises d'eau : la démarche HACCP (acronyme anglo-saxon de « analyse de risques et gestion contrôle des points critiques »), déjà employée en industrie agroalimentaire, qui repose sur un concept de sécurité multibarrière de la production.
Intégrer le service clients
La prévention des pollutions et le service au client se sont progressivement rajoutés au métier de distributeur. Parue en juillet 2000, la norme Afnor P 15.900-1 sur le service à l'usager (1) permet d'identifier les indicateurs de performances sur le service de l'eau.
Sa rédaction répondait à une demande des collectivités locales, de leurs prestataires et des consommateurs. Son objectif est de permettre une comparaison équitable des prestations publiques et privées - ou de ville à ville - et de faire en sorte que le prix de l'eau ne soit pas le seul critère du service à l'abonné. Elle liste huit éléments de service qui se déclinent en quelque quarante-sept indicateurs de performances.
Actuellement, l'Afnor aide plusieurs municipalités (Vannes, Nantes, Saint-Nazaire, Saint-Malo, Rennes, Saint-Brieuc, Lorient) à utiliser cette norme. Ces informations fourniront la matière d'un référentiel pour une certification NF Services sur les services d'eau, qui devrait voir le jour durant l'année 2002.
Dernier événement, la préparation, par l'Association française de normalisation (Afnor) et l'Association des hygiénistes et techniciens municipaux (AGHTM) d'un guide sectoriel « Cycle de l'eau » : une méthode d'engagement des collectivités dans une démarche globale de certification de qualité environnementale et de sécurité.
(1) Cette norme P15.900-1 fait partie d'un ensemble de cinq normes sous la référence P15.900 : la seconde, publiée en mars, concerne les réseaux d'assainissement, la troisième, le traitement des eaux usées, la quatrième, celui de l'eau potable, et la cinquième, l'assainissement non collectif. L'ensemble des textes serait disponible à la fin 2001.
PHOTO : Une usine de production d'eau potable . Le futur décret a pour objectif principal de protéger la santé de l'usager