A fin de sécuriser les approvisionnements et réduire la dépendance de l’Union européenne, notamment face à la Chine, la Commission a annoncé le 25 mars 2025 des mesures de soutien financier et des procédures d’autorisation simplifiées pour 47 projets d’extraction, de traitement et de recyclage de terres rares et de métaux stratégiques (lithium, cuivre, nickel ou tungstène).
L’accélération des procédures annoncée pour ces projets - le délai d’octroi des autorisations ne devra pas dépasser vingt-sept mois pour les projets d’extraction, et quinze pour les projets de traitement et de recyclage - n’est toutefois pas d’actualité pour la géothermie. Les procédures restent globalement longues malgré les récentes réformes du Code minier.
Source d’énergie prometteuse. La géothermie constitue pourtant une source d’énergie renouvelable prometteuse. D’ailleurs, les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) actuellement en concertation visent à augmenter de 40 % le nombre d’opérations de géothermie profonde pour atteindre au moins 110 en fonctionnement d’ici 2030. Le rythme actuel du développement de tels projets reste toutefois inférieur à celui prévu par la précédente PPE et à celui de nos voisins européens, notamment l’Islande, l’Italie et l ‘Allemagne. L’accélération de la montée en puissance de la filière (à l’exclusion de la géothermie de minime importance qui n’est pas traitée ici) est notamment confrontée aux exigences environnementales renforcées dès le stade des titres miniers et aux risques financiers auxquels restent exposés les porteurs de projets.
Des exigences environnementales renforcées
Les gîtes géothermiques sont définis à l’article L. 112-1 du Code minier comme « les gîtes renfermés dans le sein de la terre dont on peut extraire ou avec lesquels on peut échanger de l’énergie sous forme thermique, notamment par conduction ou par l’intermédiaire des eaux chaudes et des vapeurs souterraines qu’ils contiennent ».
Si ce code a été modifié notamment par la loi dite « Climat et résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021, la filière était en attente de la publication du décret d’application de ces nouvelles dispositions. Celle-ci est finalement intervenue le 28 août dernier (décret n° 2025-852 du 27 août 2025 relatif aux activités de recherche et d’exploitation de géothermie).
Surtout, si les procédures ont été modernisées pour répondre aux exigences environnementales actuelles, elles n’en demeurent pas moins contraignantes voire sont alourdies dès la phase de l’obtention de titres miniers et se poursuivent lors de la réalisation des travaux miniers.
Phase d’obtention des titres miniers. Depuis la réforme du Code minier, il est prévu que, dès le stade de l’obtention des permis exclusifs de recherche (pour l’exploration) et de concession (pour l’exploitation), les dossiers de demande de ces titres miniers doivent comporter une analyse environnementale, économique et sociale qui se traduit par la réalisation : - d’un « mémoire » environnemental, économique et social pour les demandes de titre concernant la recherche ; - d’une « étude de faisabilité » environnementale, économique et sociale pour les demandes de titre concernant l’exploitation (art. L. 114-2 du Code minier).
Ces documents comportent notamment une analyse des impacts notables sur l’environnement, des travaux de recherche pour l’un et de l’exploitation pour l’autre, et la présentation des mesures prises pour prévenir les incidences négatives sur l’environnement, les réduire, voire les compenser.
Pour les porteurs de projets, cela implique des délais de développement plus longs, le temps de réaliser ces études avant le dépôt d’une demande dont le contenu est désormais précisé par les articles 11 et 24 du décret du 27 août 2025. En application de cet article 11, le « mémoire » et « l’étude de faisabilité » comprennent : - les informations prévues au II de l’article R. 122-20 du Code de l’environnement (rapport environnemental rendant compte de la démarche d’évaluation environnementale) afin d’identifier les enjeux environnementaux et de justifier de la compatibilité du programme de travaux avec les intérêts protégés mentionnés à l’article L. 161-1 du Code minier (préservation de la sécurité, de la santé et de la salubrité publiques, de la solidité des édifices publics et privés, et des caractéristiques essentielles du milieu environnant, terrestre, littoral ou maritime, et plus généralement protection des espaces naturels et des paysages, de la faune et de la flore, des équilibres biologiques et des ressources naturelles) ; - un document présentant l’intérêt de l’exploitation du gîte géothermique et ses principaux impacts directs économiques et sociaux, tant à l’échelle locale que nationale, les éventuelles actions d’information et de concertation organisées préalablement au dépôt de la demande, ainsi que la manière dont il en a été tenu compte.
Le décret précise que le contenu de ces éléments est « proportionné à l’importance et à la nature des travaux envisagés et à leurs incidences prévisibles sur les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du Code minier et sur leurs conséquences économiques et sociales ». De plus, « le demandeur peut être invité à apporter sur ces éléments d’information et ces pièces des précisions complémentaires ».
Phase de réalisation des travaux. Depuis la réforme du Code minier, les travaux de recherche et d’exploitation des gîtes géothermiques supposent l’obtention d’une autorisation environnementale (articles L. 181-1 et suivants du Code de l’environnement) et non plus d’une autorisation d’ouverture de travaux miniers (AOTM) régie par le Code minier.
En pratique, cela ne modifie pas les contraintes puisque, comme pour la demande d’AOTM, la demande d’autorisation environnementale doit comporter une étude d’impact dont le contenu est prévu à l’article R. 122-5 du Code de l’environnement. Cette étude s’ajoute à l’analyse environnementale préalable exigée au stade de l’obtention des titres miniers (cf. supra).
En parallèle, alors que les délais d’instruction sont connus pour être longs, s’étalant parfois sur plusieurs années, la réforme du Code minier ne propose pas d’outils pour les raccourcir. Cela rend d’autant plus lourd le développement et l’aboutissement de telles opérations, alors même que l’exposition financière des porteurs de projets est importante.
Alors que les délais d’instruction sont connus pour être longs, la réforme du Code minier ne propose pas d’outils pour les réduire.
Une importante exposition financière pour les porteurs de projets
La géothermie implique que les porteurs de projets disposent de capacités financières non négligeables afin de supporter les risques inhérents à cette activité et constituent les garanties financières exigées lors de la délivrance de l’autorisation environnementale pour la réalisation des travaux miniers.
Prise en compte des dommages environnementaux et sanitaires. L’article L. 155-3 du Code minier a été modifié par l’ordonnance n° 2022-535 du 13 avril 2022 relative au dispositif d’indemnisation et de réparation des dommages miniers en vue d’élargir la responsabilité liée aux activités minières. Il prévoit désormais que l’explorateur, l’exploitant ou, à défaut, le titulaire du titre minier « est responsable des dommages, y compris des dommages sanitaires et environnementaux, ayant pour cause déterminante l’activité d’exploration ou d’exploitation ».
Cette responsabilité est particulièrement étendue : elle n’est limitée ni au périmètre du titre minier ni à sa durée de validité et couvre désormais également les dommages sanitaires et environnementaux. Elle s’applique aux dommages dont la découverte est survenue après la date de publication de l’ordonnance précitée, c’est-à-dire depuis le 15 avril 2022.
Plusieurs mécanismes de garanties ont également été mis en place pour sécuriser l’indemnisation des victimes : - en cas de défaillance ou de disparition du responsable, l’Etat est garant de la réparation des dommages causés par ces activités. A charge pour ce dernier de se retourner contre le responsable défaillant (art. L. 155-3 alinéa 4 du Code minier) ; - un Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages a été créé en 2003 pour indemniser les propriétaires d’immeubles occupés à titre de résidence principales, des dommages résultant d’une activité minière présente ou passée (art. L. 421-17 et R. 421-73 et suivants du Code des assurances).
Il reste que les risques liés aux travaux d’exploration et d’exploitation devront être anticipés, assurés et/ou provisionnés -qu’il s’agisse de la contamination des nappes phréatiques, de l’affaissement de terrain, de microséismes, etc. - surenchérissant le coût du projet.
Garanties financières. L’article L. 162-2 du Code minier impose la constitution de garanties financières pour obtenir une autorisation pour les travaux de recherche et d’exploitation des gîtes géothermiques, ces derniers relevant du régime légal des mines (art. L. 112-1 du Code minier).
Ces garanties visent à couvrir : - l’arrêt des travaux et la sécurisation du site ; - la surveillance et la sécurité des installations pendant la phase d’exploitation, jusqu’à dix ans après sa cessation ; - les interventions, en cas d’accident, survenant avant ou après la fermeture, susceptible d’entraîner des conséquences graves, qu’elles soient immédiates ou différées, pour les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 du Code minier.
Le montant de ces garanties est évalué en fonction du risque encouru, selon la taille, la localisation et l’impact environnemental des installations. En sont exclues les indemnisations dues aux tiers en cas de pollution ou d’accidents.
La nature des garanties financières est fixée après consultation de l’exploitant et selon les modalités prévues par le décret n° 2010-1389 du 12 novembre 2010 modifié par le décret n° 2023-13 du 11 janvier 2023 relatif à l’autorisation environnementale des travaux miniers. Elles peuvent notamment résulter de l’engagement écrit d’un établissement de crédit ou d’une société d’assurances, ou d’une consignation auprès de la Caisse des dépôts. Ici encore, les porteurs de projets devront intégrer le coût de ces garanties dans leurs business plans.
Face aux contraintes financières, des dispositifs de soutien ont été mis en place.
Des mesures de soutien encore fragiles
Face à ces contraintes, plusieurs dispositifs de soutien financier, principalement orchestrés par l’Agence de la transition écologique (Ademe) via le Fonds chaleur, ont été mis en place pour encourager le développement de la filière.
Cependant, les installations utilisant à titre principal l’énergie extraite de gîtes géothermiques ont pourtant été supprimées de l’éligibilité au mécanisme de complément de rémunération par le décret n° 2021-577 du 11 mai 2021, ce qui apparaît contradictoire avec les objectifs de la PPE.
Fonds chaleur. Jusqu’au 31 décembre 2025, le Fonds chaleur propose par exemple des dispositifs d’aide au financement : - des études de faisabilité pour les projets de géothermie profonde permettant de couvrir les dépenses pour les études de dé-risquage supérieures à 200 000 euros, à hauteur de 80 % (plafond d’assiette de dépense de 1 million d’euros) ; - des travaux de géothermie sur aquifère profond (ou géothermie basse énergie), avec ou sans recours à une (ou des) pompe(s) à chaleur, associé(e) s ou non à la création (ou l’extension) d’un réseau de chaleur.
Fonds de garantie Geodeep. En complément, un fonds de garantie Geodeep a également été mis en place pour sécuriser le risque financier pris par les industriels dans les projets de géothermie profonde. Ce fonds, notifié par la France à la Commission européenne qui l’a déclaré compatible avec les règles du marché intérieur le 20 janvier 2020, garantit les porteurs de projets contre le risque de trouver une ressource géothermale insuffisante et les indemnise en cas d’échec des forages d’exploration ou d’exploitation. Le montant maximal d’indemnisation pouvant être accordé à un projet s’élève à 11,5 millions d’euros.
Il reste que ces mécanismes de soutien pourraient en l’état ne pas suffire à répondre aux objectifs ambitieux de la filière en l’absence d’une réglementation simplifiée et adaptée aux contraintes spécifiques, notamment au regard de la responsabilité environnementale. Seuls quelques opérateurs pourraient dès lors voir leurs projets se réaliser.
Ce qu'il faut retenir
- Les projets de géothermie relèvent du Code minier. Les procédures ont été simplifiées récemment mais elles restent contraignantes pour les opérateurs.
- Dès la phase d'obtention des titres miniers, les dossiers doivent comporter une analyse environnementale, économique et sociale présentant notamment des mesures pour prévenir les incidences négatives sur l'environnement, les réduire, voire les compenser.
- La réalisation des travaux de recherche et d'exploitation des gîtes géothermiques nécessite en outre une autorisation environnementale qui doit comporter une étude d'impact, laquelle s'ajoute à l'analyse environnementale précitée.
- Les porteurs de projets doivent disposer de capacités financières importantes afin de supporter les risques inhérents à l'activité et constituer des garanties financières pour obtenir une autorisation pour la recherche ou l'exploitation.
- Les mesures de soutien financier mises en place restent encore fragiles.