Elaborée dans un contexte de crise énergétique et très attendue par les acteurs des filières du renouvelable, la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dite « EnR », a été promulguée le 10 mars 2023 (). Les dispositions adoptées en matière de planification posent question et pourraient se révéler problématiques dans un contexte de développement d'ores et déjà très contraint de ces énergies.
Composé de sept titres et de 116 articles, le texte marque l'aboutissement de compromis importants mais nécessaires entre l'obligation faite à la France d'accélérer la production des EnR sur son territoire et la volonté marquée des parlementaires d'encadrer durablement cette accélération.
Planification concertée et ascendante
Figurant parmi les dispositions phares du texte, l'article 15 de la loi instaure en ce sens des « zones d'accélération » destinées à accueillir, de manière prioritaire, des projets d'EnR terrestres par la mise en place d'une stratégie de planification concertée et ascendante, en vue d'atteindre les objectifs fixés par la programmation pluriannuelle de l 'énergie (PPE). La mise en œuvre d'une telle planification territoriale, qui replace les communes d'implantation au centre du processus décisionnel, est l'un des fils rouges du dispositif adopté par les parlementaires.
Codifiées dans un nouvel , des zones d'accélération seront délimitées à l'initiative des communes, après concertation du public - selon les modalités qu'elles détermineront librement - dans un délai de six mois à compter de la mise à leur disposition, par l'Etat et les gestionnaires des réseaux publics d'électricité, des informations relatives au potentiel de développement énergétique local, actualisées à chaque révision de la PPE.
Référent préfectoral. Au terme de la concertation, les zones potentielles retenues seront arrêtées par délibération du conseil municipal des communes concernées et transmises au référent préfectoral - créé par la loi (nouvel ) - ainsi qu'à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont elles sont membres, pour l'organisation d'un débat portant sur la cohérence des zones identifiées avec le projet du territoire. Lorsque le territoire est couvert par un schéma de cohérence territoriale (Scot), elles devront également être transmises à l'établissement public compétent en la matière.
A l'expiration d'un délai de six mois, les zones identifiées se-ront arrêtées et cartographiées, à l'échelle du département, par le référent préfectoral, après consultation des établissements publics compétents en matière de Scot et des EPCI, réunis au sein d'une conférence territoriale, et du comité régional de l'énergie (ou de l'organe en tenant lieu). Ce dernier sera chargé d'émettre un avis sur le caractère suffisant des zones identifiées, au regard des objectifs régionaux établis en application de l'. L'avis doit être rendu au plus tard dans un délai de trois mois après la réception de la cartographie des zones d'accélération transmises par le référent préfectoral. En cas d'insuffisance, les communes seront de nouveau sollicitées par le référent préfectoral pour l'identification de zones complémentaires.
Avis conforme des communes. Point majeur du texte, l'arrêt de la cartographie des zones identifiées par le référent préfectoral sera obligatoirement précédé de la saisine pour avis conforme des communes concernées, exprimé par délibération du conseil municipal. Alors qu'un droit de veto avait d'abord été imaginé, les parlementaires se sont finalement accordés sur la mise en place d'une sollicitation pour avis conforme desdites communes.
Pour donner sa pleine mesure au dispositif de planification envisagé, la loi introduit dans le Code de l'urbanisme (C. urb.) la possibilité de faire figurer les zones d'accélération dans les documents de planification des collectivités territoriales. Les zones d'accélération arrêtées pourront ainsi être, en tout ou partie, directement reportées dans les documents locaux de planification, prioritairement à l'échelle des Scot, ou, pour les collectivités qui n'en sont pas couvertes, à l'échelle du PLUi ou de la carte communale.
Zones sous conditions
Afin de donner davantage de poids aux élus locaux dans leurs stratégies de planification locale, la loi renforce le dispositif des « zones sous conditions » créé par la loi 3DS du 21 février 2022. Le législateur revient en effet sur le champ d'application de l', jusqu'alors limité aux seuls projets éoliens terrestres, qu'il étend à tout projet d'énergie renouvelable.
En outre, et alors que ce type de zonages était jusqu'à présent réservé aux seuls territoires couverts par un PLUi, la loi prévoit désormais la possibilité de créer de telles zones à l'échelle des cartes communales (art. L. 161-4 modifié C. urb.), ou, dans le périmètre des communes non couvertes par un PLU ou une carte communale, via le document d'orientation et d'objectifs des Scot (art. L. 141-10 C. urb.).
Zones d'exclusion
Poursuivant cette logique d'encadrement, le législateur offre désormais la faculté aux collectivités locales de définir des zones d'exclusion à l'échelle de leurs PLUi (art. L. 151-42-1 II nouveau C. urb.), mais aussi, pour celles qui n'en seraient pas dotées, de leurs cartes communales (art. L. 161-4 modifié C. urb.) ou, lorsqu'elles sont régies par le règlement national d'urbanisme (RNU) mais couvertes par un Scot, directement à l'échelle du Scot (art. L. 141-10 modifié C. urb.). A l'instar des zones sous conditions, ces zones d'interdictions pourront être instaurées, au sein des PLUi et des Scot, selon une procédure de modification simplifiée.
Toutefois, et afin de ne pas annihiler les objectifs d'accélération poursuivis par la loi, le texte conditionne la création de ces secteurs aux conditions suivantes : - tout d'abord, les zones d'exclusion ne pourront être mises en œuvre que dans les communes dans lesquelles une cartographie des zones d'accélération aura préalablement été arrêtée et lorsque l'avis du comité régional de l'énergie aura estimé que les zones d'accélération ainsi identifiées sont suffisantes pour l'atteinte des objectifs régionaux définis par le Sraddet ; - ensuite, la délimitation des secteurs d'exclusion nécessitera, pour les élus locaux, de justifier dans leur document de planification que l'implantation des installations d'EnR est incompatible avec le voisinage habité ou avec l'usage des terrains situés à proximité ou qu'elle porte atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l'insertion des installations dans le milieu environnant. Précisons que le texte écarte expressément du champ d'application des zones d'exclusion les procédés de production d'EnR en toiture ou les procédés de chaleur à usage individuel ; - enfin, les secteurs d'exclusion ne seront applicables qu'aux seuls projets dont la demande d'autorisation aura été déposée après l'introduction des zones d'exclusion dans les plans concernés. Cette mesure vise à éviter qu'un projet soit refusé lorsqu'en cours d'instruction, le document d'urbanisme évolue pour créer une zone d'exclusion.
Ainsi, si l'objectif affiché et souhaité de la loi EnR est celui d'une augmentation de cadence d'installation et de production d'énergies « vertes », il n'est pas certain que les acteurs de la filière voient ce nouvel arsenal juridique d'un très bon œil. Il n'est pas non plus certain que la France, qui fait déjà figure de mauvaise élève par rapport à ses voisins européens, puisse, grâce à ces nouvelles dispositions, rattraper le retard sérieux qu'elle accuse déjà en matière de production d'EnR. La pratique apportera sans doute des réponses concrètes à ces questions dans les mois et années à venir.