«Les logements ne doivent pas devenir des lieux à tout faire», Nordine Hachemi, Kaufman & Broad

La crise sanitaire du coronavirus qui a conduit à une période de confinement de 55 jours, a mis le logement à l’épreuve. Pour «Le Moniteur», des acteurs de la fabrique de la ville s’interrogent sur des pistes d’amélioration de l’habitat. Le président-directeur général du groupe Kaufman & Broad, Nordine Hachemi, plaide pour une redistribution géographique des activités au bénéfice des villes moyennes.

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NORDINE HACHEMI
Pour Nordine Hachemi, le P-DG du groupe Kaufman & Broad, le retour des investisseurs institutionnels dans le logement locatif est un enjeu majeur.

Pensez-vous que la récente période de confinement doit bouleverser la façon dont le logement est pensé ?

Il n’y a rien eu de positif dans ces événements. Je suis d’ailleurs très sceptique devant l’emballement actuel autour d’une "nouvelle manière vivre" que nous aurions découvert pendant le confinement. Nous ne sommes absolument pas faits pour vivre enfermés et il n’est pas souhaitable que nos logements deviennent des lieux à tout faire.

Selon vous, le logement ne doit donc pas s’adapter à des usages plus variés, dont le télétravail…

Pour commencer, je ne crois pas aux solutions de long terme pour répondre à des problèmes immédiats. Aujourd’hui, il faudrait  que nous puissions tous travailler à notre domicile. Mais souvenez-vous, il y a trois mois, le discours était que le coliving devenait le modèle, que les cuisines étaient devenues inutiles car, avec nos nouveaux modes de vie, nous allions tous aller manger à l’extérieur… Prenez Facebook. Cette société annonce qu’elle va passer au télétravail permanent alors que jusqu’ici sa politique était de développer des campus censés offrir quasiment tout le confort et l’agrément du domicile.

Espace de vie familial

Alors effectivement, les logements n’ont pas été conçus pour permettre d’y installer son bureau. Mais jusqu’à présent travailler chez soi était réservé à une certaine élite, à des personnes qui l’avaient réellement choisi et qui en avaient les moyens. Je ne crois pas qu’il faille généraliser cela. Le travail en entreprise doit demeurer un projet collectif. Il faut que les gens puissent se rencontrer, échanger et transmettre. Si on doit rajouter des mètres-carrés aux habitations, mieux vaut qu’ils servent à agrandir l’espace de vie familial.

Justement, la taille des logements actuels est-elle suffisante ?

C’est un grand sujet. Mais il faut déjà définir ce qu’on entend par "taille" : nombre de pièce ou surface ? Dans le premier cas, la production neuve a pour vocation de pourvoir les typologies de logements qui ne sont pas disponibles. Or le parc existant, qui date essentiellement de l’après-guerre, est surtout constitué de grands appartements, de 4 pièces ou plus, et qui ne correspondent plus à la demande. Avec les évolutions sociales telles que la décohabitation et l’accroissement du nombre de familles monoparentales ou encore l’allongement de l’espérance de vie, nous devons pouvoir offrir davantage de 2 et 3 pièces.

En matière de surface, il est certain que le prix du foncier conduit aujourd’hui à construire des logements compacts. La raison est à chercher du côté des systèmes de financement qui, en France, ont largement favorisé le financement du logement locatif par les particuliers, par le biais de dispositifs fiscaux, au détriment des institutionnels. Mais les premiers sont limités dans leur capacité d’investissement, ce qui a un impact sur la taille des logements achetés. Il y a un fort enjeu à faire revenir les investisseurs institutionnels dans le logement.

Vous êtes aussi partisan de ne pas alimenter la surenchère sur le foncier…

Il est en effet arrivé que notre groupe, qui est fortement positionné sur la vente en accession, jette l’éponge lors d’appels d’offres où les prix du foncier devenaient démesurés. Aujourd’hui, nous pensons qu’il faut cesser de surinvestir dans les infrastructures de certaines villes, et redéployer ces investissements dans des villes de taille moyenne pour aller vers un nouveau mouvement de décentralisation.

Essor des villes moyennes

Ces quarante dernières années, nous sommes passés d’une situation où il y avait Paris et rien d’autre à un développement de grandes métropoles régionales. Désormais, il faut pousser l’essor de villes plus moyennes, comme Reims, Orléans, Chartres ou Tours. Elles sont à la fois connectées par les transports, et disposent notamment de liaisons ferroviaires, et ont un potentiel d’attractivité. Nous-mêmes, par le biais de notre structure Kaufman & Broad aménagement créée en 2019, sommes en train de développer un programme de 100 000 m² sur le site des anciens Magasins Généraux, à Reims. Les premiers  chantiers pourraient être lancés fin 2021.

Cette stratégie d’aménagement du territoire pourrait amener les entreprises à installer dans de telles villes certains de leurs services supports qui n’ont pas un besoin absolu d’être situés au siège. Plutôt que d’aller vers cette hypothèse de la disparition des bureaux, que nous évoquions au début, elles tableraient sur la redistribution géographique de leurs activités. Leurs collaborateurs auraient, eux, l’opportunité d’avoir accès à des logements plus grands, plus confortables et plus abordables.

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