Les taux d'intérêt baissent lentement depuis un an. Les clients reviennent timidement. Quelles maisons leur vendez-vous ?
Deux produits plaisent en ce moment. Ils représentent chacun un gros tiers des ventes. D'un côté, la très petite maison, de 50 à 70 m². Souvent de plain-pied, elle est pensée pour être évolutive. Ses clients sont des foyers monoparentaux ou des personnes seules. De l'autre, la grande maison de 130 à 150 m² correspond à une clientèle aisée, des familles recomposées qui ont besoin de plus d'espace. Au milieu, la maison typique de 90 m² avec trois chambres génère un petit tiers des ventes, contre 80 % dans les années 2000. A l'époque, les acheteurs avaient 35 ans en moyenne et ils étaient à 90 % primo-accédants. Aujourd'hui, ces derniers ne constituent que 60 % de notre clientèle, qui est plus âgée de sept ans.
Comment expliquez-vous ces changements ?
La part du foncier dans le prix final représente aujourd'hui en moyenne 30 % du projet car le prix du terrain a doublé en vingt ans. La moyenne nationale s'élève à environ 100 000 euros. En zone rurale, comptez de 30 000 à 40 000 euros. En Ile-de-France ou en Provence-Alpes-Côte d'Azur, 200 000 euros ! Soit autant que le prix moyen, à l'échelle nationale, d'une maison hors terrain. Donc, avec moins de 300 000 euros, vous n'irez pas loin dans votre projet d'achat en zone tendue. La majorité des jeunes ménages peuvent difficilement se positionner. Une partie de l'argent consacré au foncier devrait être davantage dépensée dans le bâti pour répondre aux normes de plus en plus exigeantes, même si, dans l'individuel, le palier 2025 de la RE 2020 est acceptable en comparaison avec la marche franchie en 2022.
Quel bilan tirez-vous de 2024, troisième année de crise de la demande ?
Nous avons constaté une nouvelle baisse de nos ventes [les résultats annuels n'ont pas encore été communiqués, NDLR]. Nous avions vendu 3 400 maisons en 2023 et 6 000 en 2022. Pourquoi le marché s'est-il à nouveau contracté alors que nous visions la stabilité ? D'abord, les taux sont restés élevés. Ensuite, 2024 a été la première année sans PTZ pour la maison individuelle depuis 1995. Enfin, nous avons choisi de ne pas privilégier le volume afin de revenir à des marges saines. Ce chemin de la raison n'a pas été suivi par tous les acteurs.
Quelles sont vos prévisions pour cette nouvelle année ?
Je suis de nature prudente, mais les indicateurs invitent à un certain optimisme : les banques prêtent plus facilement qu'en 2023, les concurrents sont moins nombreux, les clients voient dans la presse qu'il y a un nombre conséquent de défaillances, ce qui les pousse à être de plus en plus regardants concernant la solidité financière du constructeur.
En outre, le déficit de logements qui se creuse depuis des années invite les ménages à franchir le pas. Certains d'entre eux attendaient depuis un an ou deux ans, et se disent que là, il faut y aller. Le climat est donc plutôt favorable à une amélioration de l'activité.
« Nous n'avons pas vocation à racheter des CMistes en difficulté, sauf si nous repérons des pépites. »
A quelle échéance espérez-vous enregistrer un regain de vos ventes ?
Au regard de nos prises de contact qui ont augmenté de l'ordre de 10 % en 2024, cela pourrait intervenir au troisième trimestre 2025. Entre la promesse de vente et la mise en chantier, c'est-à-dire quand nous commençons à facturer, il se passe entre huit à dix mois. Le retour du prêt à taux zéro élargi à tout le territoire et à l'individuel [souhaité par le gouvernement et les oppositions, NDLR] pourrait alimenter cette légère reprise. Cela dépendra notamment de l'enveloppe qui lui sera allouée. Concrètement, sur 2024, nous devrions conserver nos parts dans un marché qui a touché le fond, mais cette année, nous en gagnerons dans un secteur qui connaîtra encore des défaillances de constructeurs.
Qui dit marché en crise, dit opportunités en croissance externe. Quelle est votre stratégie ?
Avec Trecobat, un autre constructeur solide, nous avons repris l'an dernier les deux usines du groupe AST, en difficulté, qui fabriquent des chalets de jardin et des maisons à ossature bois. L'investissement [au montant confidentiel, NDLR] reste faible au regard de notre trésorerie. En cette période trouble, nous avons préféré partager le risque et associer nos expertises. Trecobat apporte son savoir-faire en matière d'ossature bois, nous la force de nos franchisés qui composent notre réseau de commercialisation.
Nous souhaitons par ailleurs devenir actionnaire majoritaire du groupe girondin HDV qui est, lui, rentable. L'objectif est de devenir avec notre marque Maisons Côte Atlantique (MCA) le leader de la maison individuelle en Nouvelle-Aquitaine, un marché dynamique. Nous n'avons pas vocation à racheter des CMistes en difficulté, sauf si nous repérons des pépites.
Vos autres métiers représentent aujourd'hui moins de 20 % de votre activité. Comment voyez-vous leur avenir ?
L'activité de rénovation chez Hexaom comprend des extensions et des réhabilitations de maisons. En tant que contractant général, notre expertise consiste à coordonner plusieurs artisans. Nous ne faisons pas de monogestes. Nos chantiers ne dépendent pas des aides, d'une éventuelle baisse du budget MaPrimeRénov'. Une partie du chiffre d'affaires provient des redevances versées par nos réseaux d'intermédiaires Illico Travaux et Camif Habitat. Comme l'an dernier, la rénovation sera en croissance en 2025.
En 2024, la promotion et l'aménagement foncier ont souffert, mais nous tablons cette année sur une croissance pour ces deux métiers. En promotion, nous ne dépendons pas non plus des aides, du dispositif Pinel qui vient de prendre fin. Les logements sont vendus aux bailleurs sociaux ou à des propriétaires occupants. En 2025, la rénovation, la promotion et l'aménagement foncier représenteront plus de 30 % du chiffre d'affaires du groupe.
« Une partie de l'argent consacré au foncier devrait être davantage dépensée sur le bâti pour répondre aux normes de plus en plus exigeantes. »
Quelles compétences avez-vous perdues depuis que la baisse de votre activité principale vous a obligé à réduire la masse salariale ?
Nos effectifs ont baissé de 40 % depuis mars 2022.
Les équipes commerciales, les bureaux techniques, les conducteurs de chantier, les services supports… Tous les métiers ont été concernés. Il s'agissait aux deux tiers de départs volontaires non remplacés. Ce fut le cas de certains commerciaux pour lesquels une grosse partie de leur commission avait chuté. Ils ne gagnaient plus leur vie et ont préféré nous quitter. Il n'y a pas eu de plans sociaux et nous ne prévoyons pas de réduire encore la voilure.
Nous n'augmenterons les charges fixes en 2025 que si le marché des maisons repart et que nos activités annexes se développent.
