Evaluation environnementale des projets d’infrastructures routières : peut mieux faire

Lors de sa séance du 6 février 2019, l’Autorité environnementale a fait le point sur la qualité des évaluations environnementales des projets de construction, d’élargissement ou de requalification de routes ou autoroutes. Malgré de récentes améliorations, subsistent encore des lacunes significatives, déplore l’institution.

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Infrastructure routière
Les évaluations environnementales des projets d'infrastructures routières doivent s'améliorer.

Etudes de trafic, émissions de gaz à effet de serre, biodiversité, etc., les recommandations se suivent… et ne sont pas (toujours) suivies d’effet. Sur les 104 avis rendus sur des projets d’infrastructures de transports routières depuis sa création en 2009, l’Autorité environnementale (AE) constate, dans une note parue en début de mois, l’insuffisance des évaluations environnementales, tant du point de vue de la qualité des études d’impact que de celui de la prise en compte de l’environnement par le projet.

S’agissant de la qualité des études, l’AE reconnaît la clarté et le didactisme des dossiers qui lui sont soumis. Ceux-ci « sont généralement structurés de manière efficace et lisible, et sont le plus souvent accompagnés d’atlas cartographiques séparés de l’étude d’impact, qui permettent d’illustrer avec précision les différentes parties du dossier ». Autant d’éléments qui seront utiles lors de l’enquête publique et qui permettront au public de se saisir du projet et d’en comprendre les enjeux.

S’approprier la notion de projet

Mais concernant le contenu du projet - ou du programme de travaux lorsque cette notion était encore applicable (1) -, l’AE a constaté à de nombreuses reprises qu’il « n’était pas conforme aux textes en vigueur, les impacts étant alors traités en les examinant sur un périmètre trop réduit ». Elle invite donc les maîtres d’ouvrage « à réfléchir à la bonne échelle d’appréciation des impacts ». Et surtout à s’approprier la notion de projet issue du droit européen, laquelle implique que les incidences d’un projet sur l’environnement doivent être « évalués dans leur globalité ». Outre la protection adaptée de l’environnement, cela permet aussi de garantir la sécurité juridique des opérations. A noter que cette « critique » vaut pour l’ensemble des projets (et pas seulement pour les infrastructures routières) que l’AE est amenée à consulter (voir notamment son rapport annuel d’activité 2017).

Etudes de trafic trop succinctes

Autre lacune observée : les études de trafic. Clé de voûte des dossiers – elles sont utilisées pour justifier l’opportunité des projets et conditionnent le calcul de nombreux impacts environnementaux –, « leurs résultats sont présentés de manière trop succincte et les études elles-mêmes ne prennent presque jamais en compte les trafics induits par la création ou la transformation de l’infrastructure, ni les reports modaux possibles », regrette l’AE, dont les avis ont pourtant souvent été accompagnés de recommandations en la matière.

Localisation imprécise des sites de dépôts des déblais issus de travaux

Parmi les autres points relevés par l’AE : l’absence de précisions, notamment dans les dossiers présentés à enquête publique, quant à la localisation des bases de chantier ou des sites de dépôts des déblais issus de travaux. Là encore, de nombreuses recommandations visant à préciser « la localisation, les caractéristiques et les impacts des installations de chantier ou des sites de dépôts de matériaux, temporaires ou permanents » ont déjà été formulées. Consciente du fait que les maîtres d’ouvrage ne peuvent être très précis sur des prérogatives qui relèvent des entreprises chargées des travaux, l’AE préconise toutefois d’indiquer a minima les dispositions qui seront inscrites dans les cahiers des charges de ces entreprises, eu égard aux sensibilités environnementales identifiées et aux impacts prévisibles des travaux.

Enjeux climatiques ignorés

Par ailleurs, concernant la prise en compte de l’environnement, l’AE observe de manière générale que les thématiques liées aux milieux aquatiques, aux risques et au bruit sont plutôt bien prises en compte dans les dossiers.

En revanche, les enjeux climatiques et les engagements nationaux en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre ne sont toujours pas intégrés par les maîtres d’ouvrage. Rares sont ceux qui indiquent clairement les dispositifs de limitation qui seront pris. Quant aux recommandations régulières de l’Autorité de prévoir des mesures de réduction et de compensation desdites émissions, elles n’ont « a priori pas encore été suivie[s] d’effet ». Or, pour atteindre les objectifs qui sont fixés, « les efforts de tous, y compris des gestionnaires et constructeurs d’infrastructures ainsi que des planificateurs de la mobilité, sont nécessaires », rappelle l’AE. Même constat pour les enjeux de qualité de l’air et de risques sanitaires associés.

Analyse sur la biodiversité limitée

Autre effort à faire : la faune et la flore. La prise en compte de la « biodiversité ordinaire » reste encore trop limitée, les études d’impact se focalisant souvent sur les espèces protégées, « du fait de la réglementation très stricte qui s’y attache ». L’AE rappelle d’ailleurs que la séquence « éviter, réduire, compenser » s’applique à l’ensemble de la biodiversité. Et en cas de recours à la compensation, l’émanation du Conseil général de l’environnement et du développement durable regrette que les mesures ne soient pas correctement conçues ou mises en œuvre et que les justifications du choix des sites de compensation soient très peu explicitées dans les études d’impact.

Enfin, l’AE s’est aussi intéressée à la question plus globale de la planification des infrastructures routières et constate que leur programmation est trop souvent déconnectée des enjeux environnementaux : absence d’évaluation environnementale des plans routiers à la bonne échelle, recours aux concessions qui « brouillent » les responsabilités, justification des projets trop peu détaillée et réflexions trop limitées sur l’intermodalité et l’urbanisme, les points d’amélioration ne manquent pas…

Note de l’Autorité environnementale sur les projets d’infrastructures routières

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