Décryptage

Habitat indigne : l’arsenal législatif pour agir mieux et plus vite est publié

Simplifier et uniformiser les procédures, répondre plus efficacement aux situations d’urgence…, telles sont les principales mesures de l’ordonnance parue au JO ce 17 septembre qui visent à améliorer et renforcer la lutte contre l’habitat indigne. Ses dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2021.

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habitat insalubre
L'ordonnance visant à renforcer la lutte contre l'habitat indigne est publiée.

5 000. C’est, selon le gouvernement, le nombre d’arrêtés pris chaque année par les préfets, maires et présidents d’intercommunalités pour engager des procédures coercitives visant à lutter contre l’habitat indigne. Sujet de préoccupation majeure dans les politiques de l’habitat, sa mise en œuvre locale est cependant complexe : les régimes de police administrative spéciale sont nombreux et les autorités compétentes multiples, ce qui ne permet pas toujours d’intervenir dans la journée, alors que l’urgence parfois l’exigerait.

Pour y remédier, la loi Elan du 23 novembre 2018 (art. 198) a habilité le gouvernement à adopter des mesures législatives dans ce domaine. C’est chose faite avec la parution ce 17 septembre 2020 de l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative « à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations ».

Une police unique dédiée à la sécurité et salubrité des immeubles

Le texte apporte des simplifications importantes aux procédures. Une nouvelle et unique police administrative spéciale de « la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations » est tout d’abord intégrée dans le Code de la construction et de l’habitation (CCH) (nouveaux art. L. 511-1 et suivants). Elle vient remplacer la dizaine de procédures existantes qui relevaient jusqu’ici dudit CCH et de celui de la santé publique.

Par ailleurs, le déroulement procédural est uniformisé : c’est le préfet qui déclenchera la procédure lorsque la santé des personnes est en jeu ; le maire ou le président de l’EPCI interviendra pour la sécurité des personnes (risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires, fonctionnement défectueux ou défaut d'entretien des équipements communs d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation, etc.).

La procédure elle-même est en outre détaillée de A à Z : droit de visite, préparation de l'arrêté de mise en sécurité jusqu'à son exécution (phase contradictoire préalable, possibilité de demander au tribunal administratif la nomination d’un expert qui se prononcera dans les 24 heures, mesures pouvant être ordonnées par arrêté de police [démolition, interdiction d'habiter, d'exploiter ou d'accéder aux lieux à titre temporaire ou définitif…], astreinte administrative, etc.

Intervention dans la journée en cas d’urgence

A noter que « la phase supplémentaire de mise en demeure n'est plus requise » ; l'expiration du délai fixé par l'arrêté de mise en sécurité suffit dorénavant à justifier l'exécution d'office. Laquelle ne requiert l'intervention préalable du juge que pour la démolition, souligne le rapport accompagnant l’ordonnance.

En cas d’urgence (danger imminent ou manifeste), la procédure est allégée : exit la phase contradictoire et possibilité d’intervenir dans la journée afin d’écarter tout danger. Dorénavant, indique le rapport, « le maire pourra utiliser cette nouvelle police pour traiter les situations qui nécessitent une intervention dans la journée alors qu'actuellement il est contraint d'utiliser sa police générale sans possibilité de lancer le recouvrement des frais engagés par la commune et sans application du régime du droit des occupants ».

Transfert des pouvoirs de police maire-EPCI facilité

Autre modification notable : le transfert des pouvoirs de la police de lutte contre l'habitat indigne entre les maires et président d'EPCI. Actuellement, les pouvoirs de ce dernier lui sont automatiquement transférés après son élection. Mais si au moins un maire s’y oppose, le président de l'EPCI peut, soit accepter d'exercer les seuls pouvoirs transférés automatiquement par les autres maires, soit refuser d'exercer ces pouvoirs sur l'ensemble du territoire intercommunal. L’ordonnance rend plus difficile ce refus puisqu’il ne pourra avoir lieu que si au moins la moitié des maires s'est opposée auxdits transferts ou si les maires réfractaires représentent au moins 50 % de la population de l'EPCI (art. 15).

Les maires pourront également transférer leurs pouvoirs de police de lutte contre l'habitat indigne au fil de l'eau et non plus uniquement au moment de l'élection du président d'EPCI. Une mesure qui permettra aux édiles opposés au transfert, de revenir sur leur décision, « notamment pour s'appuyer sur l'EPCI qui aura entre-temps développé un service et des compétences en [la] matière », précise le rapport.

Délégation des pouvoirs du préfet aux EPCI plus souple

Enfin, l’ordonnance facilite les conditions de délégation des pouvoirs du préfet au président d’EPCI, « lorsque celui-ci est désireux d’investir davantage le champ de la lutte contre l’habitat indigne », précise le compte rendu du Conseil des ministres du 16 septembre 2020. Aujourd’hui, ces délégations ne sont possibles que si l’EPCI est délégataire des aides à la pierre, s’il dispose d'un service dédié à la lutte contre l'habitat indigne et s’il bénéficie de l'ensemble des transferts des pouvoirs de police de lutte contre l'habitat indigne de tous les maires des communes membres de l'EPCI. Cette dernière condition est assouplie puisqu’il suffit désormais qu'un seul maire ait transféré ses pouvoirs (art. L. 305-1-1 du CCH). Cette règle s’applique aussi aux présidents d'établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris (MGP).

Les nouvelles dispositions ne seront applicables qu’aux arrêtés notifiés à compter du 1er janvier 2021. Le temps pour le gouvernement d’adopter un décret d’application de l’ordonnance (attendu pour la fin de cette année).

Ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l'harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations

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