Jurisprudence

Espèces protégées versus projets d’intérêt national majeur : le Conseil constitutionnel saisi

A l’occasion d’un recours contre un décret d’application de la loi Industrie verte, le Conseil d’Etat renvoie aux Sages de la rue de Montpensier la question de la conformité à la Constitution du second alinéa de l’article L. 411-2-1 du Code de l’environnement. Cet article prévoit une reconnaissance anticipée de la raison impérative d’intérêt public majeur pour les projets industriels stratégiques à la décarbonation du pays.

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Loi "Industrie verte"
Le Conseil constitutionnel est saisi d'une QPC concernant l'article L. 411-2-1 du Code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi Industrie verte.
Urbanisme
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2024/12/09N°497567

Afin d'accélérer la réalisation des projets industriels, la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte a créé un article L. 300-6-2 au Code de l’urbanisme qui permet au gouvernement d’identifier, par décret, des « projets d’intérêt national majeur » (PINM) pour la transition écologique ou la souveraineté nationale.

Raison impérative d'intérêt public majeur

Cette qualification leur permettra de bénéficier de plusieurs mesures d’accélération des procédures comme la mise en compatibilité des documents de planification ou d’urbanisme ou encore la délivrance des autorisations de construire, par l’Etat. Surtout, elle leur permettra de répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), l'une des conditions nécessaires pour obtenir une dérogation espèces protégées.

A cet effet, le législateur a complété l’article L. 411-2-1 du Code de l’environnement d’un second alinéa qui dispose que le décret qualifiant le projet industriel de PINM « peut lui reconnaître le caractère de projet répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur […]. Cette reconnaissance ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours dirigé contre le décret, dont elle est divisible. Elle ne peut être contestée à l'appui d'un recours dirigé contre l'acte accordant la dérogation [espèces protégées] ». C’est précisément la question de la conformité à la Constitution de cette disposition qui est posée par une association et plusieurs requérants à l’appui de leur recours en annulation du décret n° 2024-740 du 5 juillet 2024 qualifiant de projet d'intérêt national majeur l’extraction et la transformation de lithium par la société Imérys dans l’Allier.

Droit à un recours effectif, principe de précaution

Ils estiment qu’elle méconnait plusieurs droits et principes garantis par la Constitution, notamment le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, le principe de précaution et le droit à un recours effectif.

Jugeant les conditions réunies (disposition applicable au litige, non encore déclarée conforme à la Constitution et question nouvelle ou présentant un caractère sérieux), le Conseil d’Etat sursoit à statuer et transmet le dossier aux Sages qui ont trois mois pour statuer.

A noter que d’autres décrets d’application de la loi Industrie verte concernant notamment les PINM sont également dans le viseur d’associations. Recours qui n’ont visiblement n’a pas dissuadé le gouvernement puisque dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique (SVE), il envisage même d’étendre le dispositif aux data centers.

CE, 9 décembre 2024, n° 497567

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