Et voici le bail réel solidaire d’activité

Créé par la loi 3DS il y a un an, le BRSA, reposant comme son cousin le BRS sur une dissociation de la propriété foncière et bâtie, profitera aux microentreprises. Une ordonnance du 8 février 2023, qui sera complétée par un décret, en dessine enfin les contours.

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Objectif du BRSA : permettre la cohérence avec l'action publique en faveur de la revitalisation des centres-villes et le maintien ou la diversification de certaines activités commerciales artisanales dans les espaces urbains.

Les organismes de foncier solidaire (OFS), créés par la loi Alur en mars 2014 pour mettre en œuvre le bail réel solidaire (BRS) dans le secteur du logement, étendent leur périmètre aux secteurs commerciaux et professionnels à la faveur de la loi 3DS de février 2022Une ordonnance parue au « Journal officiel » ce 9 février vient mettre en musique le BRS d’activité (BRSA), créant un chapitre dédié au sein du Code de la construction et de l’habitation (articles L. 256-1 et suivants) ; mais elle ne sera pleinement opérationnelle qu’une fois le décret d’application prévu publié.

Squelette commun

BRS ou BRSA, les grands principes sont les mêmes. Dans ce bail réel de longue durée, la propriété foncière et la propriété bâtie sont dissociées, l’OFS demeurant titulaire de la première, ce qui permet de faire baisser le prix de commercialisation des locaux. Le preneur verse une redevance foncière à l’OFS. Le bail réel est rechargeable après chaque cession, le preneur étant libre de céder ses droits réels, sous réserve d’un encadrement des prix de cession. L’ordonnance du 8 février (art. L. 256-20 du CCH) prévoit d’ailleurs qu’un certain nombre de règles applicables au BRS seront applicables au BRSA par simple renvoi.

Des spécificités prises en compte

Mais le texte a surtout pour objet de ciseler des dispositions spécifiques au BRSA. Qu’il définit comme « le bail par lequel un organisme de foncier solidaire consent à un preneur, […] pour une durée comprise entre douze et quatre-vingt-dix-neuf ans, des droits réels en vue de la location ou de l'accession à la propriété de locaux à usage professionnel ou commercial, sous conditions de plafond de prix de cession et avec, s'il y a lieu, obligation pour le preneur de construire ou de réhabiliter des constructions existantes » (art. L 256-1 du CCH).

► Qui peut être le preneur ?

La conclusion d’un BRSA est réservée aux microentreprises (moins de 10 personnes, moins de 2 M€ de chiffre d'affaires annuel), qui devront occuper elles-mêmes le local sans pouvoir le louer. A une exception près (art. L. 256-3 du CCH) : le BRSA peut être consenti à un établissement public ou à une entreprise publique locale qui, « le cas échéant, construit ou réhabilite des locaux à usage professionnel ou commercial et qui s'engage à les mettre en location à une microentreprise » (sans sous-location possible). Cette disposition vise à articuler l’activité des OFS avec celles des foncières commerciales mises en place à l’initiative de collectivités territoriales. Un tel opérateur peut aussi, lorsqu’il réalise l'opération principale comprenant des logements en BRS, réaliser les locaux d'activité destinés à faire l'objet de BRSA et céder les droits réels à des microentreprises après son intervention (art. L. 256-4 du CCH). 

En outre, l’OFS a la faculté de flécher davantage ses bénéficiaires : il peut «fixer des critères d'éligibilité pour ces microentreprises, fondés notamment sur le chiffre d'affaires, le statut ou le type d'activité, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat » (art. L. 256-2 du CCH). Comme l’explique le rapport de présentation de l’ordonnance, l'objectif « est de permettre la cohérence avec l'action publique en faveur de la revitalisation des centres-villes et le maintien ou la diversification de certaines activités commerciales artisanales dans les espaces urbains ».

► Pour exercer quelles activités ?

L’OFS garde, donc, la main sur l’usage qui sera fait des locaux en BRSA. Ainsi, le bail « précise la destination des lieux et la ou les activités autorisées et, le cas échéant, les activités accessoires qui peuvent être exercées » (art. L. 256-7 du CCH). Et tout changement de destination ou d’activité supposera l’accord préalable du bailleur. Et le maintien de l’activité ou de la destination pourra être une condition d’agrément de l’acquéreur si le titulaire du bail veut vendre ses droits réels.

► Pour quelle durée de bail ?

Comme indiqué dans la définition du BRSA, celui-ci peut être conclu pour une durée de 12 à 99 ans. Les pouvoirs publics ont ici choisi de déroger à la durée minimale de 18 ans applicables aux baux réels de longue durée (comme le BRS), « compte tenu des spécificités de certaines activités et de la situation de microentreprises pouvant prétendre à un tel dispositif », souligne le rapport.

Quid de la redevance ?

Au contraire de celle à verser par le preneur d’un BRS, la redevance liée au foncier dans le cas d’un BRSA pourra évoluer. « Pour tenir compte des évolutions de la situation du preneur [ou de celles du locataire lorsque le preneur est un opérateur], la redevance peut être composée d'une part fixe, le cas échéant indexée sur une référence de prix, et d'une part variable, définies dans le contrat de bail » (art. L. 256-8 du CCH). Un décret apportera davantage de précisions à cet égard. Cela devrait permettre de prendre en considération notamment « des gains tirés de l’exploitation du local », explicite le rapport de présentation.

Agrément et publicité

Parmi les autres apports de l’ordonnance, citons la définition des modalités selon lesquelles le BRSA peut imposer au preneur d’effectuer des travaux de construction ou de réhabilitation de son local, ainsi que les obligations de maintien et de réparation des constructions (art. L. 256-7 du CCH) ; la description de la procédure à suivre par le preneur qui souhaite céder ou donner ses droits réels immobiliers, opération soumise à l’agrément du futur propriétaire par l’OFS (art. L. 256-9 et s. du CCH) ; la mise en place d’un dispositif d’indemnisation du fonds de commerce lorsque par exemple l’OFS préempte les droits réels mis en vente (art. L 256-15 du CCH).

Enfin, « afin d’assurer une certaine forme de transparence », annonce modestement le rapport de présentation, toute intention de conclure un BRSA - ou de mettre en location un local sur lequel un opérateur a conclu un BRSA - et tout projet de cession de droits réels immobiliers par le preneur, doivent faire l’objet d’une publicité préalable (art. L. 256-5 et -11 du CCH).

Ordonnance n° 2023-80 du 8 février 2023 relative au bail réel solidaire d'activité

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